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    Le Consulat

    Vers le pinacle

     


    Depuis le traité d’Amiens (1802), le Pre­mier consul apparaît à tous comme l’homme providentiel. Grâce à lui, le pays retrouve stabilité et prospérité. La réforme de l’enseignement, l’institution de la Légion d’honneur (19 mai 1802) et l’élaboration du Code civil ajoutent à la satisfaction générale. Son pouvoir assu­ré, Bonaparte ne cherche plus à ména­ger l’opposition. Déjà, il a épuré le Tri- bunat en se débarrassant de ceux qu’il appelle avec mépris les idéologues. Il fait prolonger ses pouvoirs pour dix ans (8 mai 1802), mais cette mesure ne suffit pas à son ambition et le Sénat, docile, le nomme consul à vie (4 août 1802), avec pouvoir de désigner son successeur. Déjà la couronne se profile à l’horizon. La décision est aussitôt ratifiée par un plébiscite.

     

    Sur ces entrefaites, la rupture de la paix d’Amiens (mai 1803) ouvre une nouvel­le période de guerre. Entre Londres et Paris, les responsabilités sont partagées, mais Bonaparte laisse habilement croire que tous les torts viennent de l’Angleter­re. Tandis qu’il prépare l’invasion de Hle et qu’il fait occuper le Hanovre, posses­sion de George III, le cabinet britan­nique travaille à la formation d’une coa­lition nouvelle. Les Anglais visent égale­ment à l’élimination du Corse par le complot Pichegru-Cadoudal. Les deux hommes débarquent en Normandie avec l’intention de s’emparer de la per­sonne du Premier consul sur la route de Malmaison. Moreau, alors en froid avec Bonaparte, accepte de rencontrer Piche- gru, mais refuse de travailler pour les Bourbons. La police, mise au courant du complot en février 1804, arrête les principaux participants et les interroga­toires amènent le Premier consul à soupçonner le duc d’Enghien de conni­vence avec les conspirateurs. Enlevé du pays de Bade, le prince est conduit à Vincennes et fusillé après un jugement sommaire (21 mars 1804). Peu après, on trouve Pichegru étranglé dans sa pri­son. Meurtre ou suicide? Le doute per­sistera chez les ennemis de Napoléon. Après procès, Cadoudal sera exécuté (25 juin 1804) et Moreau exilé. Entre-temps, la dernière étape vers le cé­sarisme a été franchie. Dès le 27 mars, le Sénat a «invité le Premier consul à achever son œuvre en la rendant immor­telle comme sa gloire». Un mois plus tard, le tribun Curée émet le vœu que Bonaparte soit nommé empereur hérédi­taire, puis le Sénat se joint au Tribunat et le sénatus-consulte du 18 mai 1804 (ou Constitution de l’an XII) proclame Napoléon Bonaparte empereur des Français. De nouveau, un plébiscite écrasant (3 572329 oui contre 2579 non) approuve la proposition. La Fran­ce veut un maître, elle l’aura pour dix ans!


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  • Les Trois Glorieuses

    Elles chassèrent les Bourbons du trône

    «Le Moniteur a publié enfin ces mémo­rables Ordonnances qui sont la plus éclatante violation des lois. Le régime lé­gal est donc interrompu; celui de la force est commencé. Dans la situation où nous sommes placés, l’obéissance cesse d’être un devoir.» Ainsi commen­ce la protestation rédigée par Thiers qui paraît dans les journaux d’opposition du 27 juillet 1830, au lendemain de la publication des Ordonnances préparées par Charles X et le ministère Polignac. Ce véritable appel à l’insurrection ré­pond au coup de force royal qui couron­ne des années de politique aveuglément réactionnaire. Les Ordonnances suspen­dent la liberté de la presse, dissolvent la Chambre des députés nouvellement élue, avant même qu’elle ait siégé, et modifient la composition du corps élec­toral pour assurer une majorité roya­liste.

    Immédiatement, les ouvriers impri­meurs, dont là profession est menacée, forment le premier noyau de l’insurrec­tion populaire. Ils se répandent dans la capitale, engageant le peuple à sauve­garder la Charte et les libertés bafouées par le régime. Dans la soirée du 26 juil­let, les gendarmes et la garde royale ne suffisent plus à disperser les groupes qui se forment aux cris de: «A bas Polignac! A bas les ministres! Vive la Charte!»

    Le roi et les ministres n’ont pas prévu un soulèvement. Le préfet de police Mangin a déclaré: «Quoi que vous fas­siez, Paris ne bougera pas. Marchez hardiment, je réponds de Paris sur ma tête.» Aucune précaution n’a été prise. Les meilleures troupes sont occupées par l’expédition d’Alger dont le succès, pense-t-on, fera taire l’opposition. La garnison de  Paris, qui compte 11500 hommes, est confiée à l’impopulaire maréchal Marmont dans la matinée du 27 juillet.

