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    Gisors, ville frontière

    Gisors

    Une ancienne place stratégique

    Gisors n’est sans doute qu’un obscur village lorsqu’en 911, ou peut-être seu­lement en 946, le Vexin est divisé en deux parties: la côte ouest de l’Epte fait partie des territoires cédés aux Scandi­naves et devient le Vexin normand, tan­dis qu’à l’est s’étend désormais le Vexin français. L’Epte devient donc une véri­table frontière politique et militaire que les armées françaises ou normandes franchissent souvent, à moins que leurs plénipotentiaires ne se réunissent sur ses rives. Pour renforcer cette limite qui ne pré­sente pas un obstacle naturel suffisant, on élève des points fortifiés dès le Xe siè­cle, en particulier à La Roche-Guyon. Dans les dernières années du XIe siècle, Guillaume II le Roux, roi d’Angleterre, qui occupe alors la Normandie, charge Robert de Bellême d’organiser une soli­de ligne de défenses qui englobe Gisors. En 1119, les rois de France et d’Angle­terre se réunissent dans la ville pour mettre un terme provisoire à leurs hosti­lités. Après 1123, Henri Ier d’Angleterre ren­force considérablement les défenses de Gisors que Louis VII reçoit à la suite d’un accord conclu en 1145. En 1158, après une nouvelle entrevue à Gisors, Louis VII rétrocède la place au roi d’Angleterre au titre de la dot qu’il accorde à sa fille. D’importants travaux sont alors entrepris dans la cité entre 1161 et 1184. Profitant de la captivité de Richard Cœur de Lion, capturé au retour de la troisième croisade, Philippe Auguste s’empare de Gisors en 1193 et le traité de Gaillon, en 1196, lui reconnaît cette conquête. Philippe Auguste renfor­ce à son tour le château et bâtit sans doute la grosse tour; pour verrouiller la route de Rouen, Richard Cœur de Lion entreprend alors la construction du Château-Gaillard. A partir de 1202, le roi de France, qui a déchu Jean sans Terre de ses possessions continentales, s’empare de la Normandie: la frontière de l’Epte n’existe plus. Aussi le château de Gisors ne sert-il plus que de résiden­ce ou de prison, sauf pendant la guerre de Cent Ans où les Anglais l’occupent à nouveau de 1419 à 1449. Bâti sur le plateau qui domine de peu l’Epte, le château comporte une vaste enceinte en forme d’ellipse irrégulière, qui englobe environ 4 ha. Construite en pierre, protégée par des douves profon­des, elle est garnie de petites tours, plus une grosse près de l’entrée principale. A peu près en son centre s’élève une motte artificielle haute de 20 m, sur laquelle se dresse un donjon octogonal; la partie inférieure de ce dernier doit dater de la période 1125-1130, mais il a été suréle­vé à la fin du XIIe siècle, renforcé de contreforts et protégé par une enceinte rapprochée ou «chemise»; celle-ci, épaisse de 2 m, a repris des éléments de défense plus anciens. Au pied de la motte s’étendent de vastes souterrains qui, selon la légende, recèleraient le tré­sor des Templiers...


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  • La cour de Louis XIV: les gardes - 1682-1715

    Au service du Soleil

    Rien ne semble plus aisé que de pénétrer dans le château de Versailles puisqu’il suffit d’avoir épée au côté pour qu’on vous laisse passer. En réalité, rien de mieux protégé que le roi. Voici d’abord les gardes du corps. Ils sont choisis par le roi lui-même. Ce sont des cavaliers, bien qu’ils soient souvent appelés à servir à pied! Les gardes du corps sont à la disposition du roi toute la journée, mais ils servent par quartier c’est-à-dire par trimestre — et béné­ficient ainsi de larges congés. Leur uni­forme est bleu, orné d’un galon d’argent et d’une bandoulière. Ils se divisent en plusieurs compagnies. La première, la plus ancienne, est la compagnie écossai­se fondée par le roi Charles VII. Parmi les gentilshommes de la garde écossaise sont choisis les gardes de la marche. Au nombre de vingt-quatre, ils ont pour obligation de se tenir constamment aux côtés du roi. Aussi leur service, très astreignant, ne dure-t-il qu’un mois par an. Ils servent deux par deux, sauf à l’occasion de certaines cérémonies pour lesquelles six d’entre eux sont requis. Ils sont vêtus d’un justaucorps, d’un hoqueton (sorte de veste), et portent sur l’épaule la pertuisane de bois doré. Depuis le renouvellement, en 1683, de l’alliance perpétuelle entre le roi très chrétien et la Confédération des cantons suisses, les cent-suisses constituent le corps le plus considérable des gardes à pied. Ils sont divisés en escouades et commandés par dix-huit officiers. Pour­point à manches tailladées, chapeau de velours noir orné d’une plume blanche, leur uniforme rappelle toutes les splen­deurs de la Renaissance. Les cent-suis­ses escortent toujours le roi. Quand Louis XIV quitte le château, ils mar­chent à la portière de son carrosse. Us encadrent le trône. La plupart sont ori­ginaires du canton de Vaud et des Gri­sons. Les gardes-françaises jouent, dans l’in­fanterie, le rôle exercé par les gardes du corps dans la cavalerie. Ils sont répartis en six bataillons de trente-trois compa­gnies. Leur uniforme est bleu avec pare­ments rouges et hausse-col doré. Ils veil­lent, eux aussi, à la sécurité permanente du souverain. Quand le roi sort, ils s’ali­gnent en demi-cercle dans l’avant-cour du château jusqu’à la grille et les tam­bours battent «aux champs». Les gardes de la porte, au nombre de cinquante, sont chargés de surveiller chacune des portes qui leur sont con­fiées. Ils ne quittent jamais leur faction quand ils sont en service. Ils sont armés d’une carabine avec une bandoulière ornée de deux clefs en broderie. Enfin, les gardes de l’hôtel, sous le commande­ment du prévôt, assurent, pour leur part, la police intérieure du château. La cour est bien protégée.


