• Montaigne - 1533-1592

    «Que sais-je...?»

    Michel Eyquem, seigneur de Montaigne, naît au château de Montaigne en Péri­gord le 28 février 1533, d’une famille enrichie dans le commerce du pastel et orientée vers les offices de judicature. Grâce à la vigilance de son père, Mon­taigne reçoit une excellente éducation humaniste, faite de latin et de musique. A 6 ans, il entre au collège de Guyenne, à Bordeaux; à 13 ans, il commence son droit à l’université de Toulouse. Conseil­ler à la Cour des aides de Périgueux, puis, en 1557, au parlement de Bor­deaux, il rencontre son fidèle ami La Boétie. Marié en 1565, il a six filles dont une seule survit. A 37 ans, il se démet de ses fonctions; il se retire dans son château de Montaigne où il commence à écrire les Essais. Après huit années de retraite, il voyage à travers l’Europe, recherchant les eaux minérales propres à rétablir sa santé. A Rome, il apprend son élection à la mairie de Bordeaux (1581). Il entretient des contacts suivis avec les puissants; le duc de Montpensier lui confie une pre­mière mission auprès du parlement de Bordeaux; familier d’Henri de Navar­re, qui le nomme gentilhomme de sa chambre, Montaigne lui reste fidèle pendant les troubles de la Ligue. Scs dernières années se passent dans sa «librairie» où il lit, rêve, médite, écrit. En 1580 paraît la première édition des Essais (les deux premiers livres); en 1588 sortent un troisième livre et de nom­breuses additions aux deux premiers. L’édition posthume est réalisée en 1595 par les soins de Mlle de Gournay. Les Essais sont une étude introspective que Montaigne estime valable pour toute l’humanité; il fait son autoportrait physique, intellectuel et moral; il peint ses maladies et incommodités, évoque son attachement aux Anciens, son épi­curisme et son horreur de toute con­trainte; il affirme son scepticisme par la formule: «Que sais-je?». Méditant sur l’inconsistance des choses humaines, il défend — en pleine guerre de religion — la sagesse et la tolérance; pionnier en pédagogie, il préfère «une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine». C’est l’art plus que la doctrine qui fait le charme des Essais; le récit est empreint de liberté et de nonchalance apparente, varié et coloré, vivant par l’abondance et la qualité des images.


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  • La création de l’Académie française - 1635

    La littérature nationalisée

    Le 2 janvier 1635, des lettres patentes annoncèrent «la création d’un corps chargé de rendre le langage français non seulement élégant, mais capable de trai­ter tous les arts et toutes les sciences». Vaste et noble programme! Les hom­mes chargés de former ce nouveau corps exerçaient depuis longtemps leur sens critique dans un même effort lin­guistique et littéraire. Depuis 1629, quelques amateurs de belles-lettres, parmi lesquels le poète Gombauld, le traducteur Louis Giry, Germain Habert, abbé de Cerisy, et son frère, Habert de Montmort, Chapelain, futur auteur vilipendé de La Pucelle, le romancier Desmarets de Saint-Sorlin, l’abbé Godeau, familier de l’hôtel de Rambouillet, se réunissaient chaque semaine rue Saint-Martin chez leur con­frère Valentin Conrart, mécène à ses heures, pour discuter de grammaire et d’esthétique. Le seul désir du groupe était de demeurer ignoré: nul ne son­geait à former un corps officiel. Richelieu fut pourtant mis au courant de ces réunions par un de ses fidèles, Boisrobert. L’autoritaire cardinal ne pri­sait guère les assemblées qu’il ne domi­nait pas. Il désira tenir sous sa houlette ces amis des lettres françaises et tirer ainsi un nouveau prestige de l’appui offi­ciel qu’il leur accorderait. Il proposa donc à Conrart d’ériger le petit groupe en une académie dont il deviendrait le protecteur. Les écrivains, d’abord cons­ternés, comprirent vite qu’il n’était pas question d’éluder l’invitation d’un homme «qui ne voulait pas médiocre­ment ce qu’il voulait». En cette année 1634, ils étaient une vingtaine. Il fallut trouver de nouvelles recrues pour arri­ver au chiffre de quarante auquel on s’était arrêté. Les candidatures affluè­rent. Richelieu imposa quelques noms, accepta certains autres, parmi lesquels le grammairien Vaugelas, Guez de Bal­zac, l’épistolier, les poètes Racan et Voi­ture, ainsi que le chancelier Pierre Sé- guier. En 1635, ils n’étaient encore que trente-six. Ils ne furent au complet qu’en 1639. Il fut entendu que les académi­ciens travailleraient à l’élaboration d’un dictionnaire, d’une grammaire, d’une rhétorique et d’une poétique. Conrart prépara les statuts qui furent soumis au cardinal. Comment allait-on appeler la nouvelle assemblée? On hésita entre «Académie des beaux esprits», «Acadé­mie des polis», «Académie de l’éloquen­ce». Finalement, la majorité se rallia au nom plus simple d’«Académie fran­çaise». Les ennemis de Richelieu ridiculisaient la jeune institution. Le parlement ne montrait aucune chaleur pour la créa­tion de l’Eminentissime protecteur et il fallut attendre le 10 juillet 1637 pour que les lettres patentes fussent enregis­trées. L’Académie commençait sa car­rière, avec la ferme volonté d’ignorer critiques, satires et brocards. Elle est toujours vivante.


