• «Noire et gigantesque cheminée d'usine»

     

    La tour Eiffel

    Le 6 juin 1884, Maurice Kœchlin, l’un des principaux adjoints de Gustave Eif­fel, réalise le premier dessin de ce qui sera la tour Eiffel. Le 12 juin 1886, le projet, modifié par Eiffel lui-même, est adopté par le Conseil des ministres sur recommandation de Lockroy. Le con­trat est signé le 8 janvier 1887; le monu­ment est achevé en mars 1889.

    Mais la genèse et la construction du cé­lèbre symbole ont connu de nombreuses péripéties. Dans l’esprit du gouverne­ment de la IIIe République, l’Exposition universelle de Paris doit redorer le bla­son de la France après la guerre de 1870-1871 et la perte de l’Alsace- Lorraine. Pour ce faire, on compte sur une série d’attractions, dont la célèbre galerie des Machines.

    A cette époque, le Champ-de-Mars n’est qu’une vaste promenade. Parmi les mil­liers de projets, souvent farfelus, l’un des plus intéressants est celui de Bourdais, 1 architecte du Trocadéro: la «Tour du Soleil», haute de 300 m environ. Son plan obtient quelque temps la faveur d’Edouard Lockroy, ministre de l’in­dustrie et du Commerce. Pourtant, une maçonnerie de cette hauteur semble poser des problèmes insurmontables, de sorte que le ministre décide d’organiser un concours.

    Sur quelque 700 projets, c’est celui de Gustave Eiffel qui l’emporte. Mais les protestataires sont nombreux: les rive­rains d’abord, mais surtout les intellec­tuels et les artistes; en février 1887, cin­quante d’entre eux signent une pétition dénonçant cette «tour vertigineusement ridicule, dominant Paris ainsi qu’une noire et gigantesque cheminée d’usine, écrasant de sa masse barbare Notre- Dame... le Louvre... l’Arc de triomphe, tous nos monuments humiliés...» Parmi les signataires, on relève les noms d’Alexandre Dumas fils, Leconte de Lisle et Charles Gounod.

    Pourtant, les travaux, qui ont commen­cé le 26 janvier 1887, se poursuivent allègrement. On creuse des fondations de 14 m et quatre blocs de maçonnerie de 26 m2 soutiennent la superstructure. L’ossature métallique est réalisée en ate­lier et le montage est effectué à partir du 1er juillet. Les 15000 pièces métalliques numérotées sont assemblées à l’aide de 2,5 millions de rivets.

    Le 1er avril 1888, la première plate­forme, à 57 m, est achevée. Le 14 août, c’est au tour de la deuxième, à 115 m, et le 24 février 1889, de la troisième, à 274 m.

     

    L’œuvre porte le nom de Gustave Eiffel, mais doit beaucoup à ses collaborateurs Emile Nouguier et Maurice Kœchlin. Eiffel, le «magicien du fer», s’était déjà rendu célèbre par plusieurs ponts, en France et à l’étranger. C’est de son ate­lier que sortiront certaines écluses de Panama et l’ossature de la statue de la Liberté.


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  • Les «Arts décoratifs» de 1925

     

     

     

    En raison de la Première Guerre mon­diale, Paris doit attendre 1925 pour organiser une nouvelle Exposition uni­verselle après celle de 1900; on l’appelle celle des «Arts décoratifs», vu l’impor­tance qu’on y donne à l’architecture d’intérieur. Elle reflète le profond renou­vellement du goût en la matière: désor­mais, les jeunes ménages accordent au «cadre de vie» une importance mécon­nue pendant la Belle Epoque; on s’entiche de formes géométriques, de meubles clairs, de bois coloniaux rares, de panneaux de laque, de lampadaires en verre opalescent... Dans les intérieurs dominent les contrastes de couleurs: tentures orange, coussins verts et vio­lets... C’est la rupture avec le rococo 1900 et le modem style.

    L’architecture a aussi sa place dans cette Exposition; on y affirme avec har­diesse les ressources et l’avenir du béton armé. De nouveaux architectes se révè­lent au grand public: Perret, Tony Gar- nier, Mallet-Stevens et, surtout, Le Cor­busier, qui présente aux Parisiens aba­sourdis son plan de réaménagement radical de la capitale; seuls, quelques monuments glorieux seraient épargnés; la verdure et les voies de circulation occuperaient 95% de la surface du sol; des gratte-ciel en forme de croix et à façades de verre, les 5% restants: «Pari­siens, déclare-t-il, vous serez dans les arbres... D’immenses espaces ver­doyants seront autour de vous... A tra­vers la résille charmante des feuillages, vous apercevrez dans le ciel, à de très grandes distances les unes des autres, des masses de cristal gigantesques, plus hautes que n’importe quel édifice du monde...»