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  • Les châteaux forts - Xe-XVe siècle

    Des constructions imposantes et utiles

    Les habitations mérovingiennes et ca­rolingiennes succédant aux villas ro­maines étaient pareillement sans défen­ses. Ce sont les invasions qui obligèrent les grands propriétaires, les villes, les abbayes, à se protéger derrière des murailles. Le château, le castellum latin, c’est la citadelle habitée par le seigneur féodal. Les premiers châteaux fortifiés étaient en bois et se réduisaient à une seule tour rectangulaire édifiée sur une butte, une «motte», disait-on, au besoin artificielle, entourée d'une palissade faite de pieux et d’une levée de terre. En bas était le cellier; en haut, une seule pièce pour le maître, sa famille et ses gens. Dès la moitié du XIe siècle, la pierre commença à remplacer le bois. Et, avec la pierre, au cours du XIIe siècle, le châ­teau féodal prend la forme et le rôle qu’il jouera dans tout le Moyen Age. Il est la demeure du seigneur, mais aussi le centre administratif et judiciaire de la châtellenie, l’abri commun en temps de guerre. Construit sur une hauteur, entouré de douves, de remparts au sommet des­quels courent un chemin de ronde et un parapet coupé de créneaux, les murs percés de meurtrières, les portes enca­drées de tours solides, doté d’un pont- levis qui défend l’entrée, le château mé­diéval est un ouvrage d’art militaire. Les grands châteaux possédaient de dou­bles, parfois de triples enceintes et des cours concentriques avec des logements où la population de l’extérieur pouvait venir se réfugier avec ses biens, en cas de guerre et de péril. Au centre de la cour principale, souvent protégé par des fossés, s’élevait le donjon. Très haut, atteignant jusqu’à 40 mètres, c’était la tour la plus forte (celle, au reste, qui a le mieux résisté au temps), le réduit, l’ulti­me défense en cas d’invasion. C’était aussi la demeure seigneuriale compor­tant, sur plusieurs étages, le logement des hommes d’armes et des domesti­ques. Le rez-de-chaussée était toujours réservé aux celliers, aux silos et entre­pôts. A Vincennes, au Louvre, les rois de France habitaient eux aussi une tour. Au début rectangulaire, elle fut arrondie avec le développement des engins de guerre. En effet, au XIIIe et au XIVe siè­cle, l’art militaire médiéval se développa en fonction de l’accroissement des armes offensives (béliers, tours d’assaut, armes de jet). Avec l’invention des bom­bardes, des mortiers, des couleuvrines et, enfin, au XVe siècle, de l’artillerie, le château perdit de sa valeur défensive et, avec le renforcement du pouvoir royal, son rôle politique. Le seigneur put alors abandonner le donjon.


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  • Le port de Saint-Malo

    «Un vaisseau de granit»

