• L’expulsion des jésuites

    Le parlement contre le Saint-Siège

    La Compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola, artisan de la Contre-Réforme, était, partout dans le monde, une milice au service de la papauté. Par leur mainmise sur les collè­ges et les confessionnaux, les jésuites contrôlaient la formation des esprits et des consciences; on les accusait d’utili­ser la religion à des fins politiques. Le Portugal, le premier, chasse les jésuites de son territoire en 1759. Encouragés par cet exemple, les parlementaires fran­çais de tendance janséniste et gallicane saisissent l’occasion d’une affaire dans laquelle un jésuite était impliqué pour s’en prendre à la Compagnie: le père de La Valette, qui a créé une maison de commerce aux Antilles, a fait faillite, entraînant dans sa ruine des commer­çants marseillais. Le parlement de Mar­seille attaque la Compagnie de Jésus, laquel­le fait appel au parlement de Paris, pré­sentant pour sa défense ses Constitu­tions (règles de l’ordre) dont les statuts interdisent le commerce. Le 8 mai 1761, le parlement de Paris condamne la Compagnie à dédommager les clients de La Valette et, après examen des Consti­tutions, les déclare contraires aux lois du royaume, «dangereuses pour la sécu­rité des Etats et la liberté des particu­liers». Le 6 août, il fait brûler divers ouvrages des jésuites et, par le même arrêt, ordonne la fermeture des collèges de la Compagnie pour le 1er octobre. Les assemblées de province prennent les mêmes mesures.

    Louis XV aurait voulu enlever cette affaire aux parlements et la réserver à son Conseil. Choiseul lui représente que le moment est mal choisi: les dépenses de la guerre de Sept Ans nécessitent des emprunts qui ont besoin de la caution des magistrats; il ne faut donc pas pro­voquer leur animosité; mieux vaut les satisfaire en leur sacrifiant les jésuites. Le roi essaie de gagner du temps: il fait demander à Rome une réforme des Constitutions. La réponse est intransi­geante: les règles resteront ce qu’elles sont, ou ne seront pas. Tandis que le roi hésite, Choiseul laisse faire. Dans le courant de l’année 1762, les maisons de la Compagnie sont évacuées et mises sous séquestre. Par arrêt du parlement de Paris, il est interdit aux pères de por­ter l’habit de leur ordre, d’enseigner, de posséder des bénéfices, de remplir une fonction publique sans avoir prêté ser­ment de fidélité au roi et juré de défen­dre les libertés de l’Eglise gallicane contre la mainmise de Rome.

    Poussé par Choiseul et par Mme de Pompadour, Louis XV cède enfin: par un édit de novembre 1764, il confirme l’arrêt pris huit mois plus tôt par le par­lement sur l’expulsion des jésuites du territoire français; entre 1764 et 1767, tous les Etats bourboniens font de mê­me. En 1773, le pape supprime la Com­pagnie de Jésus qui ne se reconstituera qu’au début du XIXe siècle.

     


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  • Les premiers pas des télécommunications

    Le 1er septembre 1794, la Convention était en séance lorsque Carnot, membre du Comité de Salut public, fit son entrée. «Citoyens, annonça-t-il, voici la nouvelle qui nous arrive à l’instant par le télégraphe que vous avez fait établir de Paris à Lille: Condè est restitué à la République, la reddition a eu lieu ce matin à 6 heures.» C’était la première fois que le télégraphe Chappe fonction¬nait officiellement. La bonne nouvelle de la reprise de Condé — dernière place forte du territoire restée entre les mains de l’ennemi — était parvenue en quel¬ques heures de Lille. Ce jour-là, l’inven¬teur du télégraphe aérien put, lui aussi, se réjouir. Quelque quinze ans plus tôt, le jeune Claude Chappe (1763-1805) jouait dans un jardin lorsqu’il imagina de correspondre de loin avec son frère Ignace, à l’aide d’un appareil de son invention. Il s’agissait d’un bâton hori¬zontal tournant sur une pointe formant pivot et portant à chaque extrémité un autre bâton mobile grâce auquel des signaux pouvaient être envoyés selon un code déterminé à l’avance. Adulte, Claude Chappe reprit ses tra¬vaux. Il construisit un grand mât avec, à son sommet, une barre de 4 m pourvue de bras articulés pouvant prendre diver¬ses positions. Chaque mouvement des bras, correspondant à un code, était observé à la lunette. L’instrument fut essayé dans la Sarthe, pays natal des Chappe, en 1791. Ignace Chappe, alors membre de l’Assemblée législative, inté¬ressa ses collègues à l’invention, qui fut adoptée par la Convention après un essai opéré le 12 juillet 1793 près de Ménilmontant. Ce jour-là, un court message fut transmis en douze minutes d’un poste à un autre, le second étant à 35 km du premier. Le télégraphe Chap¬pe atteignit vite la célébrité et une préci¬sion remarquable. En 1800, les trois lignes Paris-Lille, Paris-Strasbourg, Paris-Brest formaient un réseau dépas¬sant 1200 km. Napoléon ne s’intéressa guère à l’invention. Pourtant, les nouvel¬les circulaient alors très lentement. En Louis XVIII n’apprit que le 5 mars le débarquement de l’Empereur en Provence, datant du 1er. A cette date, Claude Chappe était mort depuis dix ans. Outré de se voir contester la priori¬té de son invention, il s’était jeté dans un puits. Le télégraphe Chappe fut vite adopté par divers Etats étrangers. Vers 1840, le réseau télégraphique aérien français comportait 5000 km de lignes et 534 stations de relais. Il desservait 29 gran¬des villes. Quand l’atmosphère était clai¬re, une dépêche envoyée de Paris pou¬vait arriver à Lille en deux minutes, en passant par 16 stations. Mais les parti¬sans du télégraphe électrique augmen¬taient et le système Morse fut bientôt adopté


