• Le combat des Trente

    Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera

     

    Le 30 avril 1341, le duc de Bretagne, Jean III, meurt sans enfant. Le droit successoral breton étant incertain, deux candidats se disputent l’héritage: Jeanne de Penthiévre, nièce du défunt duc, mariée à Charles de Blois, neveu de Phi­lippe VI, et Jean, comte de Montfort- l’Amaury, demi-frère de Jean III. Les deux candidats demandent à Philippe VI de recevoir leur hommage. Le roi les renvoie devant la Cour des pairs. Crai­gnant une décision défavorable, Jean de Montfort prend les devants. Il occupe Nantes, la capitale du duché, et s’empa­re des principales places fortes. Il se rend en Angleterre pour obtenir l’aide d’Edouard III, qu’il obtient à condition de le reconnaître comme suzerain. Le 7 septembre 1341, Charles de Blois est proclamé duc de Bretagne. Une armée, commandée par le dauphin Jean, s’empare de Nantes et capture Mont- fort.

    Ainsi débute la guerre de la Succession de Bretagne. L’énergique Jeanne de Flandre, femme de Jean de Montfort, continue la lutte pour son fils. De même, après l’emprisonnement de Charles de Blois par les Anglais (1347), Jeanne de Penthiévre poursuit le combat sans dé­faillir. Montfort a derrière lui la petite noblesse, la plupart des villes et les pay­sans de l’Ouest bretonnant. Blois est soutenu par le clergé, la haute noblesse et les campagnes de langue française. Cette lutte confuse met la Bretagne à feu et à sang durant vingt-trois ans. Elle est émaillée de quelques faits d’armes, tel le fameux combat des Trente.

     

    Au cœur de la Bretagne, le château de Josselin appartient à la maison de Fran­ce, laquelle soutient la cause de Blois. La garnison est commandée par le capi­taine de Beaumanoir. Non loin de là, Ploërmel est possession des Montfort. La place forte est sous les ordres de l’Anglais Bemborough. Les deux garni­sons ne cessent de s’affronter, ravageant le plat pays. Les deux chefs de guerre décident alors d’organiser un combat qui mettra aux prises 30 chevaliers de chaque camp. On se battra à pied, avec pour armes l’épée, la dague, la hache et épieu. Après avoir prié toute la nuit et communié à Notre-Dame du Roncier, Beaumanoir et ses 29 chevaliers fran­çais se rendent le 27 mars 1351 au lieu du combat, dans la lande de Mi-Voie, entre Josselin et Ploërmel. Face à eux, Richard Bemborough aligne 20 cheva­liers anglais, 6 chevaliers allemands et bretons. La journée se déroule en un corps à corps acharné, jusqu’au complet épuisement des combattants. Au cœur de la mêlée, le capitaine breton, blessé, demande à boire: «Bois ton sang, Beau­manoir, la soif te passera», lui rétorque un de ses compagnons. La garnison de Josselin vaincra, laissant quatre des siens sur la lande; mais le capitaine anglais est tué avec huit de ses hommes; les autres sont faits prisonniers.


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  • Le général Sarrail à Salonique

    Le «premier camp d'internement» allemand ? 

     

    Le 9 septembre 1915, sur le Front oriental la  grande offensive de Below et  d’Eichhorn contre la Russie vient de commencer. Mais les Occidentaux sont surtout préoccupés par la situation en Serbie, l’attitude bulgare et les hostilités turques. Le 25 août, le ministre de Serbie à Athè­nes a demandé à la Grèce d’appliquer, en cas d’attaque bulgare, le traité d’as­sistance mutuelle de 1913; la répon­se de Venizélos est dilatoire. Le 28, on signale l’arrivée à Sofia du duc Albert de Mecklembourg. Le 1er septembre, la Serbie accepte difficilement un projet allié de cessions territoriales à la Bulga­rie. Les puissances de l’Entente se concer­tent. Le 8 septembre, à la conférence de Chantilly, Joffre et French fixent les modalités de la coopération britanni­que. Le 11, la conférence interalliée de Calais réunit Kitchener, French, Wil­son, Joffre, Sarrail et Millerand. Mais Joffre est farouchement opposé à une offensive en Orient.

    Pourtant, après une dernière tentative alliée auprès de la Bulgarie, le 14 sep­tembre, le général Sarrail, ancien com­mandant de la IIe armée dans le secteur de Verdun, est chargé, le 15, d’étudier un plan pour la rive asiatique des Dar­danelles. Le 16, Mackensen prend la direction des forces austro-allemandes contre la Serbie. Le 19, la Bulgarie mobilise partiellement. Sur la demande de Venizélos, la France promet de dé­barquer des troupes à Salonique; sa décision est approuvée le 24 par le Royaume-Uni. Le 28, sir Edward Grey déllnit la politique britannique dans les Balkans.

