• Sainte Colette - 1381-1447

    La restauratrice des Clarisses


    Depuis le Grand Schisme (1378), l’Egli- se traverse une crise qui affecte aussi les ordres religieux: de nombreux clercs sont ignorants, simoniaques, concubi- naires ou, tout simplement, peu zélés; les ordres féminins connaissent une dé­gradation analogue. Quelques person­nes pieuses entreprennent alors de réfor­mer les principaux ordres religieux. Parmi celles-ci, sainte Colette de Cor- bie, qui, après une quête assez tumul­tueuse, se consacre à la restauration de l’ordre des Clarisses, fondé en 1212 par sainte Claire.

    Colette Boelle naît à Corbie, en Picar­die, le 13 janvier 1381. Son père est charpentier. Orpheline à l’âge de 8 ans, elle est accueillie par les clarisses de Pont-Sainte-Maxence. Après maints dé­boires, elle se fait recluse dans sa ville natale (1402-1406). Pour ce faire, elle aménage une «logette» entre deux con­treforts du chevet de la collégiale Saint- Etienne. Ce réduit communique avec l’église par une grille au travers de laquelle la recluse suit les offices. Durant ces années de réclusion, Colette Boelle est favorisée de plusieurs visions: saint François d’Assise, qui créa l’ordre des Pauvres dames, lui apparaît et lui confie la mission de réformer l’ordre des Clarisses. Elle abandonne sa vie de recluse et entre chez ces dernières.

    En 1406, Benoît XIII, pape illégitime d’Avignon, la nomme abbesse et la charge de rénover les trois ordres franciscains. Après plusieurs échecs à Pé- ronne, à Rumilly en Savoie, Colette fonde le monastère de Besançon où la règle de sainte Claire est strictement observée. Sa réforme est ensuite adoptée par de nombreux couvents. En 1415, elle fonde le couvent des clarisses de Poligny, dans le Jura; elle en dirige ensuite d’autres, dont celui du Puy.

    Elle meurt le 6 mars 1447, chez les cla­risses de Gand. Sa dépouille est trans­portée au couvent de Poligny où ses reli­ques sont conservées dans la chapelle située derrière la collégiale Saint- Hippolyte. En effet, la grande réforma­trice a été canonisée en 1807, et sa fête a lieu le 6 mars.

    En 1959, une chapelle dédiée à sainte Colette a été inaugurée sur l’ancien emplacement de sa maison' 36 rue Faid- herbe, à Corbie. Les visiteurs peuvent y contempler une statue de la réformatrice agenouillée, datant du XVIe siècle.

    Sainte Colette, qui consacra sa vie à la restauration de son ordre et au dévelop­pement de l’esprit de l’observance, est une des grandes figures féminines du, XVe siècle, digne de figurer aux côtés de Jeanne d’Arc et de Christine de Pisan.

     


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  • Un conflit peu reluisant

    L’ordre du Temple, constitué de moines- soldats, s’organise en Terre sainte au XIIe siècle; il se destine à défendre la ré­gion et à protéger les pèlerins. Malgré la chute, en 1291, de la dernière place de Syrie, les Templiers poursuivent coura­geusement leur mission; pour soutenir leur effort de guerre, ils exploitent de vastes domaines en Occident; fort habi­les à gérer et à transférer des fonds vers l’Orient, ils deviennent les banquiers des rois: à Paris, le Trésor est déposé dans leur forteresse du Temple.

    A un moment où l’utilité de l’ordre ne paraît plus évident, ces richesses susci­tent des jalousies. On accuse les moines, très proches du monde oriental, de don­ner dans l’immoralité, l’hérésie ou l’ido­lâtrie. Philippe le Bel est informé de ces bruits; poussé par un fanatisme puritain dont il a donné d’autres exemples et par le désir d’accaparer les biens du Temple, il décide d’intervenir.

    Le 13 octobre 1307, tous les Templiers du royaume, environ 2000 personnes dont le grand maître Jacques de Molay, sont arrêtés; les biens de l’ordre sont sé­questrés. Des juges laïques arrachent aux moines, sous la torture, les aveux indispensables et ne les remettent qu’en­suite aux tribunaux ecclésiastiques. Devant l’accumulation des preuves, le pape Clément V, un Français, ordonne l’arrestation des Templiers dans toute la chrétienté. Sous la pression du roi, il convoque à Vienne, sur le Rhône, un concile général pour régler l’affaire. Ouvert en octobre 1311, ce concile comprend surtout des prélats français et

    italiens choisis par le pape et par le roi; chargée du dossier, une commission res­treinte se prononce pourtant en faveur du Temple. Venu en personne à Vienne pour faire pression sur le concile, Philip­pe le Bel ne peut obtenir du pape, en avril 1312, que la bulle Vox in excelso qui déclare l’ordre aboli sans le condam­ner. Le mois suivant, une autre bulle confie les biens du Temple à l’ordre con­current des Hospitaliers, qui, lui, n’est pas poursuivi; de plus, le pape se réserve le jugement de Jacques de Molay et des principaux dignitaires templiers. Mais ceux-ci reviennent sur leurs aveux; la justice royale en profite pour les décla­rer relaps et les condamner à mort: ils sont brûlés vifs le 18 mars 1314, tout en protestant de leur innocence.

