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Une «Brigade» de poètes à la Renaissance
La Renaissance, qui surgit en France après les guerres d’Italie, n’eût pas abouti en province si Paris et la cour ne l’eussent patronnée. Entre 1550 et 1610, autour de Ronsard, jeune et ardent poète, se groupent du Bellay, Jodelle, Bel- leau, Dorât, Baïf, Pontus de Tyard. Ayant formé d’abord la «Brigade», ils prennent le nom du groupe d’étoiles issues des sept filles d’Atlas et de Pléion: la Pléiade. Le nouveau groupe trouve son credo dans le manifeste publié en 1549 par du Bellay, Défense et illustration de la langue française. C’est une déclaration de guerre plus qu’un art poétique. Les principes? enrichir la langue française avec le désir de la rendre égale aux langues anciennes; restaurer les grands genres de l’Antiquité et bannir ceux du Moyen Age; remplacer le mystère par la tragédie, la farce par la comédie, le coq-à- l’âne par la satire, le rondeau par le sonnet, la ballade et le chant royal par l’ode; imiter avec enthousiasme les Anciens; lutter contre l’ignorance mais blâmer les poètes qui abandonnent leur langue maternelle pour le latin. Du Bellay joint l’application aux préceptes en publiant, dès avril 1549, deux recueils de sonnets et de vers lyriques. Ronsard donne au public ses Odes, divisées en quatre livres, comme les Odes d’Hora- ce; une douzaine d’entre elles sont calquées sur celles de Pindare; presque toutes sont «mesurées à la lyre»: un même air de musique peut servir à toutes les strophes d’une même ode. Dans sa préface, Ronsard revendique la gloire d’être le premier en date de nos poètes lyriques, le continuateur de Pindare et d’Horace. Les membres de la Pléiade, s’ils pratiquent les mêmes techniques, ont chacun leur personnalité: «Je compare cette «Brigade», écrit Pasquier dans les Recherches de la France, à ceux qui font le gros d’une bataille: chacun d’eux avait sa maîtresse qu’il magnifiait.» Remi Belleau, peintre de la nature, donne la Bergerie; du Bellay, Les Antiquités de Rome et les célèbres Regrets; Jean Antoine de Baïf, le plus savant et le plus érudit du groupe, crée une académie de poésie et de musique; au château de Bissy, en Bourgogne, chez Pontus de Tyard, se tiennent de véritables réunions artistiques et scientifiques; Jodelle inaugure en France la tragédie classique et fait jouer en 1552, à Reims, sa Cléo- pâtre captive. Après 1560, le grand élan de la Pléiade s’apaise; les passions religieuses l’emportent, mais le renouvellement est assuré.
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Lorsque le critique Louis Leroy, dans Le Charivari du 25 avril 1874, qualifie ironiquement d’«impressionnistes» les exposants du salon Nadar, il se réfère à une toile de Claude Monet, Impression, soleil levant. Mais il ne se doute pas que ceux qu’il égratigne feront de sa boutade un titre de gloire. On a salué en Auguste Renoir tantôt le plus grand des impressionnistes, tantôt le plus marginal d’entre eux. Que de chemin parcouru depuis l’époque où le petit porcelainier, devenu peintre au contact de Gleyre et des chefs-d’œuvre du Louvre, a essuyé son premier échec au Salon de 1863! Plus tard, Renoir est l’un des plus fervents imitateurs de Monet, de sorte qu’il est parfois difficile de les distinguer l’un de l’autre. C’est l’époque où il retrouve, au café Guer- bois, Manet, Degas, Cézanne, Pissarro, Fantin-Latour, mais aussi un romancier qui commence à faire parler de lui, Emile Zola, et un photographe, Nadar. Pourtant, en désaccord avec Degas, il ne participera pas aux expositions du groupe en 1880 et 1886. Entre-temps, un voyage en Italie lui révèle Raphaël et les fresques de Pompéi. Tandis que Monet se passionne pour la recherche esthétique et l'étude de la lumière, les peintures de Renoir se font toujours plus sensuelles. Toute sa création ne sera désormais qu’un hymne chatoyant à la nature et à la femme. Le Moulin de la Galette (1876) témoigne de sa meilleure période. Sa palette chante la joie de vivre, ses touches trahissent le moindre souffle d’air. Ses Baigneuses sont un cri d’amour pour le corps féminin; ses visages d’enfants ont la plénitude des émotions juvéniles. Plus tard, dans les années 1880, alors même que l’influence des grands classiques mûrit son style, le fond de son inspiration ne change pas. Pour Renoir, l’ancien refusé, c’est la gloire et l’aisance. Il a rencontré un succès considérable au Salon de 1879 et à toutes les expositions ultérieures. S’il s’est éloigné de ses anciens amis, il ne les renie pas: il accueille Cézanne en 1885. Il se plaît à peindre des scènes d’intimité, où la couleur prend parfois le pas sur la forme. Mais il ne renonce pas au nu: il prend à son service une bonne, Gabrielle, dont il fait son modèle préféré. Il subit cependant les maux de la vieillesse: perclus de rhumatismes, retiré dans le Midi depuis 1901, il se voit contraint de fixer son pinceau entre le pouce et l’index. Vers la fin de sa vie, cloué sur son fauteuil, il guide les mains d’un jeune sculpteur à l’aide d’une longue baguette. Quatre mois avant sa mort, il se fait porter au Louvre sur sa chaise de paralytique.
