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Par nomeren le 5 Octobre 2013 à 10:30
Le 13 octobre 1761, Jean Calas, calviniste, marchand d’indienne, établi à Toulouse depuis quarante ans, trouve son fils aîné Marc-Antoine, pendu dans le magasin. Pour que le corps du jeune homme ne soit pas soumis au traitement déshonorant réservé à ceux qui ont mis fin à leurs jours, Jean Calas maquille le suicide en crime. Mais la rumeur populaire ne tarde pas à accuser le père d’avoir étranglé son fils pour l’empêcher de se convertir au catholicisme. L’affaire survient à un moment où Toulouse s’apprête à célébrer l’anniversaire du massacre des protestants en 1562. L’enquête est menée avec malveillance par le capitoul de Toulouse. Quatre- vingt-sept témoins, dont la vieille servante Jeannette, prétendent que Marc- Antoine avait l’intention de se convertir. Le corps de Marc-Antoine est enterré suivant le rite catholique et une procession réunit plus de 20000 fidèles. L’affaire Sirven contribue à attiser les passions. Une jeune fille élevée chez les Dames noires de Castres ne s’est-elle pas jetée dans un puits pour ne pas entrer au couvent? Dans ce contexte émotionnel s’ouvre le procès en appel devant le parlement de Toulouse. Le conseiller rapporteur, de Cassan- Clairac, s’est retiré pendant plusieurs jours dans un couvent pour mieux étudier l’affaire. La thèse du suicide semble insoutenable et le premier mensonge de Jean Calas lui nuit. Le 9 mars 1762, les magistrats déclarent l’accusé coupable. Jean Calas est condamné à mort et subit le supplice de la roue en clamant son innocence. Devant les protestations de sa veuve et de son jeune fils, un revirement d’opinion se manifeste. Marc- Antoine avait bien mis fin à ses jours, à la suite d’une crise de désespoir provoquée par l’impossibilité de terminer une licence en droit, réservée aux catholiques. Le comte de Maurepas, le fils du maréchal de Villars, Vallemongue, avec son pamphlet, L’Asiatique toléré, réclament la réhabilitation de Jean Calas. Mais c’est l’intervention de Voltaire qui est déterminante. Il en appelle au roi, porte le débat devant la cour et l’opinion dans son Traité sur la tolérance (1763). Il ne cache d’ailleurs pas à d’Alembert qu’il bataille pour le plaisir de saper le parlement et par haine pour «l’infâme», c’est- à-dire la religion. Un an plus tard, un tribunal composé du chancelier d’Agues- seau, du cardinal de Bernis et de l’intendant de La Michodière révise le procès. Le Conseil du roi casse le jugement et réhabilite, en 1765, Jean Calas, dont la famille reçoit une indemnité de 30000 livres. Par son retentissement, l’affaire Calas pose le problème de la situation ambiguë des protestants et jette le discrédit sur la justice des parlements.
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Par nomeren le 5 Octobre 2013 à 10:27
Les premiers à quitter la France, en juillet 1789, sont le comte d’Artois et les trois Condé, dont les têtes ont été menacées au soir de la prise de la Bastille. D’autres hauts personnages suivent cet exemple lorsqu’ils apprennent les premiers massacres survenus à Paris ou en province. Tous sont convaincus que leur séjour à l’étranger sera de courte durée. Après être passés par Turin, les princes vont retrouver les autres groupes sur les bords du Rhin où, très vite, ils commencent à s’agiter dangereusement. Ils croient sans doute travailler pour la monarchie, mais leurs rodomontades et leur diplomatie brouillonne ne font que nuire à la cause royale. En juin 1791, le comte de Provence arrive à son tour à Coblence. Les émigrés constituent alors des régiments qui suivent, après la déclaration de guerre, les envahisseurs austro-prussiens, mais ils doivent rebrousser chemin après Valmy.
Les émigrés, pour qui la patrie est incarnée par le roi qu’ils doivent donc délivrer, sont devenus, aux yeux des révolutionnaires, des traîtres. Ils sont désormais considérés en France comme des ennemis publics. Diverses lois sont promulguées, celle du 28 mars 1793 codifiant l’ensemble: les émigrés pris sur le territoire seront jugés sans appel par un tribunal et risquent la mort, leurs biens seront confisqués et vendus comme biens nationaux, leurs parents demeurés en France seront traités en suspects. Ainsi pourchassés et proscrits, les malheureux ne songent évidemment pas à rentrer. Outre les aristocrates, particulièrement visés, de nombreux bourgeois et des prêtres réfractaires ont passé la frontière, s’éparpillant dans tous les pays voisins, jusqu’en Russie et aux Etats-Unis.
