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Un gardien de la tradition académique
Jean-Auguste-Dominique Ingres est originaire de Montauban. Ses dons pour le dessin et la musique se révèlent très tôt, et son père, un sculpteur ornemaniste, encourage l’éclosion de sa vocation. A ans, on l’emmène à Toulouse où il entre dans l’atelier du peintre Roques dont il partage l’admiration pour Raphaël. En 1797, Ingres vient à Paris où David l’accueille dans son atelier. L’élève subit profondément l’influence du maître et peint dans le genre néoclassique. En 1800, il obtient le second grand prix de peinture et, l’année suivante, il est grand prix de Rome. Son départ pour la Villa Médicis est différé de quelques années pendant lesquelles l’artiste donne des portraits qui témoignent d’une grande maîtrise. Ingres s’installe enfin à Rome en 1806. L’influence de Raphaël devient prépondérante dans son œuvre. Cependant, les toiles qu’il fait parvenir à Paris sont jugées sévèrement: en dépit d’un parti résolument classique, quelques déformations y trahissent les influences romantiques. Blessé par la critique, l’artiste décide de demeurer en Italie. C’est pour lui une période très féconde, malgré des embarras financiers qui l’obligent à «faire du commerce» en exécutant des portraits. Il reçoit des commandes officielles pour les palais romains, prétextes à de vastes compositions inspirées par la tradition, et continue à expédier des tableaux en France, dont Raphaël et la Fornarina et La Grande Odalisque. Dans cette dernière œuvre, malgré sa volonté de réalisme, l’artiste exprime son sens des formes. A son retour de Rome, il rapporte Le Vœu de Louis XIII, destiné à la cathédrale de Montauban; cette toile fait sensation au Salon de 1824. Cependant, malgré son attachement à la tradition, Ingres ne parvient pas à retrouver, dans cette toile, l’inspiration des maîtres du passé; le mysticisme du roi n’émeut guère; le conservatisme formel du peintre, qui professe un profond mépris pour le romantisme, le choix même de ses sujets, le rivent à la tradition académique. Mais sa manière plaît à la société bourgeoise du XIXe siècle: son atelier de l’Ecole des beaux-arts est le sanctuaire de la peinture officielle et les régimes qui se succèdent le comblent d’honneurs. Au-delà de cet académisme, Ingres est un maître inégalé du dessin: l’exposition de 1861 révèle son immense talent. Son sens inné de la ligne marquera des artistes aussi peu conventionnels que Degas, Gauguin et Toulouse-Lautrec, de même que les cubistes.
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Charles Gounod naît à Paris en 1818, dans une famille d’artistes. Son père est un peintre renommé. Sa mère est une pianiste remarquable qui l’aide à découvrir l’univers de la musique dès sa tendre enfance. Après des études secondaires au lycée Saint-Louis, Gounod est admis au Conservatoire où il étudie sous la direction de Reicha, Halévy et Lesueur. Dès 1837, il obtient un second prix. Deux ans plus tard, il remporte le grand prix de Rome de composition musicale. Il séjourne en Italie jusqu’en 1843 et se passionne pour la musique sacrée en découvrant l’œuvre de Pales- trina. Après avoir visité les hauts lieux européens de la musique, Vienne, Prague, Dresde, Berlin, Leipzig, où il perfectionne sa connaissance des grands maîtres, Bach, Mozart, Beethoven, et se lie avec Mendelssohn, Gounod rentre à Paris où il est nommé organiste et maître de chapelle à l’église des missions étrangères. Il étudie la théologie, compose de la musique religieuse et, pendant quelque temps, songe même à entrer dans les ordres. Ce n’est qu’en 1847 qu’il se tourne définitivement vers la musique. Malgré les commentaires flatteurs de Berlioz, ses premières œuvres ne sont guère appréciées d’un public surtout épris de musique italienne et des mélodies faciles de Meyerbeer. Gounod sacrifie au goût du jour et écrit pour la scène, seul moyen de se faire un nom. Le succès tarde cependant à venir. Ses premiers opéras, Sapho (1851), sur un livret d’Emile Augier, La Nonne sanglante (1854), et une musique de scène pour la tragédie de Ponsard, Ulysse, ne reçoivent pas un accueil favorable. La critique éreinte le compositeur. Ce n’est qu’avec Le Médecin malgré lui (1858) que Gounod acquiert une certaine notoriété. L’année suivante, il donne Faust, son chef-d’œuvre inspiré de la tragédie de Goethe. En 1864, il compose Mireille sur un texte de Frédéric Mistral. Un succès incontestable couronne enfin Roméo et Juliette, en 1867. Pendant la dernière période de sa vie, Gounod se consacre presque exclusivement à la musique religieuse. Il compose plusieurs grandes messes (messe solennelle de Sainte-Cécile, messe A la mémoire de Jeanne d’Arc), des motets et des oratorios (Les Sept Paroles du Christ, Rédemption, Mors et Vita). Il meurt à Paris en 1893. Gounod a renouvelé la mélodie française. Il a su retrouver une véritable simplicité et un naturel que ses contemporains, fascinés par les outrances de l’italianisme, n’apprécièrent que tardivement. Paradoxalement, certaines de ses partitions sont tombées dans l’oubli en raison des concessions qu’il a faites au goût de l’époque. Si sa musique religieuse n’est plus guère jouée, nombre de ses opéras sont repris avec bonheur sur les scènes d’aujourd’hui.
