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    Le Code civil - 21 mars 1804

    L’empreinte du maître

    «Ma vraie gloire n’est pas d’avoir gagné soixante batailles. Ce qui vivra éternel­lement, c’est mon Code civil», dira un jour l’exilé de Sainte-Hélène. Dès son arrivée au pouvoir, Bonaparte comprit en effet la nécessité de restaurer la socié­té sur des bases d’ordre et de discipline. La grande crise révolutionnaire avait jeté à bas quantité de principes. Sous la Convention, un Comité de législation avait ébauché un projet de code. La pé­riode qui suivit Thermidor fut marquée par un terrible relâchement des mœurs. Tout était donc à reprendre d’une main ferme. En août 1800, le Premier consul nomma une commission préparatoire où entrè­rent trois éminents jurisconsultes: Tronchet, Portalis, Bigot de Préameneu, qui, assistés du secrétaire général, Maleville, reçurent la charge de préparer une série de projets de loi. Leurs textes furent dis­cutés en Conseil d’Etat au cours de longs et laborieux débats. Les conseil­lers accomplirent une immense tâche. Généralement présidés par Cambacérès, ils étaient talonnés par le Premier con­sul, qui paraissait du reste souvent au Conseil (sur 190 séances il en présida 57), dont il étonnait les membres par la pertinence de ses observations. Il savait écouter, il savait interroger. Avec son esprit clair il proposait aux juristes des solutions nettes, des formules toujours percutantes. 11 avait été convenu que, lorsqu’un titre serait prêt, il serait étudié par le Tribunat, qui le soumettrait ensui­te au Corps législatif. Mais les tribuns formulèrent de si violentes critiques que Bonaparte décida de leur retirer les textes. De 1801 à 1804, trente-six lois furent adoptées. Le 21 mars 1804, elles furent réunies sous le titre de Code civil des Français qui prit, en 1807, le nom de Code Napoléon. Les législateurs s’étaient inspirés à la fois du droit romain, des anciennes coutumes de France, des ordonnances des rois et des lois formulées par les grandes assem­blées de la Révolution. Dans l’ensemble, le Code s’attachait particulièrement à protéger la famille, mettant l’accent sur l’autorité maritale et paternelle; il affir­mait en outre avec force le droit de pro­priété, «droit fondamental sur lequel reposent toutes les institutions sociales», expliquait Portalis. Bien qu’ayant abro­gé beaucoup de lois de la période révo­lutionnaire, le Code conservait pourtant la plupart des grandes conquêtes de 1789: égalité entre tous les citoyens, laï­cité de l’Etat, liberté de conscience, liberté de travail, égalité entre les enfants légitimes en matière d’héritage et limitation pour les parents des libertés de tester, possibilité de divorcer en cer­tains cas précisés. Par sa clarté, par la vigueur de son style, le Code acquit un rayonnement mondial


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  • La conspiration de Cinq-Mars - 1642

    Les turbulences de l'élite

    En 1642, la France de Louis XIII et de Richelieu participe depuis bientôt sept ans à la guerre de Trente Ans et mène une lutte difficile contre l’Espagne. Le poids des impôts suscite de violentes ré­voltes paysannes: Croquants dans le Sud-Ouest, Va-Nu-Pieds en Normandie. Les grands n’ont pas désarmé: tout un parti reste hostile à une politique d’alliance avec la Suède et les princes protestants d’Allemagne. C’est dans ces conditions qu’un nouveau complot écla­te contre Richelieu et contre la monar­chie. A l’origine de l’affaire se trouve le nouveau favori de Louis XIII, Henri d’Effiat, marquis de Cinq-Mars, un jeune homme de belle prestance, fils du surintendant d’Effiat. Connaissant le caractère tourmenté du roi, Richelieu a même favorisé à l’origine la passion que Louis éprouve pour son nouveau favori. Contrairement à son attente, cette pas­sion est malheureuse. Infatué de lui- même, dépensier, débauché, Cinq-Mars, ou «M. le Grand», comme on l’appelle (il est en effet le grand écuyer du roi), se montre insolent, caustique. Il n’a rien du héros dépeint par Alfred de Vigny. Il fait souffrir Louis XIII, abuse de sa confiance. Assuré de son emprise, dévo­ré d’ambition, il songe à écarter Riche­lieu. Devant le roi, il critique la politique du cardinal, le représente comme l’adversaire de la paix, le responsable des maux dont souffre le royaume. Il propose d'entreprendre, par l’intermé­diaire de son ami de Thou, des négocia­tions secrètes avec l’Espagne et même de faire assassiner Richelieu. Louis XIII n’écarte pas totalement ces proposi­tions, comme le prouvera une lettre embarrassée adressée, au moment du procès de Cinq-Mars, au chancelier Sé- guier. Mais le favori va plus loin. Il s’engage dans la trahison. En liaison avec le duc de Bouillon et le duc d’Orléans, Monsieur, frère du roi, il signe, en 1642, un traité secret avec le Premier ministre de Philippe IV, Oliva­res: avec des subsides et des troupes fournis par Madrid, le duc d’Orléans, s’étant octroyé le titre de lieutenant gé­néral du royaume, écarterait le roi, pren­drait la direction du royaume et signe­rait la paix avec l’Espagne. C’est au cours d’un voyage en Langue­doc que Richelieu, déjà gravement malade, est mis au courant du traité grâ­ce à sa remarquable police. Aussitôt, il avertit Louis XIII, très malade lui aussi et qui se trouve à Narbonne. Furieux de cette machination, le roi, en dépit de ses sentiments, fait arrêter Cinq-Mars (13 juin 1642). Celui-ci est jugé avec son ami de Thou. Les deux hommes sont condamnés à mort et exécutés à Lyon, le 15 septembre 1642. Monsieur et le duc de Bouillon obtiennent le pardon du souverain. Après ce dernier assaut, Richelieu mourra le 4 décembre 1642 et le roi disparaîtra à son tour cinq mois plus tard