    L’Exposition est installée dans des pavil­lons lumineux et bariolés, dressés le long de la Seine ou sur des péniches restées célèbres, comme «Amour, délice et orgue», décorées de tentures imprimées par le peintre Raoul Dufy et le couturier Paul Poiret; de curieuses boutiques, au style dernier cri, animent le pont Alexandre-III; sur la tour Eiffel, des let­tres gigantesques, formées par 280000 lampes de toutes couleurs, inscrivent le nom CITROËN. On peut voir là divers symboles: continuité avec les exposi­tions d’avant-guerre, toute-puissance de la «fée Electricité», importance nouvelle de la publicité, dynamisme de l’industrie automobile. «Arts décos» reçoit 16 millions de visiteurs; mais ses innovations ne plai­sent pas à tout le monde: elles choquent les bourgeois conformistes, déconcertés par ce «capharnaüm aux couleurs criar­des», ce «tohu-bohu de styles dispara­tes». «Arts décos» annonce aussi le dé­clin des expositions universelles: seules la suivront celle de 1931, au bois de Vincennes, et celle de 1937, peu avant la guerre.


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  • «Nous avons d’immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau de chemin de fer à compléter [...], en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France nos grands ports de l’ouest à rapprocher du conti­nent américain par la rapidité de ces communications qui nous manquent encore [...]. Voilà comment je compren­drais l'Empire, si l’Empire doit se réta­blir.» Ce passage du célèbre «discours de Bordeaux» (7 octobre 1852) du futur Napoléon III est moins connu que le fameux: «L’Empire, c’est la paix»; il fut mieux réalisé.

    L’essor industriel que connut la France sous le second Empire n’a été possible, assurément, que par le progrès des tech­niques qui avait déjà marqué l’époque de Louis-Philippe. Mais les conceptions de l’empereur, le réel intérêt qu’il portait aux classes laborieuses, le désir aussi de compenser chez les classes aisées l’absence de vie politique par une vie économique active, y ont, de plus, énor­mément contribué. Pendant son règne, la France entière a été un chantier, et pas seulement Paris.

    On connaît l’extension des voies ferrées, passées de 3900 km en 1852 à 18000 km en 1870. avec 3 millions de voya­geurs par an, et la constitution de puis­sants réseaux par la fusion des petites compagnies peu rentables. Cet effort ferroviaire fut couronné par la réalisa­tion du tunnel du col de Fréjus ( 1857- 1871), première des grandes percées alpines, longue de plus de 13 km. On connaît moins l’expansion du réseau routier: 47000 km de routes départe­mentales et de chemins vicinaux furent réalisés ou améliorés. Le développement routier et surtout ferroviaire rendait les voies d’eau moins nécessaires; on amé­liora toutefois les accès de Rouen et de Bordeaux et on poursuivit les travaux entrepris par Louis-Philippe dans Je bas­sin de la Seine. On procéda au drainage de la Sologne, de la Dombes et de la Brenne; on acheva la fixation des dunes des Landes et on réalisa leur boisement. On entreprit la modernisation des ports qu’il fallait adapter aux nouveaux navi­res à vapeur. Marseille, destinée par notre implantation en Algérie et surtout par le percement du canal de Suez, com­mencé en 1851, à devenir le port de l’Orient, ouvre les bassins de la Joliette. Le Havre, Dunkerque, Saint-Nazaire furent également pourvus de bassins plus profonds et de puissants appareils de levage. Tous ces travaux n’auraient pas été pos­sibles en si peu de temps sans la mobili­sation du crédit due à un système ban­caire rénové et à l’afflux de l’épargne, reflet de la confiance accordée au régi­me. L’Exposition de 1855 avait été un succès. Celle de 1867 fut une apothéose.

     


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  • Troubadours et trouvères

    La poésie, qu’on trouve aux sources de toute civilisation, entre dans la littératu­re française au XIIe siècle. Deux idio­mes existent alors dans le pays: la lan­gue d’«oc» dans le Midi, la langue d’«oïl» dans le Nord.

    C’est dans le Sud, proche de la Méditer­ranée, berceau de notre civilisation, qu’apparaissent les premiers poètes: les troubadours (trouveurs). Ils s’inspirent des hauts faits des croisés, puis des grands sentiments humains où l’amour tient la première place.

    Comme aujourd’hui la chanson, le trobar (poème) était chanté ou accompa­gné de musique; le troubadour est un homme lettré, indépendant ou attaché au service d’un seigneur qui l’appelle son «ménestrel».