     

    Les premières charges sanglantes ont lieu ce jour même. Des barricades sont édifiées par le petit peuple et les étu­diants. Le lendemain, l’émeute s’amplifie aux cris de: «A bas les Bourbons! Vive la République!» Une délégation de dé­putés se rend auprès de Marmont et demande le retrait des Ordonnances. Le roi refuse. Incapables de combattre dans les rues étroites, les troupes doi­vent se replier vers les Tuileries. Le 29, les insurgés prennent l’offensive; ils enlè­vent le Louvre, tandis que certains régi­ments passent au peuple. La garde nationale, dissoute par Charles X, se regroupe. Marmont doit évacuer Paris. La formation d’un nouveau cabinet et le retrait des Ordonnances ne suffisent pas à sauver la Couronne; le peuple ne veut plus des Bourbons, il espère la Républi­que, mais les orléanistes offrent la lieute­nance générale du royaume au duc d’Orléans, le futur Louis-Philippe, qu’ils font acclamer aux côtés de La Fayette. Il est couronné le 9 août, en dépit de l’abdication de Charles X en faveur du duc de Bordeaux.


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  • Les journées d’octobre

    Les tribulations d'un roi trop bon

    Les journées d’octobre 1789 ont mar­qué un tournant décisif dans la progres­sion de la Révolution. Le roi, contraint par les émeutiers d’abandonner Versail­les pour Paris, allait se trouver désor­mais à la merci des factions. Depuis plu­sieurs semaines, les clubs réclamaient du reste le retour de la famille royale et du gouvernement dans la capitale.

    Le prétexte de la marche des Parisiens sur le château fut le banquet offert, le 1er octobre, par les gardes du corps aux officiers du régiment de Flandre, récem­ment appelé par le roi à Versailles. On affirma le lendemain que les convives avaient foulé aux pieds la cocarde trico­lore. Ce détail — il a été controversé — indigna les Parisiens, déjà exaspérés par le chômage et la disette. Les agents du duc d’Orléans attisaient du reste l’effer­vescence et les journalistes dénonçaient le danger du «complot aristocratique». La crainte de la famine excitait les fem­mes, qui criaient dans les rues: «Allons chercher le boulanger, la boulangère et le petit mitron!» Le 5 octobre, elles par­tirent au nombre d’environ 6000 menées par un huissier. Maillard. Dans la cohue s'étaient glissés de nombreux hommes armés. Loin derrière, suivait La Fayette avec un détachement de la garde natio­nale.

    Les femmes se rendirent d’abord à l'Assemblée, où elles réclamèrent du pain, puis gagnèrent le château, où le roi reçut une délégation. Pour calmer les esprits, il accepta de sanctionner les dé­crets pris par les députés le 4 août. La nuit était tombée lorsque arriva La Fayette. Tandis que les manifestants campaient sur la place d’Armes, il ins­talla ses hommes aux portes extérieures du château, puis alla se coucher. A l’aube, les émeutiers forcèrent les grilles. Hurlant des injures contre la reine, ils massacrèrent quelques gardes du corps, dont les têtes furent placées au bout de piques, et envahirent les appartements royaux. Marie-Antoinette n’eut que le temps de se réfugier chez le roi par un passage secret. La Fayette, enfin réveil­lé, accourut pour rétablir un semblant d’ordre. Les souverains durent se mon­trer au balcon devant la foule menaçan­te. Un cri s’éleva: «A Paris!»

     

    Pour éviter le pire, le roi céda. L’étrange cortège se mit en marche: femmes éche- velées, hommes arborant en guise de trophées les têtes sanglantes, soldats encadrant le carrosse royal, aux côtés duquel caracolait La Fayette. Vers 7 heures, on arriva à l’Hôtel de Ville, où Bailly prononça un pompeux discours. Enfin, à la nuit, le roi et les siens purent gagner les Tuileries démeublées: ils étaient prisonniers du peuple parisien.


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  • Les états généraux de 1614

    Les états généraux de 1614

    Les états généraux de 1614 sont les der­niers avant ceux de 1789. Ce sont les grands, menés par le prince de Condé, chef des huguenots, qui en ont demandé la convocation. Mécontents d’avoir été écartés du pouvoir à la mort d’Henri IV, ils pensent s’appuyer sur l’opinion de la nation pour condamner la politique inté­rieure et extérieure de la régente, Marie de Médicis, dominée par ses favoris ita­liens, les Concini.