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L’école de Barbizon emprunte son nom à un petit village situé à quelques dizaines de kilomètres de Paris, à la lisière de la forêt de Fontainebleau. Dans les années 1840 s’y installe peu à peu une petite colonie d’artistes peintres. Ces jeunes gens, encore inconnus et souvent d’origine modeste, n’ont pas les moyens de louer un atelier à Paris. C’est à la campagne qu’ils se consacrent à leur art, menant l’existence frugale des paysans. Cette communauté ne forme pas une véritable école avec des théories et une doctrine bien définies, mais elle partage une même passion pour le spectacle de la nature. Les peintres de Barbizon se distinguent de leurs aînés par une approche nouvelle du paysage, rejetant les compositions idéales trop savamment apprêtées des peintres classiques et, bien qu’héritiers des romantiques, écartant les effets grandioses et pittoresques. Ils recherchent une vision directe, privilégiant la sensibilité plutôt que l’expérience intellectuelle. Ils n’éprouvent pas le besoin de modifier la réalité mais cherchent au contraire à la déchiffrer. L’école de Barbizon renoue avec une certaine tradition du paysage; elle s’inspire de la tradition française du XVIIe siècle, des peintres hollandais tels que Ruysdael ou Hobbe- ma et, surtout, des paysagistes anglais, Constable, Turner, Bonington. Chaque artiste du groupe a son style propre. Théodore Rousseau est cependant le plus représentatif; il a été le premier à s’établir à Barbizon après avoir vu ses œuvres refusées au Salon. Amoureux passionné de la nature, il aime peindre des paysages dont l’homme est exclu, s’efforçant de saisir leurs aspects changeants aux différentes heures du jour. Le jeu de la lumière dans les frondaisons le fascine. Harpignies, Dupré et Diaz de la Pefia affectionnent également les tableaux forestiers. Daubigny s’intéresse plus spécialement aux reflets dans les eaux; sa barque-atelier sillonne rivières et canaux. Troyon et Jacque préfèrent fixer les scènes champêtres. Corot, plus âgé que ses confrères, a déjà trouvé sa manière par un cheminement original. Mais il partage les vues du groupe et, bien qu’il séjourne rarement à Barbizon, on l’y rattache souvent. Quant à Millet qui vit au village, il se situe à l’écart: il veut avant tout célébrer la noblesse du paysan au travail. Or, c’est précisément le refus de l’anecdote qui caractérise l’école de Barbizon. En fixant les apparences, elle s’efforce de saisir le jeu complexe de la lumière et des couleurs, ouvrant ainsi la voie aux recherches de l’impressionnisme.