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  • Le musée de l'histoire de France

     

    La mémoire d'un peuple

     

    C'est dans l'un des plus prestigieux hôtels particuliers du Marais, le palais Soubise (60, rue des Francs-Bour­geois), au cœur même du vieux Paris, qu'est installé un musée, prestigieux malgré sa petite taille, le musée de l'Histoire de France. Établi dans les anciens appartements de la princesse de Soubise, au premier étage du palais, il présente les documents authentiques de certains épisodes marquants de notre histoire : depuis une collection d'édits datant de l'époque mérovin­gienne (vers le vnes.) rédigés sur papyrus, jusqu'à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (votée le 26 août 1789), en passant par les tablettes de cire de Saint Louis et le seul portrait de Jeanne d'Arc qui ait été fait de son vivant (il figure sur l'enregistrement de la prise d'Orléans, le 10mai 1429). On peut également découvrir l'authentique parchemin de l'édit de Nantes (signé par Henri IV en 1598 pour mettre un terme aux guerres de Religion) et celui de sa dramatique révocation par Louis XIV, 87 ans plus tard ; ou bien encore les émouvants testaments de Louis XIV et de Napoléon. La Révo­lution française est, elle aussi, très largement représentée au travers de nombreux documents d'époque : textes, assignats, gravures, maquette de la prison de la Bastille réalisée dans une des pierres de la forteresse. Sans oublier l'impressionnant trousseau des clés servant à verrouiller les cellules !

     

    C'est Napoléon III qui devait inaugu­rer ce musée, en 1867 : il avait souhaité ouvrir au public une partie des Archives nationales conservées depuis 1808 dans les hôtels de Soubise et de Rohan. (Après avoir visité l'hôtel de Soubise, on peut admirer, tout à côté, l'hôtel de Rohan-Strasbourg.)

     

    Le décor du XVIIIES.

     

    Mais, au cours de la visite, il serait dommage de ne pas lever les yeux des vitrines pour admirer la beauté des lieux : merveille des boiseries blanc et or, des plafonds rehaussés de moulu­res ou de peintures célébrant les délices de l'amour, exécutées par les grands maîtres de l'époque. Une commande spéciale du prince de Soubise en hommage à sa toute jeune épouse de 19 ans !

     

    C'est en effet en 1732, à l'occasion de son remariage, que le prince fit réamé­nager son palais. Tâche qu'il confia au décorateur Boffrand, alors au som­met de sa carrière. Aujourd'hui encore, les appartements du palais Soubise sont considérés comme l'un des plus beaux ensembles de style rocaille en Europe, à l'image des appartements que Louis XV, à la même époque, faisait construire dans son château de Versailles.

     


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    Les philosophes

    «Ecrasons l'infâme...»