Parfois très mal accueillis par les populations (eux-mêmes montrent souvent de la morgue), ils mènent une vie rude: hommes et femmes s’ingénient à trouver divers métiers pour gagner leur pain, le pain amer de l’exil. Une seule extraordinaire réussite au milieu de beaucoup de misère, celle du duc de Richelieu, devenu gouverneur d’Odessa. Quant aux militaires enrôlés sous la bannière des princes, ils se battent avec courage, mais sont souvent traités avec méfiance par les chefs étrangers.
Dès le Directoire, les émigrés cherchent à regagner la France. Ils rentrent en plus grand nombre sous le Consulat, après la loi d’amnistie accordée par Bonaparte, et se rallient loyalement. D’autres demeurent irréductibles et participent même aux divers complots montés contre le régime consulaire ou impérial. Revenus en 1814 avec Louis XVIII, les émigrés montreront trop souvent qu’«ils n’ont rien appris ni rien oublié».
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Par nomeren le 5 Octobre 2013 à 10:25
Resserrer les rangs
Le 30 janvier 1944, le général de Gaulle ouvre la conférence de Brazzaville, organisée et présidée par René Pleven qui a contribué, en 1940, au ralliement de l’A.-É.F. à la France libre. Les débats durent jusqu’au 8 février.
Quelle a été l’évolution de l’empire français d’outre-mer? En 1930, pour J. Tra- mond, «le problème colonial semble se conclure en apothéose». L’année suivante, lorsque s’ouvre l’Exposition coloniale, la guerre du Rif et la révolte des Druzes sont oubliées. Pourtant, une dizaine d’années plus tard, s’amorce la désintégration de l’empire: en 1941- 1943, la France reconnaît l’indépendance du Liban. Malgré les bonnes résolutions de Brazzaville, le mouvement émancipateur se poursuit. Malgré la défaite du Japon, la France ne pourra reprendre en main l’Indochine. De 1956 à 1962, elle perdra presque toute l’Afrique. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l’ensemble colonial français représentait près de vingt-trois fois la superficie de la métropole et plus d’une fois et demie sa population. L’A.-O.F. et l’A.-É.F. regroupaient à elles seules douze colonies, auxquelles s’ajoutaient Madagascar et cinq autres territoires.
Ce n’est pas par hasard que de Gaulle a choisi Brazzaville pour y tenir sa conférence: à la suite de la défaite de 1940, le Tchad, l’A.-É.F. et l’Océanie se sont rangés aux côtés de la France libre. Le
28 août 1940, Sicé a soulevé le Moyen- Congo et remis les pouvoirs au colonel de Larminat. De Gaulle a débarqué à Douala en octobre, avant de confier le gouvernement de l’A.-É.F. à Félix
Eboué. Dès décembre 1940, Radio- Brazzaville est devenue une des principales antennes gaullistes. En 1943, à la suite de l’occupation totale de la métropole par les Allemands, la dissidence de l’empire tout entier est consommée. La mentalité de ses populations avait d’ailleurs évolué sous l’influence de la pression démographique et de divers autres facteurs, comme l’abandon des cultures vivrières et l’urbanisation relative, favorisant la formation d’élites indigènes. En recourant au travail forcé, Paris avait en outre excédé ses administrés d’outremer. Enfin, comme l’a dit Lyautey, ce «n’est pas impunément» qu’on a répandu «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes». La conférence de Brazzaville, dans l’esprit de ses promoteurs, ne vise pas à liquider la notion de colonialisme; il s’agit avant tout de resserrer les rangs, puis de proposer l’assimilation comme alternative à l’indépendance.
La Conférence, qui réunit des gouverneurs et des représentants de l’Assem- blée consultative, recommande des réformes administratives, mais aussi économiques et sociales (suppression du travail forcé, développement de l’enseignement et de l’hygiène). Elle prône la création d’assemblées locales, tablant sur les colons et les «évolués», et demande que tous les peuples soient représentés au Parlement. Elle annonce, en somme, l’Union française fondée en 1946.
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Par nomeren le 5 Octobre 2013 à 10:22
«Où je meurs renaît la patrie» (Aragon)
Le 14 juillet 1940 — jour symbolique —, le général de Gaulle passe en revue, pour la première fois, les «Français libres» rassemblés sur le sol britannique. Ils ne sont guère plus de 300, y compris les pêcheurs de Hle de Sein, mais ils forment la pierre angulaire de la «Résistance extérieure».
En fait, «Résistance intérieure» et «Résistance extérieure» sont complémentaires. Mais toutes deux seront longues à se développer. Lorsque, le 14 juin, les troupes allemandes pénètrent dans la capitale, les Parisiens sont atterrés: ils ne peuvent croire à une défaite aussi soudaine. Mais la propagande, pétainis- te et allemande, achèvera de dérouter un peuple démoralisé; la France est la victime de mauvais dirigeants et de généraux incapables. Le mieux est donc de coexister avec l’ancien ennemi et même de collaborer avec lui. A cette époque, même L’Humanité invite les ouvriers français à fraterniser avec les occupants. 11 faut dire que l’URSS et l’Allemagne ne sont pas encore en guerre.