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Offenbach est le témoin malicieux de la vie mondaine du second Empire. Ses mélodies élégantes et pleines de verve reflètent à merveille — parfois férocement — le tourbillon des fêtes brillantes dans lequel s’étourdit une société décadente, impatiente de dépenser dans des plaisirs superficiels, voire frelatés, un argent facilement gagné. La musique d’Offenbach s’accorde à la gaieté un peu surfaite de ces fastes parisiens et connaît rapidement une très grande vogue. Jacques Offenbach est né en 1819 à Cologne. Il est le fils d’un chantre de la synagogue qui l’emmène à Paris où il fréquente, pendant un an, la classe de violoncelle dirigée par Vaslin au Conservatoire. A l’âge de 15 ans, il est engagé dans l’orchestre de l’Opéra-Comique. En 1849, Offenbach obtient sa première direction d’orchestre au Théâtre- Français. C’est à cette époque qu’il connaît ses premiers succès d’auteur grâce à des airs composés sur le thème des Fables de La Fontaine et qui courent les salons parisiens. Il crée ensuite la Chanson de Fortunio pour la représentation du Chandelier d’Alfred de Musset. En 1855, il peut ouvrir, sous le nom de «Bouffes-Parisiens», son propre théâtre d’opérettes, installé aux Champs- Elysées, puis passage Choiseul. Il le dirige jusqu’en 1866 et sait en faire un des pôles de la vie parisienne. Il crée le genre de l’opérette avec Ba-ta-clan qui conquiert le public de l’époque. Il inaugure, par Le Violoneux, une longue et heureuse collaboration avec Hortense Schneider qui demeurera son interprète favorite. Orphée aux Enfers (1858) est un véritable triomphe avec plus de 300 représentations. Après une tournée qui le mène à Ems et à Vienne, où il donne Die Rheinnixen, Offenbach revient à Paris pour monter successivement La Belle Hélène (1864), Barbe-Bleue, La Vie parisienne, La Grande-Duchesse de Gérolstein, La Périchole, La Princesse de Trébizonde, Les Brigands (1869), qui sont sans doute ses opérettes les plus fameuses. Après la chute de l’Empire, Offenbach dirige le théâtre de la Gaieté; il y connaît un four financier avec une nouvelle version d’Orphée aux Enfers. Après une tournée aux Etats-Unis, il raconte ses souvenirs dans les Notes d’un musicien en voyage et consacre la fin de sa vie à la composition. Il meurt à Paris en 1880. Compositeur brillant et des plus féconds — Rossini l’a surnommé le petit Mozart des Champs-Elysées —, Offenbach laisse plus de cent opérettes, dont beaucoup connaîtront un succès durable. En revanche, ses tentatives à l’Opé- ra et à l’Opéra-Comique sont peu convaincantes. Toutefois, son chef-d’œuvre posthume, Les Contes d’Hoffmann, achevé par Guiraud, triomphe sur la scène de l’Opéra-Comique en 1881.
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Quand le talent s’allie au courage
Sarah Bernhardt est très tôt un mythe. Enfant prodige, actrice protéiforme, personnalité grandiose et fantasque, elle fait tout pour encourager ce flou autour d’elle. Ses Mémoires, sous le titre Ma Double Vie, reflètent surtout l’image qu’elle veut donner d’elle. Henriette Rosine Bernard naît le 23 octobre 1844 dans une famille juive de Paris. Elle est la onzième de quatorze enfants. Elle est baptisée et suit l’école d’un couvent de Versailles. Entrée au Conservatoire à 14 ans, elle y obtient un second prix de tragédie et de comédie. Ses débuts au Théâtre-Français datent de 1862; elle y joue un petit rôle dans Iphigénie de Racine. Mais elle quitte bientôt le Théâtre-Français pour l’Odéon (1867). L’année 1869 marque son premier grand succès; elle joue le page Zanetto dans Le Passant de François Coppée. Elle réintègre le Théâtre-Français après la guerre franco-prussienne (1872). Elle interprète de main de maître la reine dans Ruy Blas de Victor Hugo. Mais si elle s’est montrée brillante jusqu’ici, elle est éblouissante, en 1874, dans Phèdre de Racine, que l’on considère souvent comme un des rôles les plus difficiles de la tragédie française. Elle est également une Doña Sol pleine de fougue romantique dans Hernani (1877), ce qui la consacre comme digne successeur de Rachel. Mais d’ores et déjà, sa renommée a dépassé les frontières françaises. En 1879, elle fait sa première apparition sur une scène à Londres, au Gaiety Theatre. Avec la célébrité, le côté tyrannique de son caractère s’accentue: elle n’hésite pas à rompre avec la Comédie- Française en pleine tournée des Aventuriers d’Augier. Ce caprice lui coûte fort cher en dommages-intérêts. Mais il marque le départ d’un véritable tour du monde. Elle se rend notamment en Amérique et en Australie, apparaissant dans des œuvres aussi diverses qu'Adrienne Lecouvreur, de Scribe, La Dame aux camélias, d’Alexandre Dumas fils, Froufrou, de Meilhac et Halévy; puis Théodora, La Tosca, Jeanne d’Arc (1883-1890). En 1893, elle devient directrice de la Renaissance et, cinq ans plus tard, donne son nom au théâtre des Nations. Parmi un répertoire d’une variété incomparable, elle n’hésite pas à interpréter des rôles masculins, comme celui de l’Aiglon dans la pièce du même titre. Malgré une amputation de la jambe droite (1915), elle poursuit ses tournées à l’étranger. A Londres, en 1921, elle joue, dans une chaise roulante, le rôle d’un jeune homme. Sa voix merveilleuse sait rendre toute la gamme des passions humaines. Cette prodigieuse actrice, au jeu plus émotionnel qu’intellectuel, a été décorée de la Légion d’honneur en 1913. Elle en est devenue officier en 1921.
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