    En effet, les mœurs s’étant adoucies depuis le XIe siècle, les grands féodaux ne s’adonnent plus seulement à la guer­re; ils attirent volontiers des artistes à leur cour et, souvent, composent eux- mêmes des vers. Ainsi naît la poésie «courtoise» qui chante une forme d’amour raffiné et spiritualisé, dans la tradition de l’idéalisme platonicien; on révère la «dame», dont l’amant n’ose espérer plus qu’un sourire et pour laquelle il est prêt à souffrir mille tour­ments. Le style est varié, l’expression quelquefois hermétique, comme dans le trobarclus, ou orné jusqu’à l’affecta­tion, comme dans le trobarrie. Malheureusement, aucun texte ne nous a été conservé; mais on connaît beau­coup d’auteurs, comme Guillaume IX, duc d’Aquitaine, le plus ancien d’entre eux, Cercamon, le compagnon de Guil­laume X, Jaufré Rudel, prince de Blaye. Au XIIe siècle, la croisade contre les Albigeois entraîne le déclin de la poésie méridionale; mais, dans le Nord, les troubadours ont des imitateurs qu’en langue d’oïl on appelle trouvères. Plu­sieurs de leurs manuscrits nous sont parvenus. Les plus connus de ces artis­tes sont Chrétien de Troyes, qui vécut au XIIe siècle, et Thibaud IV, comte de Champagne, qui chantait, dit-on, les mérites de Blanche de Castille. Chez eux, la sensibilité est plus réaliste et moins maniérée que chez leurs homolo­gues du Midi. Les plus tardifs ne sont pas les moins célèbres: Christine de Pisan, qui vécut sous Charles VI, est la première femme de lettres française; Charles d’Orléans, le petit-fils de Char­les V, est aussi charmant poète qu’il est noble prince.

    Les troubadours ont essaimé en Italie et en Espagne; quant aux trouvères, ils ont influencé l’Europe du Nord, notamment l’école allemande des minnesànger. Les uns et les autres furent des modèles autant que des pionniers: l’amour cour­tois inspire la littérature française jus­qu’au «précieux» du XVIIe siècle; quant aux «romantiques», si séduits par le Moyen Age, ils leur doivent une grande part de leur inspiration.

     


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  • Le théâtre à l’échelle de la ville

     

    Les mystères du Moyen Age

     

    La représentation d’un mystère consti­tue l’un des temps forts de la vie urbaine à la fin du Moyen Age. Le théâtre reli­gieux est fort ancien. Dès le XIe siècle, le clergé interprète dans l’église même ou à ses abords, afin d’instruire les fidè­les, des drames liturgiques qui illustrent des épisodes de la vie du Christ; un peu plus tard, des laïques jouent des «mira­cles», œuvres brèves et édifiantes qui cé­lèbrent la gloire d’un saint. Composés d’abord en latin, ces textes le sont en français dès la fin du XIIe siècle. Dra­mes liturgiques et miracles sont à l’origi­ne des mystères qui les éclipsent à partir du XIVe siècle.

    Un mystère est une représentation d’un sujet très vaste — principalement la passion du Christ — qui juxtapose des épisodes très variés, mais ce n’est pas un simple divertissement, car, au-delà du thème traité, le mystère contient tou­jours une intention pédagogique, édi­fiante et moralisatrice. Ce souci amène d’ailleurs l’introduction de personnages allégoriques, comme la Justice ou la Miséricorde, qui donnent un sens encore plus clair à l’action.

    Ce sont des œuvres énormes: la Passion de Jean Michel comporte 65 000 vers, dure plusieurs jours et exige la participa­tion de plusieurs centaines d’acteurs. Le mystère le plus célèbre est la Passion d’Arnoul Gréban, clerc et musicien pari­sien, qui rédige les 35 000 vers de son œuvre avant 1452.

    La représentation des mystères est assu­rée par des confréries de la Passion ou du Saint-Sacrement; celle de Paris en reçoit le monopole dans la ville en 1402. Les confréries regroupent des laïques et des ecclésiastiques, mais elles n’ont pas une vocation exclusivement «théâtrale». Les acteurs ne sont donc pas des profes­sionnels et tous les rôles, même fémi­nins, sont tenus par des hommes. Après plusieurs mois de préparatifs, le mystère est joué à l’occasion d’une grande fête religieuse, Pâques de préférence à cause du thème de la Passion. Toute la popu­lation des environs converge alors vers la ville dont le rôle culturel est ainsi affirmé.

    Compte tenu du public et du plein air, le texte doit être simple et clair, l’analyse psychologique rudimentaire. En revan­che, on insiste avec un goût discutable, de manière de plus en plus réaliste, sur les souffrances du Christ ou des martyrs pendant que des effets de gestes, de dé­cors, voire de trucages, tiennent une place croissante, car ils répondent au goût du temps pour les cérémonies grandioses et étranges. En outre, à la fin du XVe siècle, pour soutenir l’intérêt du public, on intègre des scènes comiques ou réalistes, de plus en plus nombreuses, qui font perdre au mystère son caractère religieux: l’Eglise devient alors hostile à un genre qui lui échappe et en obtient l’interdiction en 1548. 


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