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  • L’attentat d Orsini - 14 janvier 1858

    La bombe qui appelle au secours

    C’est en criant: «Vive l’Italie! Vive la France!» qu’Orsini et Pieri, condamnés pour attentat contre Napoléon III, mon­tèrent à l’échafaud le 13 mars 1858. Devant l’Opéra, le soir du 14 janvier 1858, trois bombes avaient été lancées contre la voiture impériale où se trou­vaient l’empereur, l’impératrice et le gé­néral Roguet. Il y eut huit morts et cent cinquante blessés. Le couple impérial, lui, était miraculeusement indemne, mais la voiture avait reçu quelque qua­tre-vingts éclats et le général Roguet, blessé au cou, saignait.

     

    Les auteurs de l’attentat étaient quatre révolutionnaires, disciples de Mazzini. Seul son instigateur et organisateur, Felice Orsini, né en 1819, conspirateur de longue date, membre de FAssemblée républicaine de Rome en 1848, suscita une certaine sympathie à cause de la sincérité de ses convictions. Pieri était un personnage douteux. Les deux autres, Gomez, homme de main, et Rudio, très jeune, ne furent pas con­damnés à mort. Orsini avait voulu élimi­ner Napoléon III parce qu’il le considé­rait, depuis l’intervention des troupes françaises en 1849 contre la République romaine, comme un obstacle aux pro­grès de l’unité italienne, ce en quoi il se trompait du tout au tout. Les républi­cains français furent aussitôt accusés de complicité, d’autant qu’Orsini fut défen­du par un député partageant leurs idées, l’éloquent avocat Jules Favre. Le gou­vernement fit voter une loi de sûreté gé­nérale ( 19 février 1858) organisant la répression. Plusieurs républicains furent déportés en Algérie. En réalité, Napoléon III, qui avait autre­fois combattu aux côtés des carbonari, avait toujours été favorable à l’unité de «sa seconde patrie». Il avait permis aux Piémontais de prendre part à la guerre de Crimée, puis de poser la «question italienne» aux congrès de Paris. Toute­fois, il hésitait à s’engager davantage pour soutenir le Piémont contre l’Autri­che, craignant une guerre difficile et l’hostilité des milieux catholiques fran­çais, favorables aux Habsbourg et au pape. Mais l’attentat eut l’effet parado­xal de pousser l’empereur à prendre par­ti. Il laissa publier dans Le Moniteur une lettre d’Orsini où l’on trouvait cette adjuration: «Que Votre Majesté ne repousse pas ce vœu suprême d’un patriote sur les marches de l’échafaud, qu’elle délivre ma patrie et les bénédic­tions de 25 millions de citoyens le sui­vront dans la postérité.» Le 21 juillet 1858, une entrevue, à Plombières, entre Napoléon III et Ca- vour fixa les modalités de l’intervention française. Le 27 avril 1859, l’Autriche, sûre de sa force, engagea les hostilités et, une semaine plus tard, la France se rangea aux côtés du Piémont.