    Le mouvement philosophique apparaît comme un phénomène de contestation générale visant les institutions politiques et religieuses et remettant parfois même en cause des bases de la société. Les signes avant-coureurs se font jour à la fin du XVIIe siècle avec Bayle, Vauban, Fénelon. Mais le mouvement débute surtout avec Montesquieu qui publie, en 1721, ses Lettres persanes, satire des mœurs et des institutions, avant de faire paraître, en 1748, son œuvre fondamen­tale, L’Esprit des lois. Dans cette tenta­tive d’explication des institutions, Mon­tesquieu distingue trois formes de régi­me: despotique, monarchique, républi­cain, et laisse entendre que ses préféren­ces vont à une monarchie contrôlée de type britannique, où le pouvoir du roi est limité par un parlement. Le succès prodigieux de l’ouvrage montre que ces idées correspondent alors à une aspira­tion profonde d’une partie de l’opinion. Avec Voltaire, le mouvement philoso­phique connaît un nouvel élan. Voltaire publie en 1734 ses Lettres philosophi­ques, où il attaque l’arbitraire et se montre lui aussi admirateur des institu­tions britanniques. Après un séjour en Prusse, son autorité sur l’opinion devient considérable et ses ouvrages se multiplient: Essai sur les mœurs et l’esprit des nations (1756), Dictionnaire philosophique (1764)... Tout en se pro­clamant déiste, Voltaire combat le cler­gé et l’Eglise catholique. Si son idéal est une monarchie constitutionnelle, capable d’assurer les libertés et la tolé­rance, il se rallie au despotisme éclairé par méfiance à l’égard des masses. Le mouvement s’amplifie dans la secon­de moitié du XVIIIe siècle avec l’abbé Raynal, Mably, Diderot, Condorcet, mais surtout Rousseau, qui affirme, dans Le Contrat social, la souveraineté du peuple et l’égalité des hommes devant la loi. La contestation dépasse le cadre politique et religieux et débouche dans le domaine économique avec Quesnay, Gournay et les physiocrates, qui s’élèvent contre le mercantilisme et les réglementations héritées du XVIIe siècle. En définitive, les philosophes défendent la raison contre la tradition, la liberté contre l’autorité, la supériorité des droits naturels de l’homme sur ceux des gou­vernements, et ils affirment leur foi dans le devenir de l’humanité. Tout au long du siècle, ces idées ont été diffusées, amplifiées par les salons, les cafés, les sociétés de pensée, les loges maçonni­ques, ou par des ouvrages de vulgarisa­tion comme VEncyclopédie. Sans être directement responsable, le mouvement philosophique a contribué à préparer la Révolution. Les idées nouvelles inspire­ront la Déclaration d’indépendance américaine et la Déclaration des droits de l’homme de 1789.


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  • La théorie de Babeuf 1796

    L’aube du communisme

    Le babouvisme est considéré comme la première doctrine communiste, avant même le marxisme. Il doit son nom à son fondateur, Jean-Noël Babeuf, qui s’est fait appeler aussi Caïus Gracchus Babeuf. Né en 1760, il exerce, sous la Révolution française, la fonction de secrétaire général de l’administration des subsistances. En 1795, sous le Directoire, Babeuf fonde un journal, Le Tribun du peuple, où il expose les principes d’un régime politique qu’il nomme «République des Egaux». En 1796, il publie, avec quelques amis, un Manifeste des Egaux, qui donne le résumé de sa doctrine: le babouvisme. Cette théorie propose de détruire l’iné­galité entre les hommes en abolissant la propriété privée et en mettant tout en commun; il s’agit d’interdire à qui­conque de disposer pour lui seul des biens produits par la terre ou par l’industrie, puisque ceux-ci font partie de la communauté humaine et appartien­nent à tout le monde. Ainsi, selon le babouvisme, disparaî­tront la distinction entre pauvres et riches et, surtout, la différence injuste entre ceux qui travaillent et ne sont pas propriétaires et ceux qui sont propriétai­res et ne travaillent pas. Les salaires sont supprimés et le gouvernement est seulement chargé de veiller au respect de l’égalité. Le babouvisme est une doctrine proche des idées sociales de Jean-Jacques Rousseau et, plus anciennement, du phi­losophe grec Platon. Il peut être qualifié de communisme utopique, parce qu’il suppose que tout le monde acceptera cette égalité, ce qui est bien invraisem­blable. En 1796, des anciens membres de la Convention, des Jacobins, des écrivains et des militaires, constatent que le Directoire n’applique plus les principes de la Révolution française. Ils adhèrent au babouvisme; ils forment le club du Panthéon et commencent à conspirer contre le régime. Ils sont tous arrêtés, mais seuls Babeuf et Darthé sont con­damnés à mort. Ces derniers se poignar­dent en plein tribunal et sont conduits, mourants, à l’échafaud. Les autres cons­pirateurs sont déportés. L’un d’entre eux, trente ans plus tard, écrira le récit de cette «conspiration des Egaux», que le babouvisme inspira. Voici quelques articles de l’acte d’insur­rection rédigé par les conjurés rassem­blés autour de Babeuf: «Le peuple est en insurrection contre la tyrannie. Les armes de toute espèce seront enlevées par les insurgés partout où elles se trou­vent. Le peuple s’emparera de la Tréso­rerie nationale, de la Poste aux lettres, des maisons des ministres et de tout magasin public ou privé contenant des vivres ou des munitions de guerre. Toute opposition sera vaincue sur-le- champ par la force. Les opposants seront exterminés.»


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