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Le pur témoin d'une grande époque
L’art du vitrail atteint sa perfection au Moyen Age, tout particulièrement au XIIIe siècle. Un vitrail se compose d’un grand nombre de morceaux de verre, de taille et d’épaisseur variables, colorés dans la masse par des oxydes métalliques ou peints avant d’être cuits. Ces morceaux sont disposés de façon à former une image d’après un dessin initial. Ils sont ensuite sertis dans du plomb qui assure la cohésion de l’ensemble et souligne les contours. Dès l’époque mérovingienne, les textes évoquent la présence de verres colorés dans les sanctuaires. Les véritables vitraux apparaissent aux IXe et Xe siècles. Toutefois, les plus anciens qui aient été conservés ne sont pas antérieurs au milieu du XIIe siècle («Notre-Dame de la Belle Verrière», à Chartres). Ils se distinguent par la limpidité de leurs rouges et de leurs bleus. On peut les voir aussi à Saint-Denis. Ils deviennent plus nombreux dès la seconde moitié du XIIe siècle. Ceux du Mans, d’Angers, de Poitiers, de Châlons-sur-Marne, par leur décoration luxueuse inspirée de l’orfèvrerie, s’opposent à la nudité délibérée des vitrages cisterciens (Beaulieu, Pontigny), dont le seul ornement est la géométrie des plombs. Au XIIIe siècle, les vitraux couvrent des surfaces de plus en plus grandes. Leur décor varie selon leur emplacement. Alors que les fenêtres hautes ne présentent que de grands personnages traités dans un style monumental, dans les fenêtres des bas-côtés et du déambulatoire, plus visibles, se multiplient les médaillons historiés. Le dessin évolue progressivement vers un plus grand réalisme, surtout dans les médaillons, dont bien des scènes s’inspirent de la vie quotidienne des contemporains. La cathédrale de Chartres conserve l’ensemble le plus important et le plus ancien, datant, pour l’essentiel, des années 1200 à 1230. Chartres sert ensuite de modèle aux verrières de Bourges, de Rouen, de Sens, de Poitiers, etc. A leur tour, les ateliers parisiens deviennent célèbres après avoir réalisé, entre 1243 et 1248, le magnifique ensemble de la Sainte-Chapelle, imité à Tours, au Mans, puis en Normandie. A partir du milieu du XIIIe siècle apparaît, sans doute à Saint-Urbain de Troyes, un style nouveau, beaucoup plus lumineux grâce à l’usage, sur du verre blanc, d’une peinture spéciale, appelée «grisaille», grâce aussi à l’emploi de teintes plus claires ou plus vives. Ce type de vitrail gagne la Normandie par Evreux, mais aussi le Midi (Narbonne). A la fin du XIVe siècle, son élégance cède à une sorte de maniérisme qui suscite, notamment à Rouen, une réaction réaliste. Toutefois, en cette fin du Moyen Age, on n’atteint jamais la perfection des œuvres du XIIIe siècle, qui demeure le grand moment de l’art du vitrail.
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Un aviateur moraliste
Antoine de Saint-Exupéry est une des figures les plus originales et les plus attachantes de la littérature française. C’est aussi l’une des plus connues à l’étranger. Sa personnalité n’est pas seulement celle d’un écrivain. «Saint-Ex», comme on l’appelle familièrement, commence par préparer le concours de l’Ecole navale; puis, à 20 ans, il devient pilote militaire. De retour à la vie civile, il est engagé par la compagnie Latécoère pour sa ligne Toulouse-Casablanca. Il gravit bien vite les échelons, devient chef d’escale à Cap Juby (Rio de Oro, aujourd’hui Sahara occidental). La société qui l’emploie lui confie ensuite la mise en service de lignes sud- américaines. Mais le démon de l’aventure tient Saint-Exupéry qui juge sa tâche monotone. C’est encore l’époque héroïque de l’aviation et il décide de devenir pilote d’essai. A ce titre, il entreprend plusieurs vols au long cours: Paris- Saigon, New York-Terre de Feu, entre autres. C’est à ce moment qu’il commence à écrire; la technique, en effet, ne dessèche pas cet homme d’action: pour lui, «l’avion, l’outil des lignes aériennes, mêle l’homme à tous les vieux problèmes». Courrier-Sud (1929), encore un peu maladroit, est composé dans un poste isolé du Sahara. Vol de nuit (1931), un chef-d’œuvre, raconte l’établissement de la première ligne régulière avec le continent sud-américain. Mais c’est Terre des hommes (1939) qui rencontre le plus de succès: ce récit dépasse l’anecdote; Saint-Exupéry s’y livre à une méditation profonde sur la conscience professionnelle, le don de soi, la mort. En 1940 commence pour lui la seconde étape, particulièrement brève, de sa vie. Pilote de reconnaissance, il refuse l’armistice, s’envole pour les Etats-Unis et rejoint, en 1942, les forces alliées en Afrique du Nord. Le 31 juillet 1944, il disparaît lors d’une mission au large de la Corse. Pilote de guerre (1942), qui illustre cette période, paraît aux Etats- Unis. Il a comme sujet la mission inutile d’un pilote français au-dessus des lignes ennemies en 1940. Mais les préoccupations de cet humaniste aventureux, qui puise sa morale dans la réalité vécue, sont multiples. Ainsi, sa Lettre à un otage (1943) s’adresse à l’un de ses amis juifs; on peut y lire cette phrase qui est une dénonciation du totalitarisme: «La vie crée l’ordre, mais l’ordre ne crée pas la vie.» De même, Le Petit Prince, paru au même moment, semble rompre avec les œuvres précédentes de l’auteur; ce récit, plein de fraîcheur, enchante les enfants qui y voient un merveilleux conte, alors que leurs parents y découvrent de graves réflexions dissimulées sous une apparente naïveté et une grande sensibilité poétique. Généralement, «Saint-Ex» ne veut que traduire l’expérience vécue. Pourtant, ses ouvrages révèlent une profonde compréhension de l’homme, de son désarroi devant la machine qui le dépasse; ils exaltent la solidarité et la fraternité.
