• La fin du règne de Louis XIV - 1697-1715

    Les dernières épreuves

    La paix de Ryswick ne constitue finale­ment qu’une simple trêve. En 1700, Louis XIV accepte le testament du roi Charles II en faveur de son petit-fils, le duc d’Anjou, qui hérite ainsi de l’Es­pagne et de l’ensemble de ses posses­sions. Cette décision est à l’origine d’une nouvelle coalition contre la France, la «grande alliance» de La Haye, qui réu­nit l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’empereur, le Brandebourg et le Dane­mark. Cette guerre de la Succession d’Espagne va être de loin la plus difficile de tout le règne de Louis XIV. En dépit de quelques succès initiaux et de l’appui de l’Espagne, la France subit en Alle­magne et dans les Flandres de graves revers à Hôchstâdt (1704), Ramillies (1706) et Oudenaarde (1708). Les généraux français Berwick, Ville- roy, La Feuillade, Villars se heurtent à de remarquables hommes de guerre comme le prince Eugène ou Marlbo­rough. En Espagne, les Anglais s’empa­rent de Gibraltar et occupent Madrid (1706). Après l’échec de négociations et la bataille sanglante de Malplaquet ,      la France se trouve à la veille de l’invasion. Mais grâce à un ultime sur­saut, le péril est conjuré par les victoires de Vendôme, en Espagne, à Villaviciosa ,         et de Villars à Denain (1712). Aux traités d’Utrecht et de Rastatt, l’essentiel est sauvé. Philippe V conserve une partie de l’héritage espagnol et la France, la plupart de ses acquisitions en Europe; elle doit céder cependant aux Anglais Terre-Neuve, l’Acadie et la baie d’Hudson. Le royaume sort épuisé de ce long con­flit. Pour le soutenir il a fallu renforcer une fiscalité déjà écrasante, lever de nouveaux impôts comme la capitation et le dixième, recourir à la création d’offices et à des emprunts usuraires. Les difficultés financières aggravent la crise économique provoquée par la guerre et par de mauvaises récoltes. Elle se traduit par le recul de l’industrie et du commerce, l’appauvrissement des pay­sans et des famines. Le malaise général provoque une con­testation et une remise en cause de l’absolutisme. Boisguilbert, avec son Factum de la France, et Vauban, avec son Projet d’une dîme royale, protestent contre l’inégalité des charges, soulignant les vices de l’organisation administrative et la misère rurale. Fénelon traduit l’impatience de la noblesse. Dans son Télémaque et ses Dialogues des morts, il souligne les excès du despotisme et ré­clame le contrôle du pouvoir royal par des assemblées dominées par la no­blesse. Au milieu de toutes ces difficultés, Louis XIV conserve une étonnante force d’âme et supporte stoïquement les deuils qui s’abattent sur sa famille. A sa mort, le 1er septembre 1715, il ne lui reste plus qu’un arrière-petit-fils âgé de 5 ans, le duc d’Anjou, qui devient Louis XV.


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  • Euric, roi des Wisigoths - 420-480

    Apogée du royaume wisigothique de Toulouse 

    Originaires de la région du Dniestr, en Russie méridionale, les Wisigoths, en partie civilisés et christianisés, poussés par les Huns, après plusieurs décennies de pérégrination, échouent en Aquitai­ne, entre Toulouse et l’océan. Après une cohabitation plus ou moins pacifique avec les Romains, les rois wisigoths, face à la décomposition de PEmpire d’Occi- dent, affichent des ambitions territoria­les grandissantes. Après l’assassinat de Théodoric II, en 466, son frère Euric (420-480) conduit le royaume wisigothique de Toulouse à son apogée. Euric mène une double poli­tique: il s’intéresse à l’Espagne, de l’autre côté des Pyrénées; d’autre part, , en Gaule, il souhaite agrandir son royaume vers le nord et l’est. Il passe tout d’abord en Espagne, chasse les Suèves et occupe les deux provinces de Carthagène et de Tarragone, que Rome conservait difficilement dans la péninsule Ibérique. En Gaule, il refoule les troupes d’Egidius et les bat à Déols, près de Châteauroux (469). Tous les pays du sud de la Loire tombent en son pouvoir. Le haut pays arverne résiste plus longtemps (474-475). Sidoine Apollinaire, devenu évêque de Cler- mont, dirige la résistance. Cependant, en 475, le gouvernement impérial cède l’Auvergne à Euric. La conquête de la Provence, commencée en 471, s’achève, après la disparition du dernier empe­reur, par l’occupation d’Arles, de Mar­seille et de la Riviera. Ainsi, en moins d’une décennie, Euric a porté les frontiè­res du royaume wisigoth jusqu’à la Loi re, au nord, le détroit de Gibraltar, au sud, l’océan Atlantique, à l’ouest, et les Alpes-Maritimes, à l’est. Conquérant, Euric est aussi un roi lé­gislateur; il s’empresse de faire recon­naître ses conquêtes: l’Auvergne par Népos en 475, la Tarraconaise et la Provence par Odoacre et Zénon en 477. Des mesures bénignes, comme l’exil de Sidoine Apollinaire à Bordeaux, suffi­sent à briser les résistances locales. Euric transfère sa capitale de Toulouse à Bordeaux. Il s’intéresse à la littérature latine; sa cour attire de nombreux Bar­bares, dont des Ostrogoths et même des Saxons. Euric respecte les cadres admi­nistratifs romains: il nomme indifférem­ment des Goths ou des Romains comtes et ducs; il garde le costume traditionnel des rois goths, mais conserve certains titres romains et le protocole qui leur correspond. Le peuplement gothique est dense dans les zones stratégiques (vallée de la Garonne, Bazadais, bas Quercy, Montagne Noire). Le fils d’Euric, Alaric II (484-507), homme médiocre et jouisseur, ne pourra résister, en Gaule, à la pression franque; seule survivra la partie espagnole du royaume d’Euric.