Pourtant, au moment où Paul Reynaud le nomme sous-secrétaire d’Etat à la Défense, le général de Gaulle affirme: «Si la guerre de 1940 est perdue, nous pouvons en gagner une autre.» Son départ pour l’Angleterre, le 17 juin, au lendemain du changement de régime, et l’appel du 18 juin restent dans le droit fil de cette déclaration.
Au début, sur le sol français, la Résistance est le fait d’individus isolés: ainsi, une veuve, Mme Blain, fabrique de faux papiers d’identité. Il existe en outre des groupuscules encore mal organisés et sans ressources. Dès la fin juin, ces patriotes étudient le moyen de faire passer des informations militaires aux Britanniques, par l’Espagne ou la Suisse. Un des premiers réseaux est celui du «Musée de l’Homme», qui réunit des personnalités aussi diverses que Boris Vildé, Anatole Lewitsky, Claude Aveline, Jean Cassou, Paul Rivet ou Germaine Tillon.
Puis, peu à peu, surgissent les grands mouvements, comme «Libération-Sud», «Combat», «Franc-Tireur», au sud; «Libération-Nord», «Front national», O.C.M. («Organisation civile et militaire»), C.D.L.L. et C.D.L.R. au nord. Mais ils ne se développeront guère avant la fin de l’année, voire 1941. On colle des papillons sur les murs, on publie des feuilles clandestines. Parfois même, on entre dans la Résistance par hasard: pour avoir hébergé un évadé ou un parachuté, pour avoir caché des armes ou distribué des tracts.
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Par nomeren le 5 Octobre 2013 à 10:17
Les 16 et 17 juillet 1942, 12884 Juifs étrangers sont arrêtés et regroupés au Vélodrome d’Hiver, à Paris. Que restera-t-il de ces gens des deux sexes, de tout âge, parfois infirmes, à la libération du camp d’Auschwitz, en 1945? Un peu de cendres. Seules quelques dizaines de personnes, une centaine peut-être, auront survécu.
Le nazisme officialise l’antisémitisme: ainsi se succèdent les premières persécutions et le premier exode (1933), les lois racistes de Nuremberg-(1935), la «nuit de cristal» (9 novembre 1938), enfin la «solution finale du problème juif», c’est- à-dire le génocide de 6 millions d’hommes (dès 1942).
A partir de juillet 1940, un mois après le début de l’occupation, la Gestapo et les autorités militaires allemandes multiplient les mesures contre les Juifs: pillage de leurs biens, encouragement aux commandos du Parti populaire français, etc. Certains organismes sont fondés par le gouvernement de Vichy lui-même: le commissariat général aux questions juives, la police aux questions juives (PQJ). Théo Dannecker, chef de la section juive de la Gestapo, prend encore deux autres mesures importantes: le regroupement des organisations juives (afin de faciliter la déportation future) et le recensement des Juifs, organisé par la police française. Le fichier du Gross- Paris rassemblera 27 388 noms. Le gouvernement Pétain élargit la définition allemande du «juif» et Pierre Laval décide d’inclure les enfants parmi les déportés. Les autorités d’occupation créent des camps d’internement (Drancy,Beaune-la-Rolande, Pithiviers), gérés par la gendarmerie française. Peu à peu, les persécutions prennent de l’ampleur: rafles diverses à partir de mai 1941, restrictions de la liberté de déplacement, couvre-feu spécial, port obligatoire de l’étoile jaune, interdiction d’entrer dans les lieux publics...
Au début de juillet 1942, les SS Dannecker et Rôthke rassemblent plusieurs hauts fonctionnaires parisiens pour discuter des détails de l’opération «Vent printanier». Le 15, certains Français au courant des préparatifs (militants communistes et inspecteurs) avisent les futures victimes, ce qui explique en partie le nombre de personnes épargnées.
Le 16, le «jeudi noir», à 3 heures du matin, commence l’opération. Des autobus transportent gendarmes, gardes mobiles, agents, inspecteurs et membres du PPF. Ils vont arrêter les Juifs à leur domicile, les conduisent au Vél d’Hiv où, dans des conditions sanitaires atroces, ils attendent, entassés, misérables et hagards, sous un soleil torride, la déportation vers Drancy ou Beaune-la- Rolande, puis vers Auschwitz. D’autres convois suivent. Le dernier part huit jours avant la libération de Paris, le 17 août 1944.
«Auschwitz, c’était l’enfer! Mais peut- on se représenter l’enfer lorsqu’on n’y a pas été?» (André Montague).
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