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    La police

    L'ordre à travers les âges

    Jusqu’au XVIe siècle, la France connaî­tra non pas une police mais des polices seigneuriales, puis communales. Le roi intervenait par l’intermédiaire de ses officiers — prévôts, puis baillis et séné­chaux —, qui apparurent à partir du XIe siècle, cumulant les fonctions de police, de justice et d’administration. En 1032 fut créée la charge de prévôt de police de Paris. Fonctionnaire de justice et de police, il avait sous ses ordres 12 sergents et, plus tard, 60 archers, com­mandés par un chevalier du guet. S’y adjoignait, la nuit, un guet bourgeois, fourni par les corporations. Philippe le Bel réorganisa cette police urbaine en nommant 12 commissaires au Châtelet, chargés de veiller à la sûreté et à la salu­brité de la ville. L’ère moderne de la police commença sous François Ier. Ce roi créa des offices d'enquêteurs-examinateurs, ancêtres de nos commissaires de police, dans chaque bailliage ou prévôté, et des pré­vôts des maréchaux, qui furent chargés de la police des campagnes. L’édit d’Amboise (1572) sépara définitivement les fonctions de justice et de police. Au XVIIe siècle furent créés les exempts, officiers de police adjoints soit au guet, soit aux commissaires. Louis XIV insti­tua une charge de lieutenant de police, conférant à son titulaire toutes les attri­butions de la police générale pour la pré­vôté de Paris. Le premier fut Nicolas de La Reynie. En 1789, Bailly, premier maire de Paris, s’installa dans l’hôtel du lieutenant de police, marquant par là que l’autorité de police faisait retour aux municipalités. Il créa un comité de la police, tranquillité et sécurité, et divisa Paris en 48 sec­tions. Un commissaire de police, désigné par les électeurs, était placé à la tête de chacune d’elles. Une garde nationale assurait l’ordre public. Les départe­ments français furent dotés de commis­saires, également élus. Tout cela débou­cha sur l’anarchie. C’est pourquoi le Directoire créa le premier ministère de la Police, fonda la Gendarmerie natio­nale, nomma un préfet de police pour Paris et un commissaire de police par ville de 5000 habitants. Le ministère fut supprimé en 1818. En 1829 furent créés les premiers sergents de ville qui, en 1870, prendront le nom de gardiens de la paix.

     

    Sous le second Empire, toutes les poli­ces de France passèrent sous la tutelle du préfet de police de Paris. L’autorité de ce dernier fut de nouveau circonscrite au seul département de la Seine en 1876, tandis que la Sûreté générale («nationale» à partir de 1934), érigée en Direction du ministère de l’intérieur, coiffa tous les services de police du terri­toire. Depuis, ceux-ci n’ont cessé de se diversifier. C’est dans les années qua­rante que la direction de la Sûreté se subdivisa en directions spécialisées: Police judiciaire, Renseignements géné­raux, Sécurité publique, Surveillance du territoire.


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  • L’assassinat de Marat - 13 juillet 1793

    Un martyr de la Révolution

     

    Le 2 juin 1793, les Girondins sont pros­crits; depuis longtemps, ils étaient atta­qués par Marat qui dirige à Paris le jour­nal L’Ami du peuple. Jean-Paul Marat, né en 1743, a fait de fortes études. Il a publié de nombreux ouvrages scientifiques et politiques à la suite de ses voyages à travers toute l’Europe. Avant 1789, il était le médecin personnel du comte d’Artois, le futur roi Charles X. Il est violent, nerveux, et souffre de dermatoses. Dès le début de la Révolution, il se montre farouche ennemi de la famille royale et de tous les contre-révolutionnaires; il est souvent pourchassé, obligé d’écrire en secret ses articles virulents. Mais, après la destitu­tion du roi le 10 août 1792, L’Ami du peuple est très lu et Marat devient dépu­té de Paris à la Convention. Les Giron­dins de tendance modérée le font tradui­re devant le Tribunal révolutionnaire pour appel au meurtre; acquitté, il fait alors arrêter les Girondins; quelques- uns d’entre eux peuvent néanmoins s’enfuir, notamment en Normandie. C’est par eux qu’une jeune fille de Caen, Charlotte Corday, âgée de 25 ans et petite-nièce de Corneille, entend parler de la Révolution et de ses excès. S’exal­tant, elle pense que la mort de Marat marquera le retour de la liberté et de la justice; elle espère aussi devenir sem­blable aux héroïnes que son ancêtre campa dans ses tragédies. Le 9 juillet 1793, Charlotte Corday part pour Paris où elle arrive le 11 ; le 12, elle écrit à Marat pour lui demander une entrevue sous prétexte de lui donner des renseignements sur la situation en Nor­mandie; le 13, elle achète un couteau qu’elle cache sous son fichu et se rend chez Marat, rue des Cordeliers. Elle tente deux fois d’entrer, sans succès; le soir enfin, elle parvient à pénétrer dans la chambre du tribun. Celui-ci est dans sa baignoire, occupé à corriger, sur une planche, les épreuves d’un article. Charlotte approche et lui plonge son couteau dans la poitrine, le tuant sur le coup. Aussitôt arrêtée, la jeune femme ne manifeste ni crainte ni remords. Conduite d’abord à la prison de l’Abbaye, elle est transférée le 16 juil­let à la Conciergerie et, le 17, traduite devant le Tribunal révolutionnaire; son avocat est Chauveau-Lagarde, qui dé­fendit Marie-Antoinette. Charlotte est condamnée à mort et guillotinée place de la Révolution, aujourd’hui place de la Concorde. Le 21 septembre 1794, on transporte le corps de Marat au Panthéon; on l’en retirera en 1795, passé les excès de la Terreur.


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