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Par son père, banquier à Paris, Edgar Degas descend d’une famille de la noblesse bretonne, les de Gas. Sa mère appartient à la vieille société française de la Louisiane. Ses sœurs ont épousé des Italiens titrés; ses frères sont négociants à La Nouvelle-Orléans. Lui est un bourgeois parisien. En dehors de ses séjours à Rome, Florence, Naples et aux Etats-Unis chez ses parents, il mène la vie régulière d’un célibataire fermé sur son art. Sans soucis financiers et sans forte opposition paternelle, Degas (c’est lui qui a contracté son nom) peut, après ses études à Louis-le-Grand et une année de droit, se consacrer à sa vocation de peintre. Il a 20 ans; il entre à l’Ecole des beaux-arts et suit docilement les leçons de ses maîtres. Il se lance dans la peinture d’histoire et, jusqu’en 1870, expose régulièrement au Salon de grandes machines telles que Sémiramis fondant une ville ou La Fille deJephté. Il admire Ingres. Après son séjour en Italie en 1858, il s’oriente vers la tradition de la Renaissance. Mais il rencontre Manet et fréquente les jeunes peintres qui se réunissent au café Guerbois, puis à La Nouvelle-Athènes, place Pigalle, et qui forment le «groupe de Belleville»; il subit fortement leur influence. En 1874, Degas participe à la première exposition des impressionnistes. Mais si ses toiles, Le Bureau des cotons, Le Pédicure, Le Viol, s’inspirent de sujets naturalistes, Degas n’est pas vraiment un artiste révolutionnaire; dans la nouveauté, il introduit le respect de la tradition et la connaissance du métier. Portraitiste remarquable, Degas est également le peintre de scènes quotidiennes et contemporaines, au café (L’Absinthe), dans la série des Blanchisseuses et des Repasseuses, dans ses nus féminins (Femme à la toilette, au tub, Femme se peignant). Mais c’est surtout sur les champs de courses, au cirque, dans les coulisses de l’Opéra, qu’il trouve, de 1873 à 1890, les modèles (chevaux, danseuses de ballet) qui lui permettent de pousser son étude du mouvement, de suggérer l’atmosphère de l’instant. Soucieux d’éprouver tous les moyens techniques, Degas, artiste complet, utilise l’huile, la gouache, le pastel, le crayon, la gravure, la sculpture. Ses recherches le conduisent à des recettes personnelles et à des découvertes, notamment dans la pratique nouvelle des monotypes. Presque aveugle à la fin de sa vie, il s’est spécialisé dans le pastel, puis la sculpture. Ayant connu la célébrité de son vivant, de caractère bourru et solitaire, il est connu pour ses reparties mordantes. Degas et sa conception personnelle de l’impressionnisme ont influencé plusieurs artistes, entre autres Matisse.