    Située sur la côte nord de la Bretagne, non loin du Mont-Saint-Michel et de la presqu’île du Cotentin, projetée dans la mer, Saint-Malo est un rocher, une for­teresse, un port aux activités multiples et à l’histoire prestigieuse. Un rocher: fondée au moment des inva­sions normandes par les transfuges d’Aleth (aujourd’hui Saint-Servan), dotée d’un évêché, la ville n’est ratta­chée à la terre que par un lien mince, le «sillon», alors recouvert par la mer à chaque marée. Une forteresse: dès le XIIe siècle, elle est entourée de remparts agrandis et modi­fiés jusqu’au XVIIIe siècle. La reine Anne de Bretagne y construit la tour Quiquengrogne, à l’angle du château. Ce dernier est doté, en 1395, d’un petit donjon et, en 1424, d’un grand donjon qui domine l’ensemble. Ces fortifica­tions symbolisent l’esprit d’indépendan­ce des habitants. «Ni Français ni Bre­ton, Malouin suis.» En 1689, Vauban construit le fort Royal (appelé National depuis la Révolution). Un port: aux fonctions multiples, dont la pêche à la morue, d’abord faite à bord de grandes goélettes que remplacent d’énormes chalutiers congélateurs. Saint-Malo est aussi la cité des corsai­res. Avec Jacques Cartier qui, ayant dé­couvert les rives du Saint-Laurent, prend possession du Canada, on peut citer Duguay-Trouin (1673-1736) et Surcouf (1773-1827). Ceux-ci, ayant reçu des «lettres de course» leur ;vitant d’être traités en pirates, attaquent les navires ennemis, anglais et hollandais. La prise de Rio de Janeiro (1711), mal­gré la perte du Magnanime, de VAigle et du Fidèle, rapporte gloire et profit à Duguay-Trouin devenu chef d’escadre. Saint-Malo est enfin une pépinière spiri­tuelle; au XVIIIe siècle, c’est elle qui aurait donné à la France, en proportion de sa grandeur, le plus de grands hom­mes: Maupertuis, La Mettrie, La Men- nais et, surtout, Chateaubriand qui, né près de la tour Quiquengrogne, va finir ses jours dans la solitude de l’île du Grand-Bé, qu’on ne peut gagner qu’à marée basse, et où il repose aujourd’hui sous une simple dalle sans nom, sur­montée d’une croix de granite. Dévastée au cours de la dernière guerre mondiale, reconstruite avec sollicitude, Saint-Malo, qui possède quatre bassins à flot et un avant-port, forme aujour­d’hui, avec Saint-Servan, Paramé et Rothéneuf, un actif complexe touristi­que, bardé d’histoire et de souvenirs.


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  • L’art du vitrail au Moyen Age - XIIe -XIVe siècle

    Le pur témoin d'une grande époque

    L’art du vitrail atteint sa perfection au Moyen Age, tout particulièrement au XIIIe siècle. Un vitrail se compose d’un grand nom­bre de morceaux de verre, de taille et d’épaisseur variables, colorés dans la masse par des oxydes métalliques ou peints avant d’être cuits. Ces morceaux sont disposés de façon à former une image d’après un dessin initial. Ils sont ensuite sertis dans du plomb qui assure la cohésion de l’ensemble et souligne les contours. Dès l’époque mérovingienne, les textes évoquent la présence de verres colorés dans les sanctuaires. Les véritables vitraux apparaissent aux IXe et Xe siè­cles. Toutefois, les plus anciens qui aient été conservés ne sont pas antérieurs au milieu du XIIe siècle («Notre-Dame de la Belle Verrière», à Chartres). Ils se dis­tinguent par la limpidité de leurs rouges et de leurs bleus. On peut les voir aussi à Saint-Denis. Ils deviennent plus nom­breux dès la seconde moitié du XIIe siè­cle. Ceux du Mans, d’Angers, de Poi­tiers, de Châlons-sur-Marne, par leur dé­coration luxueuse inspirée de l’orfèvre­rie, s’opposent à la nudité délibérée des vitrages cisterciens (Beaulieu, Pontigny), dont le seul ornement est la géo­métrie des plombs. Au XIIIe siècle, les vitraux couvrent des surfaces de plus en plus grandes. Leur décor varie selon leur emplacement. Alors que les fenêtres hautes ne présen­tent que de grands personnages traités dans un style monumental, dans les fenêtres des bas-côtés et du déambula­toire, plus visibles, se multiplient les mé­daillons historiés. Le dessin évolue pro­gressivement vers un plus grand réalis­me, surtout dans les médaillons, dont bien des scènes s’inspirent de la vie quo­tidienne des contemporains. La cathédrale de Chartres conserve l’ensemble le plus important et le plus ancien, datant, pour l’essentiel, des années 1200 à 1230. Chartres sert ensuite de modèle aux verrières de Bour­ges, de Rouen, de Sens, de Poitiers, etc. A leur tour, les ateliers parisiens devien­nent célèbres après avoir réalisé, entre 1243 et 1248, le magnifique ensemble de la Sainte-Chapelle, imité à Tours, au Mans, puis en Normandie. A partir du milieu du XIIIe siècle appa­raît, sans doute à Saint-Urbain de Troyes, un style nouveau, beaucoup plus lumineux grâce à l’usage, sur du verre blanc, d’une peinture spéciale, appelée «grisaille», grâce aussi à l’emploi de teintes plus claires ou plus vives. Ce type de vitrail gagne la Nor­mandie par Evreux, mais aussi le Midi (Narbonne). A la fin du XIVe siècle, son élégance cède à une sorte de maniérisme qui suscite, notamment à Rouen, une réaction réaliste. Toutefois, en cette fin du Moyen Age, on n’atteint jamais la perfection des œuvres du XIIIe siècle, qui demeure le grand moment de l’art du vitrail.


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