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Apparue dans la première moitié du XVIIe siècle, la préciosité s’identifie surtout à un nom, celui de la marquise de Rambouillet. A partir de 1610, Catherine de Vivonne, qui a épousé, à 12 ans, Charles d’Angennes, marquis de Rambouillet, réunit régulièrement dans son hôtel de la rue Saint-Thomas-du-Louvre les meilleurs esprits de son temps. Dans sa «chambre bleue», étendue en costume de parade sur son lit, l’Incomparable Arthénice», suivant le nom donné par Malherbe, reçoit les invités assis dans les ruelles. La marquise exige de ses hôtes un vocabulaire châtié, des manières polies et raffinées, le rejet de cette vulgarité qui a contribué à lui faire prendre la cour en horreur. Parmi les habitués de l’hôtel de Rambouillet figurent le duc d’Enghien, futur Grand Con- dé, le cardinal de Richelieu, La Rochefoucauld, la duchesse de Longueville, Mlle de Scudéry, Mme de Sévigné, Voiture, Benserade, Malherbe... Dans cette académie de beaux esprits, de galanterie, de vertu et de science, suivant le mot de Saint-Simon, on parle de sentiment, de morale, de politesse et de grammaire. On récite des vers, on discute de pensées philosophiques, on lit des œuvres inédites. C’est ainsi que Corneille présente Polyeucte pour la première fois, que Bossuet, en 1643, à l’âge de 16 ans, improvise un sermon à 11 heures du soir. Dans ces réunions, la marquise est assistée de ses deux filles, Angélique et Julie. Un groupe de poètes remettra à celle-ci un célèbre recueil de madrigaux, La Guirlande de Julie. En luttant contre la grossièreté des mœurs, le pédantisme, le mauvais goût dans le vocabulaire, en débarrassant la langue des expressions étrangères ou antiques devenues incompréhensibles, l’hôtel de Rambouillet a exercé une influence bienfaisante. A partir de 1645, il est relayé par le salon de Madeleine de Scudéry, «une des plus spirituelles et plus judicieuses filles qui soient en France», déclarait, en 1639, Chapelain. Après la Fronde, Mlle de Scudéry reçoit chaque semaine dans son salon de la rue de Beauce. Les «samedis du Marais» sont très recherchés. On y voit briller un groupe de lettrés un peu pédants, Conrart, Pellisson, Chapelain, Godeau. La maîtresse de maison est le principal auteur des romans précieux à clef parus sous le nom de son frère Georges, comme Le Grand Cyrus ou encore Clélie qu’elle écrivit seule et où figure la fameuse «carte du Tendre», plan symbolique des étapes de l’amour. D’autres salons, comme ceux de Mlle de Montpensier, de Mmes d’Auchy, de Ventadour, de Cré- qui, de Sablé, de Mme Scarron, accueillent les beaux esprits. Mais, avec le temps, la préciosité va tomber dans une affectation et une pruderie qui feront la joie de Molière.