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    Les rois fainéants - 639-751

    La fin d'une dynastie

    Il faut un siècle aux «rois fainéants» pour conduire la dynastie mérovingien­ne à sa perte. De 629 à 639, Dagobert Ier est, en dépit de la légende, le dernier souverain à diriger l’ensemble du royau­me franc et à freiner une décadence entamée depuis la fin du VIe siècle. Dé­sormais, l’histoire de la Gaule est celle de l’antagonisme entre l’Austrasie, cen­trée sur les pays rhénans, fortement ger­manisés, et la Neustrie où, entre la Som­me, la Meuse et la Loire, l’empreinte romaine s’est mieux conservée, les ré­gions périphériques, comme l'Aquitaine, la Provence ou la Bavière, retrouvant plus ou moins leur autonomie. Les rois ne sont plus les maîtres. En effet, faute de ressources qu’une admi­nistration rudimentaire ne peut leur fournir, ils ont dû distribuer leurs trésors et leurs domaines pour s’assurer des fidélités. De plus, le trône échoit d’ordi­naire à des enfants ou à des adolescents maladifs, mourant jeunes, épuisés par les excès. Face à ces pâles figures (Clo- taire III, Thierri III, Clovis III, etc.) grandit la puissance des maires du palais. Le maire du palais, le premier des officiers de la cour royale, a d’abord été le représentant du roi près de l’aristocratie; puis, à mesure que celle-ci s’est renforcée, il en est devenu le porte-parole, avant d’en apparaître comme le chef. Il se trouve ainsi à la tête du réseau de fidélités qui, auparavant, convergeait vers le roi; comme c’est lui qui dispose des plus grands domaines, il peut encore accroître le nombre de ses fidèles en leur distribuant des terres. Les maires du palais de la Neustrie l’emportent tout d’abord avec Ebroïn qui, après avoir fait assassiner l’évêque d’Autun, Léger, soumet aussi la Bour­gogne. Mais, en Austrasie, grandit le pouvoir des maires issus de la famille des Pippinides, ancêtres des Carolin­giens, célèbre depuis Pépin Ier de Lan- den: en 687, Pépin II d’Herstal vainc définitivement la Neustrie à la bataille de Tertry. Il exerce désormais toute la réalité du pouvoir, même si l’image d’un roi affalé dans un chariot lentement traî­né par des bœufs, que popularise la pro­pagande carolingienne, est sans doute excessive. La victoire de Poitiers, suivie de la soumission de l’Aquitaine, accroît encore le prestige de Charles Martel, fils de Pépin II. Lorsque le roi Thierri IV meurt en 737, on met six ans à le rem­placer. En 751. Pépin III le Bref, ayant fait constater par le pape qu’il exerce effectivement le pouvoir, se fait élire roi, puis sacrer, après avoir fait déposer le dernier des Mérovingiens. Celui-là, dé­pouillé de sa longue chevelure, signe de son pouvoir royal, est enfermé dans un monastère. Ainsi disparaissent les «rois fainéants»; mais depuis bien longtemps ils n’avaient plus rien à faire...


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  • Le port de Saint-Malo

    «Un vaisseau de granit»