    Enfin, le 30, les Britanniques mettent en branle un débarquement à Salonique; ils sont suivis, le 5 octobre, par les premiè­res troupes françaises. Bien vite, la Bul­garie s’engage ouvertement aux côtés des puissances centrales, tandis que la Grèce fait marche arrière et se détache de la Serbie. Du point de vue tactique, il ne reste plus qu’à se replier. Mais des raisons psychologiques vont conduire à renforcer les troupes franco-britanni­ques, auxquelles s’ajoutent des forces italiennes et russes.

    Devant le revirement de Constantin, Sarrail fait débarquer des fusiliers marins au Pirée. Mais il se heurte, en dé­cembre 1916, à l’hostilité des Athéniens et à la campagne menée contre lui par la droite française et les amis de Joffre. Les forces de l’Entente s’emparent de Monastir en novembre mais, pour le res­te, demeurent sur leurs positions.

    La démission de Joffre et le soutien de Briand laissent les mains libres à Sar­rail; Constantin Ier abdique en juin 1917 et la Grèce entre en guerre aux côtés des Alliés . Mais ceux-ci remettent en cause la personnalité de Sarrail qui est rappelé à Paris à la fin de l’année. Les Alle­mands, ironiques, surnomment Salo­nique leur «premier camp d’interne­ment».

     

     

     


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  • La bataille de Rossbach

    Une défaite chansonnée 

    Le 18 mai 1756, l’Angleterre déclare la guerre à la France. Ln été, la Prusse intervient à son tour en occupant sans avertissement la Saxe: la guerre de Sept Ans est commencée. L’Europe en armes se divise en deux camps: d’un côté, les Britanniques de George II et les Prus­siens de Frédéric II; de l’autre, la Fran­ce de Louis XV et l’Autriche de Marie- Thérèse, alliées à la Russie et aux prin­ces d’Empire.

    En 1757, la France dispose d’une armée de 100000 hommes, chiffre élevé pour l’époque. La campagne commence bien. Frédéric II échoue devant Prague; le maréchal d’Estrées chasse de Westphalie l’armée anglo-prussienne commandée par le duc de Cumberland; le maréchal de Richelieu est vainqueur à Kloster Zeven et envahit le Hanovre. En autom­ne, le prince de Saxe-Hildburghausen et Charles de Rohan, prince de Soubise, font leur jonction en Allemagne orienta­le, à l’ouest de la Saale; leur intention est de marcher sur Leipzig. Les 31000 hommes de Hildburghausen forment une troupe disparate de contingents fournis par une trentaine de petits prin­ces allemands. Les 24000 Français de Soubise sont de bons soldats, mais plus enclins à la maraude qu’à la discipline. Parvenus entre Merseburg et Weissenfels, dans le district de Halle, les 55 000 hommes de l’armée austro-française se retranchent sur une colline, en face du village de Rossbach. Les Prussiens, deux fois moins nombreux, ne peuvent songer à les attaquer sur cette forte position, mais ils ont à leur tête un remarquable stratège, leur souverain Frédéric II. Ce dernier laisse croire à l’ennemi qu’il quitte le terrain; sans méfiance, Hildburghausen et Soubise comptent lui couper la retraite en l’enve­loppant sur sa gauche. Frédéric II laisse les Franco-Impériaux dessiner leur mouvement; puis, ayant fait volte-face, il attaque de front et de flanc. Surpris et mitraillés à bout portant, les Alliés fuient en débandade. Quelques Français se reprennent et résistent jusqu’à ce que la perte de leurs officiers et l’assaut écrasant des cavaliers de Seydlitz les obligent à céder: la victoire du roi de Prusse est complète.

    Soubise fera injustement les frais de cette défaite, il ne commandait pas en chef à Rossbach; l’année suivante, à Sondershausen, il vaincra les Hessois et les Hanovriens. Mais, bien que favori de Mme de Pompadour, il devra attendre longtemps son bâton de maréchal. La postérité le tiendra pour un piètre guer­rier; il restera le vaincu naïf et maladroit de Rossbach, celui que les Parisiens chansonnaient:

    «Soubise dit, la lanterne à la main:

    «J’ai beau chercher, où diable est mon [armée?

    Elle était là pourtant hier matin.

    Me l’a-t-on prise ou l’aurais-je égarée?»


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  • La bataille de Wissembourg

    Prélude au désastre

     

    La France déclare la guerre à la Prusse le 19 juillet 1870. Seules quelques escarmouches opposent les adversaires dans les derniers jours de juillet. Mais, tandis que les armées allemandes profitent de ce répit pour se concentrer en grandes masses, l’état-major français tergiverse.

    II   n’y a pas de plan de campagne bien arrêté et les troupes demeurent éparpil­lées du Luxembourg à la Suisse. Le 2 août, le général Douay reçoit l’ordre d’occuper Wissembourg, en basse Alsa­ce, menacé, semble-t-il, par les Bavarois. Douay prend position à Wissembourg le

    3    août. La ville est située sur la Lauter, tout près de la frontière. Elle est domi­née sur la rive allemande par des hau­teurs boisées et, en France, par le Geisberg et le Vogelsberg sur lesquels s’ins­tallent les troupes françaises fortes d’environ 5000 hommes. La menace bavaroise n’est guère prise au sérieux. Douay demeure incrédule lorsque le sous-préfet de Wissembourg l’informe que 80000 Allemands se concentrent au-delà de la frontière.