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Né à Paris, sur la rive gauche où il passera la plus grande partie de sa vie, Chardin, fils d’un menuisier-ébéniste, est attiré très jeune par la peinture. Entré à l’atelier de Coypel, il est reçu maître par l’Académie Saint-Luc en 1724. Il expose d’abord des natures mortes dont La Raie et Le Buffet. Protégé par Largillière, il entre à l’Académie des beaux-arts en 1728. Avec Van Loo, il restaure la galerie François-Ier à Fontainebleau. Vers 1733, à partir de La Lettre décachetée, Chardin se spécialise dans les scènes de genre à la manière des Hollandais. Il peint le milieu auquel il appartient, la bourgeoisie modeste. Ses sujets sont empruntés à l’intimité domestique: La Mère laborieuse, Le Ratissage des navets, Le Château de cartes, Le Garçon cabaretier, Le Bénédicité... Ses tableaux se vendent entre 1000 et 1500 livres. C’est le prix que donne Louis XV pour La Serinette, la seule œuvre de Chardin qu’il ait acquise. D’ailleurs, le roi ne commande guère au peintre que des dessus de portes pour les châteaux de Choisy et de Bellevue. Malgré sa réputation établie, Chardin n’est pas un peintre de cour. Ceux qui l’apprécient le plus sont des critiques de valeur, des intelligences comme celle de Diderot, son conseiller et ami depuis leur rencontre au Salon de 1761. Logé en 1757 dans la partie du Louvre réservée aux artistes, Chardin y demeure jusqu’à sa mort, bien que le nouveau titulaire de la puissante Intendance des beaux-arts ne lui soit guère favorable. En 1770, Chardin se démet de ses divers postes à l’Académie. Sa vie devient alors difficile: sa vue baissant, il lui faut abandonner la peinture à l’huile pour le pastel, dont il devient l’un des maîtres. Oublié dans les dernières années de sa vie, Chardin le restera longtemps encore. Il est considéré aujourd’hui comme l’un des grands peintres du XVIIIe siècle. A la science de son art, la souplesse de son dessin, la fraîcheur de ses couleurs, il joint des dons d’observation, une acuité d’œil qui en font un chroniqueur précieux de son époque. Il en donne une image différente que celle des fastes de Versailles; ses tableaux montrent en effet des objets usuels, les intérieurs, les occupations familières, les costumes, les visages des gens de la classe moyenne sous Louis XV. Chardin est des leurs. Avec son honnêteté d’artisan, son amour du métier, sa gentillesse, sa sobriété dans l’émotion, il est le plus français des peintres et le plus personnel. N’imitant aucun maître, ne suivant aucune mode, il reste fidèle à lui- même. Il nous a laissé plus de 1000 tableaux, dont la plupart se trouvent au musée du Louvre.
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Enfant prodige puis poète déchu
D’heureux auspices président à la naissance d’Alfred de Musset (1810). Sa famille est aisée, elle a le goût et la pratique des belles-lettres. Après une enfance heureuse, Musset est un brillant élève du lycée Henri-IV. Son adolescence est tumultueuse; il tâte du droit, de la médecine, de la musique, du dessin, et devient un véritable dandy qui s’étourdit dans les plaisirs de la capitale. Déjà il nourrit des ambitions littéraires. A 18 ans, il est introduit dans le cénacle de Nodier et chez Victor Hugo. Les romantiques sont séduits par ce dilettante cultivé et le reconnaissent comme un des leurs. Sainte-Beuve salue «l’enfant plein de génie». Mais Musset est trop fantaisiste et trop éclectique pour demeurer dans une école. Il tient avant tout à son indépendance. La préface de sa première œuvre importante, Contes d’Espagne et d’Italie (1830), le situe déjà en lisière du romantisme dont il raille volontiers certaines outrances. Son attachement aux auteurs classiques se confirme au fil des années. Ses dehors désinvoltes et son aisance cachent mal une personnalité vulnérable, excessivement sensible, à l’équilibre fragile. L’âge mûr ne lui apporte pas la sérénité; il reste toujours le même adolescent. Miroir des contradictions de son temps, il éprouve des tourments et des drames intimes qui font la substance de son œuvre. Musset se sent une vocation d’auteur dramatique. Sa première pièce, La Quittance du diable, n’est pas jouée. La Nuit vénitienne est sifflée à l’Odéon. L’auteur renonce alors à la scène et destine ses pièces à la lecture. En 1832, la mort de son père, tout en l’éprouvant, l’oblige à vivre de sa plume. Il publie Un Spectacle dans un fauteuil. Andréa del Sarto, Les Caprices de Marianne, puis Rolla paraissent l’année suivante. Il entame alors avec George Sand une liaison orageuse qui se termine par une rupture lors d’un séjour à Venise. Le poète sort meurtri de l’aventure, mais son inspiration est fécondée: il donne Fantasio, On ne badine pas avec l’amour, Lorenzaccio, son chef- d’œuvre, où l’on perçoit l’écho de la révolution de 1830; il analyse son malaise moral dans la Confession d’un enfant du siècle. Pendant quelques années encore, sa production est abondante et variée, puis, aux environs de 1840, elle commence à se tarir. Conséquence d’une vie dissolue et de l’abus d’alcool, la santé du poète se délabre; sa situation financière devient précaire; le découragement l’envahit. Il exprime ses états d’âme avec une simplicité qui le porte aux sommets de l’expression poétique; il n’a peut-être jamais été plus émouvant; La Nuit de décembre révèle son inquiétant déséquilibre psychique: le compagnon mystérieux qu’il évoque n’est pas une Muse symbolique, mais le produit d’une hallucination réelle. Le succès de ses pièces, enfin jouées, lui donne un regain d’énergie; mais il est usé et s’éteint le 2 mai 1857.
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