• La prédication de la croisade - 1095-1263

    L ’élan de la foi

    La croisade est née de la prédication. Le 27 novembre 1095, à l’issue du concile de Clermont, le pape Urbain II prend la parole pour la réclamer. On ignore le contenu réel de sa harangue, à laquelle la foule répond par le cri de: «Dieu le veut!». Sans doute exhorte-t-il les che­valiers à se réunir pour aller libérer les Lieux saints. Il accorde l’indulgence aux futurs croisés, c’est-à-dire le rachat des peines à subir dans l’autre monde pour leurs péchés. Il ne pense probablement qu’à une entreprise limitée, dont la papauté tirerait avantage dans son con­flit actuel avec l’Empire germanique. Comme la parole est alors le moyen de communication le plus efficace, le pape continue à prêcher la croisade au cours d’un long périple dans la France du Centre et du Midi. Mais dans le Nord, des prédicateurs populaires, tel Pierre PErmite, réunissent, sans mandat offi­ciel, une foule de paysans et de pauvres. Ceux-ci, convaincus qu’ils partent à la conquête du ciel, soutenus par un espoir messianique, mais dépourvus d’organi­sation, s’en vont finir misérablement sur les rivages de l’Asie Mineure.

    A la suite de la chute d’Edesse devant les Turcs, le pape Eugène III convainc saint Bernard de prêcher une nouvelle croisade. L’abbé de Clairvaux inaugure sa série de sermons à Vézelay, à Pâques 1146. Le texte de ce sermon ne nous est pas parvenu, mais on sait que saint Ber­nard a parlé avec flamme. La croisade, à ses yeux, est un moyen de communier aux forces vives de la passion du Christ; le succès n’est même pas indispensable; seule compte la victoire sur le péché.

    Aussi prône-t-il une croisade de péniten­ce sans se soucier des problèmes maté­riels et encore moins militaires.

    Lorsque, avec les échecs, l’enthousias­me retombe, les entraîneurs d’hommes se font plus rares. Le recrutement de la quatrième croisade doit toutefois beau­coup aux efforts de Foulques, curé de Neuilly. Il y a aussi des illuminés, aux limites de l’orthodoxie, comme ce berger du Vendômois, Etienne de Cloyes, qui, en 1212, anime la malheureuse «croisa­de des enfants», que le pape n’a pas reconnue.

    La prédication, plus laborieuse, devient alors affaire de professionnels. Il ne suf­fit plus d’affirmer, il faut démontrer et convaincre. On le remarque dans les modèles de sermons rédigés par Etienne de Bourbon, puis par Jacques de Vitry. Mais sur ce sujet, l’ouvrage le plus com­plet est le Tractatus solemnis de praedi- catione Sanctae Crucis. Ce manuel est rédigé vers 1266-1267 par Humbert de Romans, maître général des domini­cains de 1254 à 1263. Il est formé d’une série de thèmes de trois ou quatre pages, destinés à instruire l’auditoire et à vain­cre ses réticences; il comporte aussi des «invitatoires», au ton plus animé, pour toucher et entraîner le public. On ne connaît pas les talents oratoires réels d’Humbert de Romans; on sait seule­ment que son ouvrage est relatif à la huitième et dernière croisade.


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  • Le traité de Saint Clair sur Epte - 911

    La naissance de la Normandie

    Au début du Xr siècle, la violence des raids normands commence à s’essoul lier: un peu partout, des fortifications et des châteaux empêchent les envahis­seurs de se déplacer à leur guise. Aussi beaucoup d’entre eux aspirent-ils à se sédentariser. En 911, à la suite d’une expédition malheureuse contre Sens, suivie d’une défaite sous les murs de Chartres, le chef de bande Rollon enta­me des pourparlers avec le roi Charles le Simple; ceux-ci aboutissent à un traité qui aurait été conclu à Saint-Clair-sur- Epte à la fin de l’année 911. L’ensemble de l’affaire est connu par une unique source: le chroniqueur du XIe siècle Dudon de Saint-Quentin, très favorable aux ducs de Normandie, ses maîtres. D’après lui, Rollon reçoit en toute propriété les territoires avoisinant la basse Seine, ainsi que le droit de rava­ger la Bretagne; en outre, le roi accepte de lui donner en mariage sa fille Gisèle. De son côté, Rollon veut bien prêter hommage au roi mais dans des circons­tances telles que, d’après Dudon, le sou­verain en est ridiculisé; Rollon promet de se faire baptiser et s’engage à interdi­re l’entrée de la Seine aux autres Nor­mands. Il         est exact que dès 912, sans doute, Rollon reçoit le baptême; il est exact aussi qu’il garde désormais fidèlement cette voie vitale qu’est la Seine. Les autres clauses sont beaucoup plus sus­pectes. Ecartons tout de suite celle du mariage avec Gisèle: celle-ci n’est pas encore née! Quant aux territoires cédés, ils concernent en gros la haute Norman­die actuelle, de l’Epte à la mer: ils sont découpés parmi les circonscription« antérieures et, désormais, existent le Vexin français et le Vexin normand. Roi Ion a dû réellement exercer des droits très étendus sur ces territoires, car il ne semble pas que son engagement ait pris la forme vassalique avant 940: au vrai, les souverains français n’ont plus qu’une autorité nominale sur la partie la plus occidentale de leur royaume; c’est pour­quoi ils laissent Rollon et ses succes­seurs mener des conquêtes dont ils enté­rinent plus tard les résultats. En 924, le roi Raoul cède à Rollon la région de Bayeux et, en 933, il accorde à son successeur Guillaume Longue-Epée le Cotentin et l’Avranchin. En 867, Char­les le Chauve a confié ces deux derniè­res régions à Salomon, chef des Bre­tons; mais ceux-ci, aux prises avec les Vikings, ont été incapables de les con­server: sans doute est-ce à ces conquê­tes que fait allusion le passage de Dudon relatif à la Bretagne. Le traité de Saint-Clair-sur-Epte ne déli­mite donc pas la Normandie telle qu’on la connaît de nos jours; mais il est à l’origine d’une dynastie ducale qui accé­dera, un siècle et demi plus tard, au trô­ne d’Angleterre grâce à Guillaume le Conquérant.


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