    A l’aube du 4 août, le général envoie un détachement en reconnaissance sur la rive allemande. Ne disposant pas de car­tes pour se guider, cette mission d’explo­ration ne pousse pas assez loin et ne dé­couvre pas l’ennemi qui, dissimulé par les bois, s’avance cependant vers la frontière. La surprise est grande lorsque, vers 8 heures les obus commencent à pleuvoir sur Wissembourg. Les tirail­leurs algériens contiennent toutefois l’attaque en se portant en avant et en se déployant le long de la Lauter. Douay découvre enfin l’ampleur de l'offensive. La rive gauche de la Lauter grouille maintenant de Bavarois derrière lesquels se pressent les corps prussiens du prince royal. Les tirailleurs sont dé­bordés et les Allemands menacent de tourner les positions françaises. Douay ordonne le repli puis tombe, mortelle­ment blessé.

    Faute de liaisons efficaces, la retraite se fait dans le désordre. Certaines compa­gnies, encerclées dans Wissembourg, doivent se rendre. La résistance se pour­suit sur les hauteurs en s’appuyant sur le château du Geisberg où une partie des Français se sont retranchés. Ces lignes cèdent vite sous les vagues allemandes et le château est bientôt isolé. Soumis au feu nourri de l’artillerie prussienne, ses défenseurs n’ont plus qu’à capituler. Le reste des troupes fuit sans même pou­voir relever ses blessés, faute d’ambulan­ce. La défaite est consommée; elle révèle cruellement les carences de l’armée fran­çaise et préfigure le cours futur de la guerre.

    La bataille de Wissembourg n’a pour­tant été qu’un simple combat d’avant- garde; deux jours plus tard, ce sera la défaite beaucoup plus grave, de Frœschwiller qui entraînera la perte de l’Alsace. Strasbourg capitulera après trente-neuf jours de bombardements

     


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  • Le combat des géants 

    La bataille de Marignan

     

    Depuis Charles VIII, les rois de France tentent île pénétrer en Italie. Mais l’Europe s’oppose à leurs ambitions; en Italie même, ils rencontrent tantôt l'appui, tantôt l’hostilité des puissances locales. En 1495, Charles VIII doit abandonner complètement la péninsule; son successeur, Louis XII, après une nouvelle tentative, ne conserve que le Milanais; mais une puissante coalition, la Sainte Ligue, se forme contre lui; vaincu, il quitte à son tour le pays.

    A peine couronné, son cousin, le jeune et brillant François Ier, veut regagner le terrain perdu; il s’assure l’alliance de Venise et la neutralité de l’Angleterre. Mais le duc de Milan, Maximilien Sfor­za, est protégé par une puissante armée suisse, ' intervenue en Italie sous l’im­pulsion du cardinal de Sion, Matthäus Schiner, adversaire acharné des Fran­çais.

    En août 1515, ayant tourné les Suisses, François Ier débouche en Italie et avan­ce rapidement. Les Confédérés, pris de court, veulent lui vendre leur départ contre une somme de 700000 écus, abandonnant Sforza à son sort. Mais le fougueux Schiner, arrivant avec un ren­fort de 20000 hommes, les en dissuade; ils attaquent alors furieusement les Français.

    L’engagement a lieu à Marignano, au sud-est de Milan, le 13 septembre 1515; le terrain, difficile, resserré entre deux marais, empêche le déploiement de la cavalerie française. Les piquiers suisses enfoncent tout; ni le corps des gendarmes royaux ni la puissante artillerie adverse ne peuvent les arrêter; interrompu par la nuit, le combat reprend dès l’aube du lendemain. François Ier, très courageux, risque plusieurs fois sa vie et son armée est gravement entamée.

    Mais, vers midi, surviennent ses alliés vénitiens qui ont marché toute une nuit; ils prennent les Suisses à revers. Ceux- ci, épuisés, amorcent une retraite en bon ordre; même vaincus, ils gardent une allure redoutable, qu’illustre bien le tableau du peintre Hodler, conservé au musée d’Art et d’Histoire de Genève. Leurs ennemis, à bout de forces, ne peu­vent les poursuivre.

    Cette bataille marque un tournant dans l’histoire européenne; François Ier an­nexe le Milanais, puis amène tous ses adversaires à composition; les Suisses, affaiblis par leurs luttes intestines, renoncent définitivement à la grande politique et signent avec la France une paix perpétuelle.

     

    Faisant allusion à la rançon qu’ils ont failli accepter, un historien du temps note sévèrement: «C’est l’amour de l’argent qui a fait perdre au peuple suis­se l’occasion de devenir le bienfaiteur de toute l’Italie.»


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