    Le 27 octobre 1614, dans la grande salle de l’hôtel de Bourbon (situé en­tre le vieux Louvre et Saint-Germain- l’Auxerrois, à l’emplacement de la colonnade), les 464 députés des trois ordres commencent leurs travaux. Sont présents le jeune roi Louis XIII, qui vient d’être déclaré majeur, et sa mère, Marie de Médicis. Les 140 délégués du clergé sont venus en carrosse, les 132 nobles à cheval, les 192 membres du tiers état (en grande partie magistrats et fonctionnaires) à pied et vêtus de noir. Dès le début de la session, les inégalités de traitement, le mépris affiché par le clergé et la noblesse envers le tiers accu­sent la division des représentants du pays. La question la plus urgente à dé­battre est celle des finances: le déficit est de 3 millions de livres; la «banquière» florentine a largement puisé dans le Tré­sor amassé par Henri IV. Les pâles suc­cesseurs de Sully ont recouru à des expédients: diminution des rentes, aug­mentation des droits de sceau, vente d’offices nouveaux et superflus.

    La noblesse s’oppose à cette vénalité des charges. Elle attaque particulièrement l’impôt annuel qui permet aux titulaires de devenir possesseurs de leur charge, ce qui favorise l’ascension sociale de la bourgeoisie. De son côté, le tiers, seul à payer les impôts, en réclame une répar­tition plus juste; il veut aussi réduire les pensions et bénéfices accordés aux nobles: en quatre années de régence, le nombre des pensions a en effet quadru­plé et représente la moitié du budget.

    En outre, gallicans et ultramontains s’opposent: pour les premiers, apparte­nant en majorité au tiers, la monarchie française tient son pouvoir de Dieu seul, sans l’intermédiaire du pape; pour les autres, membres surtout du clergé, une telle rébellion contre Rome est héréti­que.

     

    Un délégué du clergé, le jeune évêque de Luçon, Armand-Jean de Richelieu, crai­gnant réchauffement des esprits, pro­nonce un discours très habile, mais la reine et son entourage préfèrent mettre un terme aux débats. Les mois de dis­cussions n’ont abouti qu’à mettre en évi­dence le gallicanisme du tiers et à ouvrir les voies du pouvoir au futur cardinal de Richelieu.


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  • Le Front populaire

    Le temps de l'espoir

    En 1932, le cartel des gauches remporte les élections législatives. Mais, bien vite, les vainqueurs connaissent des dissen­sions: les scandales politico-financiers se multiplient et les extrémistes des deux bords se regroupent. Le 6 février 1934, excitée par l’extrême droite, la foule fail­lit envahir le Palais-Bourbon et abattre le régime; le 12, la gauche réplique par la grève générale. Le radical Gaston Doumergue est alors chargé de former un gouvernement d’Union nationale; mais il échoue devant la méfiance de la gauche. Les grands problèmes sociaux persistant, les démonstrations de l’ex­trême droite amènent l’ensemble des partis ouvriers à rechercher l’union; celle-ci est réalisée le 14 juillet 1935 par la fondation d’un Front commun grou­pant notamment les socialistes, les com­munistes et les radicaux; il se nomme Front populaire, s’inspirant du Frente popular qui gouverne alors l’Espagne. Cette coalition triomphe aux élections législatives de 1936, qui ont lieu au dé­but de mai. Mais, dès le début juin, un million et demi de travailleurs, impa­tients de voir s’accomplir des réformes, se mettent en grève. Léon Blum, chef socialiste du gouvernement, et Roger Salengro, ministre de l’intérieur, organi­sent une rencontre sous l’arbitrage du gouvernement entre la C.G.T. et les re­présentants du patronat (7 juin). Celle-ci aboutit à une entente connue sous le nom d’«accords Matignon»; elle prévoit la signature de conventions collectives, l’élection de délégués ouvriers, ainsi que des augmentations de salaires. Des lois confirment les deux premiers points, ainsi que la semaine de quarante heures et les congés payés.

    Peu avant, Léon Blum a formé un gou­vernement socialo-radical (4 juin). Les communistes, tout en apportant leur soutien, préfèrent rester en dehors du cabinet. C’est le premier gouvernement de la IIIe République qui soit dirigé par un socialiste. Mais, bientôt, de nouvelles tendances centrifuges se manifestent: les socialistes insistent sur l’aspect social du program­me, tandis que les radicaux préconisent une politique économique traditionnelle. Les communistes ont les coudées fran­ches pour critiquer le gouvernement: la non-intervention dans la guerre d’Es­pagne leur en donne l’occasion.

    D’autre part, les mesures économiques comme la dévaluation du franc et les nationalisations ne parviennent ni à juguler la crise, ni à calmer les troubles sociaux: grèves, occupations d’usines, affrontements entre militants extrémis­tes se succèdent; une certaine presse se répand en calomnies; elle causera le sui­cide de Salengro. Léon Blum se voit contraint de demander les pleins pou­voirs; mais l’opposition du Sénat entraî­ne sa démission le 21 juin 1937. Après un bref intermède Chautemps, le cabinet Daladier, formé le 11 avril 1938, met définitivement fin au Front populaire

     

     


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