    L’affaire fait grand bruit et l’imagination populaire s’en empare: encore aujour­d’hui, des aventuriers recherchent ici ou là le «trésor des Templiers»; on rappelle souvent qu’au moment de mourir Jac­ques de Molay assigna devant le tribu­nal de Dieu le pape et le roi et que ceux- ci moururent tous deux la même année...


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  • Un «commando» au Moyen Age

    L’attentat d’Anagni est un épisode extrême de la lutte entre Philippe le Bel et la papauté.

    Depuis la chute de l’Empire d’Occident, la papauté prétend à l’hégémonie uni­verselle. De son côté, la monarchie fran­çaise s’affirme. Un conflit décisif semble inévitable. De plus, vers 1300, les deux souverains en titre ne sont guère conci­liants. Philippe le Bel, roi depuis 1285, est pieux et austère, mais n’a pas l’humi­lité de Saint Louis; ses conseillers, les «légistes», le poussent en outre à laïciser fortement le pouvoir temporel. Boniface VIII, élu en 1294 dans des circonstan­ces douteuses, est un juriste plein d’expérience, mais c’est aussi un vieil­lard têtu et cassant. A peine intronisé, le pape refuse au roi de lever des taxes sur son clergé (bulle Clericis laicos, 1296). Philippe le Bel riposte en interdisant les mouvements de fonds et en travaillant habilement l’opinion publique; finale­ment, chacun transige, ce qui permet la canonisation de Louis IX.

    En 1301, le pape nomme, au nouvel évê­ché de Pamiers, Bernard Saisset que le roi, à la suite de dénonciations malveil­lantes, fait incarcérer pour haute trahi­son, sans égard pour sa dignité épisco- pale; il demande également au Saint- Siège de le destituer. Boniface VIII, furieux, rappelle au roi les privilèges ecclésiastiques (bulle Ausculta, Jïli, dé­cembre 1301) et ne craint pas de convo­quer évêques et théologiens français à un synode devant lequel le roi est som­mé de venir s’expliquer. En lieu et place de la bulle, le chancelier Pierre Flote fait alors circuler une fausse lettre, Time

    Deum, dont le ton provocateur rallie au roi le clergé et l’université. Puis Philippe réunit les états à Paris, qui approuvent l’indépendance de la monarchie dans le domaine temporel. Mais la défaite de Courtrai devant les Flamands révoltés, la mort de Pierre Flote, affaiblissent le parti royal.

    Boniface profite de la situation pour affirmer plus clairement que jamais la doctrine théocratique traditionnelle selon laquelle le pape dispose d’une double autorité spirituelle et temporelle, la doctrine des «deux glaives» (bulle Unam sanctam, novembre 1302). Du coup, l’assemblée réunie par le roi au Louvre en juin 1303 déclare le pape intrus, schismatique et hérétique; elle en appelle à un concile général. Boniface VIII n’a pas le temps d’excommunier le roi et son entourage: le 7 septembre 1303, une troupe, rassemblée par le con­seiller du roi Guillaume de Nogaret, aidé par une partie de l’aristocratie romaine et des banquiers florentins, investit Anagni, non loin de Rome, où réside le pape. Ce dernier est sauvé par une émeute de la population. Ayant pu regagner Rome, il meurt un mois plus tard. Son successeur, Benoît XI, est conciliant, mais ne règne qu’un an; il est remplacé par un Français, Clément V, qui va bientôt résider à Avignon: la papauté passe alors sous l’influence française.