    Située sur la côte nord de la Bretagne, non loin du Mont-Saint-Michel et de la presqu’île du Cotentin, projetée dans la mer, Saint-Malo est un rocher, une for­teresse, un port aux activités multiples et à l’histoire prestigieuse. Un rocher: fondée au moment des inva­sions normandes par les transfuges d’Aleth (aujourd’hui Saint-Servan), dotée d’un évêché, la ville n’est ratta­chée à la terre que par un lien mince, le «sillon», alors recouvert par la mer à chaque marée. Une forteresse: dès le XIIe siècle, elle est entourée de remparts agrandis et modi­fiés jusqu’au XVIIIe siècle. La reine Anne de Bretagne y construit la tour Quiquengrogne, à l’angle du château. Ce dernier est doté, en 1395, d’un petit donjon et, en 1424, d’un grand donjon qui domine l’ensemble. Ces fortifica­tions symbolisent l’esprit d’indépendan­ce des habitants. «Ni Français ni Bre­ton, Malouin suis.» En 1689, Vauban construit le fort Royal (appelé National depuis la Révolution). Un port: aux fonctions multiples, dont la pêche à la morue, d’abord faite à bord de grandes goélettes que remplacent d’énormes chalutiers congélateurs. Saint-Malo est aussi la cité des corsai­res. Avec Jacques Cartier qui, ayant dé­couvert les rives du Saint-Laurent, prend possession du Canada, on peut citer Duguay-Trouin (1673-1736) et Surcouf (1773-1827). Ceux-ci, ayant reçu des «lettres de course» leur ;vitant d’être traités en pirates, attaquent les navires ennemis, anglais et hollandais. La prise de Rio de Janeiro (1711), mal­gré la perte du Magnanime, de VAigle et du Fidèle, rapporte gloire et profit à Duguay-Trouin devenu chef d’escadre. Saint-Malo est enfin une pépinière spiri­tuelle; au XVIIIe siècle, c’est elle qui aurait donné à la France, en proportion de sa grandeur, le plus de grands hom­mes: Maupertuis, La Mettrie, La Men- nais et, surtout, Chateaubriand qui, né près de la tour Quiquengrogne, va finir ses jours dans la solitude de l’île du Grand-Bé, qu’on ne peut gagner qu’à marée basse, et où il repose aujourd’hui sous une simple dalle sans nom, sur­montée d’une croix de granite. Dévastée au cours de la dernière guerre mondiale, reconstruite avec sollicitude, Saint-Malo, qui possède quatre bassins à flot et un avant-port, forme aujour­d’hui, avec Saint-Servan, Paramé et Rothéneuf, un actif complexe touristi­que, bardé d’histoire et de souvenirs.


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  • Joinville - Vers 1225-1317

    Le biographe de Saint Louis

    Jean de Joinville naît au château de ce nom, au nord de la Champagne, vers mai 1225. Sa famille, connue depuis le début du XIe siècle, s’affirme dans l’orbite de la maison de Brienne, puis contracte de brillantes alliances. A par­tir du milieu du XIIe siècle, son chef est sénéchal de Champagne. Cette dignité échoit à Jean de Joinville en 1239, lors­qu’il atteint sa majorité féodale; il a, en effet, perdu son père très jeune. Accom­pagnant son seigneur Thibaud, comte de Champagne, puis roi de Navarre, Joinville fait la connaissance du jeune roi Louis IX à Saumur, en 1241. Il l’accompagne à Poitiers puis, l’année suivante, à l’expédition contre les ba­rons poitevins révoltés. Fait chevalier en 1245, Joinville se croi­se comme le roi. Avec ses parents et ses amis, il gagne l’Egypte en 1248 et prend part à toutes les opérations de la croisa­de: il se montre très courageux mais aussi plein de bon sens. 11 échappe à la défaite de la Mansourah, mais est captu­ré avant d’avoir pu regagner Damiette où le roi doit capituler. Après rançon, il est libéré avec son souverain. Le voyage vers Acre est à l’origine de l’amitié pro­fonde qui liera désormais les deux hom­mes et de la vénération de Joinville pour le roi. Celui-ci demeure quatre ans en Terre sainte avec son dévoué vassal; il en fait son conseiller le plus écouté. Joinville regagne ensuite ses terres pour y remettre de l’ordre. Il va souvent à la cour en compagnie du comte Thibaud V, gendre du roi. Resté veuf en 1260, avec deux enfants, Joinville se remarie dès 1261 avec Alix de Reynel dont il a encore six enfants. Malade en 1267, il n’accompagne pas Louis IX à la croisa­de où le souverain trouvera la mort. Le décès du roi n’empêche pas Joinville de fréquenter la cour. Le roi Philippe le Hardi l’écoute volontiers. A nouveau veuf en 1290, Joinville vit retiré dans son domaine, n’allant à Paris qu’aux grandes occasions mais ne négligeant pas ses devoirs militaires. Il participe notamment aux guerres de Flandre. Vers 1304, à la demande de la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe le Bel, il commence à dicter ses souve­nirs dont la rédaction est terminée en 1309, bien avant qu’il ne meure, nona­génaire, le 24 décembre 1317. L'Histoire de Saint Louis, rédigée un demi-siècle après les faits, est un livre de Mémoires plus qu’un ouvrage histori­que. C’est un témoignage de piété à l’égard d’un roi qu’on a canonisé en 1297. Mais ces petits récits bien menés, ces scènes colorées, évoquées avec une grande sensibilité, n’en ont pas moins une grande valeur littéraire.


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