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  • Olivier Messiaen - 1908

    Un spiritualiste révolutionnaire

     

    L’apport d’Olivier Messiaen à la musique contemporaine est considéra­ble. Il a été à la fois un interprète remar­quable et le compositeur français le plus original depuis Ravel. En tant que professeur, il a suscité un nombre incroyable de vocations. Le climat spirituel dans lequel avait bai­gné son enfance a favorisé très tôt l’éclosion de ses dons musicaux. Son père était traducteur de Shakespeare, sa mère et son frère poètes. A 8 ans, il s’essaie pour la première fois à la com­position. A 11 ans, il entre au Conserva­toire. Il bénéficie de maîtres aussi presti­gieux que Dupré ou Dukas et obtient d’ailleurs cinq premiers prix. Dès 1931, il est organiste à la Trinité, où il rempor­te un succès d’audience grâce à ses improvisations. La critique s’intéresse bien vite à son œuvre. En 1936, il fonde, avec André Jolivet, Daniel Lesur et Yves Baudrier, une association dirigée contre le «groupe des Six» (Milhaud, Honegger, Auric, Pou­lenc, Durey, Tailleferre): le «groupe Jeune-France». Ses amis et lui veulent défendre les valeurs spirituelles; leur premier concert a lieu en juin. De 1940 à 1942, Messiaen sera prisonnier au Stalag VIII de Görlitz: il y composera le Quatuor pour la fin des temps, qui sera joué au camp même en 1941. Messiaen avait subi l’influence de Joli­vet, mais s’était aussi penché sur les modes et les rythmes indiens, la musique en quarts de tons, les nouveaux procédés, comme le vibraphone ou la musique concrète. Il trouvera une autre source d’inspiration dans les livres sacrés et le plain-chant. Après la guerre, il rencontrera d’ailleurs une véritable hostilité de la part de la presse spéciali­sée, non tant pour son style que pour les commentaires littéraires et mystiques qu’il accole fréquemment à ses ouvra­ges. C’est que ce compositeur hors pair est aussi un chrétien convaincu. Un autre de ses centres d’intérêt est le chant des oiseaux, dont il a dressé un catalogue; ce thème inspire plusieurs de ses œuvres, comme Oiseaux exotiques (1956), pour piano, orchestre et percus­sion. Ses créations les plus célèbres sont les Offrandes oubliées (1931), pour orgue, Trois Petites Liturgies de la pré­sence divine (1944), pour chœur fémi­nin, avec célesta, vibraphone, Martenot, piano, percussion et cordes, Mode de valeurs et d'intensités (1949), pour piano, Chronochromie (I960), pour orchestre. Messiaen utilise tous les timbres, les per­cussions insolites; son langage emploie chromatisme, diatonisme, polytonal et atonal, sériel, grégorien, musique indien­ne, etc. Pourtant, il reste profondément original. Depuis 1942, il enseigne au Conservatoire et son influence sur les nouvelles générations de compositeurs, Boulez en particulier, a été considérable.


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  • Madame de Staël - 1766-1817