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  • La cour de Charles V

    L’intimité du roi savant

    Le roi Charles V ne ressemble ni à son père ni à son grand père. Les désastres militaires et les troubles intérieurs ont mûri son caractère. Il a pris pour modè­le Saint Louis et réformé les mœurs comme la politique. Il mérite bien le sur­nom de «Sage» que sa biographe. Chris­tine de Pisan, lui a donné. Christine a vécu à la cour dans la familiarité du roi et des siens. Elle juge cette cour avec lucidité. Charles V ne cherche pas à éblouir. Il veut un entourage simple et discret dans l’existence quotidienne. Le nombre des offices a été considérable­ment réduit, les gages aussi. Quand il faut relever le royaume, l'austérité est de règle. Mais cette simplicité sait faire place à la magnificence s’il s’agit d'honorer la France. Charles doit-il recevoir un prince étranger? Quand Charles IV, l’empereur du Saint Empire, vient rendre visite au roi en janvier 1378, celui-ci exige que les seigneurs de la cour soient parés de vêtements somp­tueux. Il convoque une troupe de bate­leurs qui, pendant les repas, représen tent des tableaux vivants. En temps habituel, le roi aime à s'entou­rer d'hommes aptes à satisfaire sa curio­sité intellectuelle: Gervais Chrétien, son valet de chambre, Gilles Malet, à qui il confie la garde de sa «librairie», cette bibliothèque qui reste le noyau de notre Bibliothèque nationale. Voici encore Raoul de Presles, son traducteur, et aussi cette Christine de Pisan, la premiè­re femme de lettres qui ait vécu de sa plume. A la lire, on observe qu’en cette cour savante on invoque volontiers Aristote ou Sénèque, tout en conservant les traditions de la chevalerie. Le roi préfère le travail réfléchi à l'action sur le champ de bataille et laisse à son conné­table Bertrand du Guesclin le soin de vaincre l'Anglais et de terminer les guer­res féodales. Il s’entoure d’excellents conseillers, comme Hugues Aubriot, Pierre d'Orgemont et, surtout. Bureau de La Rivière. Avec eux, il relève la France meurtrie. Charles V prend aussi d'heureuses ini­tiatives. Il n’ignore pas que l’indépen­dance de la féodalité nuit à l’unité du royaume. Certes, il a confié de grands fiefs à ses frères et les cours des ducs de Berry ou de Bourgogne sont aussi importantes que la sienne. Mais le roi cherche à regrouper autour de lui tous les petits seigneurs dont il n’aime pas la turbulence. C’est ainsi que va naître son grand projet: faire de ce château de Vin­cennes, qu’il a terminé, une véritable cité où sa noblesse viendra résider. «Le roi, écrit Christine de Pisan, voulut faire de son chastel du bois de Vincennes une ville fermée où seigneurs, chevaliers et autres seraient venus résider en de beaux manoirs.» Le temps lui manqua pour réaliser ce dessein que son succes­seur devait abandonner, mais qui sera repris trois siècles plus tard par Louis à Versailles.


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  • La bataille de Crécy - 26 août 1346

    Une page noire de la chevalerie française 

     

    La bataille de Crécy nous est contée par des sources abondantes, mais malheu­reusement confuses. Cet affrontement, bien que très représentatif de l’art mili­taire médiéval, présente certaines origi­nalités. Poursuivi depuis plusieurs jours par Philippe VI de Valois, Edouard III, roi d’Angleterre, fait volte-face et attend son adversaire. Près du village de Crécy, il déploie ses 12000 hommes sur une lon­gueur de 2 km. Tous les combattants anglais sont à pied. Les archers reste­ront au premier rang tout au long de la bataille. En avant d’eux, des fosses ont été creusées afin de briser l’élan de la cavalerie adverse. L’habileté et le cou­rage des archers gallois sont décisifs. Trois bombardes sont mises en batterie. Le samedi 26 août 1346, le roi de Fran­ce, entouré de ses gens d’armes, est en route, après avoir quitté Abbeville à l’aube. La sagesse voudrait que Philippe VI regroupe ses gens et attende le lende­main pour livrer bataille. Mais l’impa­tience de la chevalerie française, qui se sent invincible depuis Cassel, est gran­de. Les Français arrivent en vue de l’ennemi vers 5 ou 6 heures du soir. Phi­lippe VI place au premier rang ses arba­létriers génois; mais, dès les premiers traits anglais, tandis que les bombardes tonnent, ceux-ci se débandent et vien­nent buter contre la cavalerie française en train de s’ébranler: 2300 périssent. Les chevaliers français sont répartis en huit ou neuf «batailles», comprenant chacune un millier d’hommes. Successi­vement ou simultanément, les batailles chargent jusque vers minuit. Quinze fois la vague métallique, hérissée de glaives et d’épées, se brise sur les archers anglais. Les actes de bravoure ne man­quent pourtant pas. La cohue est telle que Philippe de Valois ne parvient pas à se frayer un chemin au milieu des com­battants. Légèrement blessé, il quitte le champ de bataille, entouré d’une poi­gnée de barons. Sa gloire en souffrira. Le lendemain, un corps anglais, parti en reconnaissance, taille en pièces les com- muniers de Rouen et de Beauvais. Mille cinq cents chevaliers français sont tombés à la bataille de Crécy; un gros butin a été ramassé par l’ennemi. Si cette bataille ne signifie pas la perte de la guerre, Edouard III, libéré de la pression française, peut mettre le siège devant Calais. La ville prise, une trêve de trois ans est signée. Edouard III regagne l’Angleterre en triomphateur.


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