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Un tempétueux contestataire
Louis-Ferdinand Destouches (pour l’état civil) passe son enfance à Paris dans le IIe arrondissement. Après son certificat d’études, il est employé de commerce. Blessé héroïquement en 1914 et réformé, envoyé au Cameroun (1916-1917), il prépare seul ses baccalauréats et commence ses études de médecine en 1918, à Rennes. Attaché à la Fondation Rockefeller, il a l’occasion de voyager en Europe, en Afrique, en Amérique du Nord. A partir de 1928, il est établi médecin dans la banlieue parisienne, chef du dispensaire de Clichy. En 1932, sous le pseudonyme de Céline, le Dr Destouches publie Voyage au bout de la nuit. Prix Renaudot, le livre a un retentissement immédiat et considérable. Admirateurs et détracteurs se déchaînent. L’œuvre romanesque est violente, audacieuse, nouvelle, dans le style comme dans le propos. L’auteur est classé comme un écrivain de gauche, de la veine de Zola. Mais, au lendemain de son voyage en URSS, en 1936, Céline publie un pamphlet anticommuniste, Mea Culpa. Mort à crédit (1936), Bagatelles pour un massacre (1937), L’Ecole des cadavres (1938) sont également des œuvres pamphlétaires. Furieux et honteux du laisser-aller français dans ces années d’avant-guerre, Céline dénonce pêle- mêle, en une hargne déchirante, la ploutocratie et, en premier lieu, la ploutocratie juive, le communisme, le nationalisme, le capitalisme, tous les «isme», les politiciens verbeux, les applaudisseurs, les dominateurs et les naïfs exploités. En somme, un anarchiste de droite; c’est ainsi qu’on l’appelle. La défaite lui inspire les amers Beaux Draps (1941). Pendant l’Occupation, malgré les sollicitations, il ne participe à aucune action politique, mais ne peut s’empêcher de publier Guignol’s Band (1943). En juillet 1944, il tente de gagner le Danemark. Arrêté en Allemagne, il est dirigé sur le château de Sigmaringen où sont rassemblés les «collaborateurs» réfugiés et le maréchal Pétain. Emprisonné pendant onze mois au Danemark, il est autorisé, en 1948, à résider à Korsor. Il est condamné par contumace, à Paris, en février 1950, à un an d’emprisonnement et 50000 francs d’amende. Amnistié le 26 avril 1951, il rentre en France et s’installe à Meudon où il n’exercera plus la médecine qu’en faveur des pauvres gens. Dans ses dix dernières années, Céline a écrit et publié Féeries pour autrefois (1952), Féeries II (1954), Les Entretiens avec le professeur Y (1955), D’un château à l’autre (1957), une magnifique et mordante description des hôtes de Sig- maringen et de sa traversée de l’Allemagne écrasée, Nord (1960). Ces œuvres lui assurent une seconde célébrité. Rigodon (1969) est une œuvre posthume. A partir de 1968, l’intérêt porté à Céline n’a fait que grandir.
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Nicolas Boileau, dit Despréaux (du nom de l’une de ses terres), naît à Paris dans une famille bourgeoise aisée. Son père est greffier à la grande Chambre du parlement. Elève des collèges les meilleurs, Harcourt et Beauvais, destiné à la prêtrise, il choisit le droit. Reçu avocat en 1656, il hérite de son père une petite fortune qui lui permet de se consacrer entièrement aux lettres. Il se lie avec les jeunes écrivains de sa génération, La Fontaine, Chapelle, Molière, Furetière et, plus tard, Racine dont il sera le meilleur conseiller. Sa verve s’exerce contre les écrivains qu’il estime mauvais; il récite ses premiers vers dans les cabarets qu’il fréquente joyeusement avec ses amis. Les Satires (genre imité de Juvénal) passent d’abord de main en main, avant d’être publiées tout au long de la vie de l’auteur, de 1665 à 1711. Moraliste pamphlétaire, Boileau s’attaque aux ridicules de ses contemporains, qu’ils appartiennent à la noblesse (Satire V), à la vie parisienne, dont il donne des tableaux pittoresques dans les Satires /// et VI, ou au monde littéraire (Satires II et IX). Le Lutrin (1673), long poème burlesque, pastichant le style épique, se rattache aux Satires. D’un style moins alerte, plus sérieux, les Epîtres (1663-1695) sont des considérations morales et psychologiques. La plus célèbre, Sur l’utilité des ennemis, a été adressée à Racine au moment de la cabale contre Phèdre. En 1674, L’Art poétique, en quatre chants, œuvre principale de Boileau, contient ses théories sur l’art d’écrire et de rimer selon l’esprit du XVIIe siècle. C’est une sorte de recette du beau et du bon langage. Alors viennent réussite et honneurs officiels: en 1675, Boileau reçoit une pension du roi; en 1677, il est nommé son historiographe. Comme Racine, il accompagne Louis XIV dans ses campagnes de Lorraine et de Flandre, de 1678 à 1685. Il est reçu à l’Académie en 1684. Les besognes de cour l’obligent, pendant un certain temps, à renoncer à la poésie. Aux défaillances de sa santé (asthme et surdité) s’ajoute, en 1699, le chagrin de voir mourir Racine, son collègue et ami. Le vieux lion se réveille lors de la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. Boileau, dont l’autorité littéraire est toujours considérable, reprend la plume et polémique vigoureusement contre Charles Perrault, le chef des Modernes, dans les Réflexions critiques sur quelques passages de Longin (1693-1710). Pour Boileau, il ne s’agit pas d’être un imitateur des Anciens; la pensée doit être moderne mais exprimée selon les formes des grandes œuvres respectées depuis des siècles. Poète de la clarté, de la raison, de la vérité, théoricien du classicisme français, Boileau reste le symbole de l’art littéraire du Grand Siècle.
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