    La première romantique

    Née à Paris le 22 avril 1766, Germaine de Staël est la fille du célèbre Necker, banquier genevois, qui fut ministre des Finances à la veille de la révolution de 1789. Mme Necker tient un salon litté­raire, et Germaine, enfant, y rencontre les célébrités du temps: Marmontel, Buffon, l’Anglais Gibbon, l’Allemand Grimm, l’auteur des fameux contes. En 1786, Germaine épouse l’ambassadeur de Suède en France, le baron de Staël, et, en 1788, elle écrit une étude sur Rousseau. Au moment de la Révolution, elle fait de la politique et soutient les partisans d’une monarchie constitutionnelle à l’anglaise. Effrayée par les massacres de septembre 1792, elle gagne la Suède, puis séjourne à Coppet, en Suisse, dans le château familial. Revenue à Paris après la chute de Robespierre, elle reçoit dans son salon des hommes politiques importants, comme Talleyrand qui obtient, grâce à elle, le titre de ministre des Affaires étrangères. De plus en plus opposée à Bonaparte, elle le combat avec l’appui de son ami intime, l’écrivain Benjamin Constant. En 1800, elle publie De la lit­térature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales; elle y exprime sa foi dans le progrès de l’humanité. Deux ans plus tard paraît Delphine, un roman d’amour épistolai- re. Ces ouvrages sont assez critiqués, mais valent à Germaine de Staël une gloire littéraire qui déplaît à Napoléon et à son ministre Fouché. Mme de Staël préfère alors quitter Paris. Elle voyage en Allemagne, séjourne à Weimar où elle fait la connaissance de Goethe et de Schiller. On la retrouve ensuite à Berlin, à la cour de Prusse, puis en Italie. De retour à Coppet, elle y reçoit les lettrés européens et fait paraître un roman d’amour très roman­tique, Corinne ou L’Italie. Malgré l’hos­tilité grandissante de Fouché et de Napoléon, elle publie à Londres, en 1813, De l’Allemagne, qui traite de la philosophie et de la littérature germani­ques et qui aura une influence capitale sur les romantiques français. Déçue par la Restauration et par le roi Louis XVIII, ayant épousé en secondes noces un officier italien, M. de Rocca (son premier mari est mort en 1802), elle se retire à Coppet, mais revient mourir à Paris en 1817, atteinte d’un cancer. Du baron de Staël, elle a eu deux fils et une fille; de celle-ci descend l’actuelle famille de Broglie.


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  • Madame de Sévigné - 1626-1696

    Une chronique mondaine sous le Roi-Soleil 

     

    Née à Paris, au Marais, orpheline à 6 ans, élevée avec soin et bonheur par sa famille maternelle, les Coulanges, ayant reçu les leçons d’excellents maîtres comme Ménage et Voiture, Marie de Rabutin-Chantal est riche, intelligente et belle. Elle épouse, à 18 ans, le Breton Henri de Sévigné, chevalier et marquis. Veuve à 25 ans, elle quitte le manoir des Rochers, près de Vitré, et s’installe à Paris avec ses deux enfants, Françoise- Marguerite et Charles de Sévigné. Elle fréquente les salons «précieux» et se lie d’amitié avec des frondeurs célèbres comme La Rochefoucauld et le cardinal de Retz. Plus tard, elle fréquente d’autres grands personnages proscrits par le pouvoir, le surintendant Fouquet, le ministre Pomponne, Bussy-Rabutin, auxquels elle reste courageusement fidè­le. Elle ne hante pas la cour — ce «pays-là» —, mais ne «politique» pas vraiment; si bien que sa vie de grande dame s’écoule sans drame jusqu’à «la grande affaire de ma vie»: le mariage de sa fille qui s’installe en Provence où son mari est nommé lieutenant général. C’est un déchirement qui fait naître sa vocation d’écrivain. Mme de Sévigné a 45 ans lorsqu’elle entreprend son immense correspondance: 1155 lettres. La plus grande partie d’entre elles s’adresse à cette fille chérie dont 600 km la séparent; elle les envoie, au rythme de deux par semaine, par un courrier qui met dix jours. Elle écrit aussi, depuis 1650, à d’autres correspondants, amis et proches, aux Coulanges, à Philippe- Emmanuel, au «bien bon» abbé et oncle Christophe, au cousin Bussy-Rabutin, aux de Chaulnes, à Pomponne, à Mme de La Fayette, à Mme de Lavardin... L’ensemble forme ce qu’on a appelé un «livre involontaire»: Les Lettres. La marquise les rédige jusqu’à la veille de sa mort, survenue en Provence, au châ­teau de Grignan, le 19 mars 1696. Le genre épistolaire est à la mode depuis les Lettres de Voiture. Les grandes dames y rivalisent. Les correspondances les plus brillantes circulent de main à main comme des gazettes. Celles de Mme de Sévigné sont fort appréciées dans son cercle de mondains intellec­tuels. On en prend copie, on les attend comme les meilleurs comptes rendus d’un événement; le commentaire est vivant, spirituel ou émouvant, direct et d’une fine psychologie, d’une écriture souple et dégagée de toute solennité: c’est le modèle du genre.


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