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Le dernier souverain du Moyen Age
Louis XI est sans doute le roi le plus discuté de l’histoire de France, mais on s’accorde à louer son œuvre. Constamment en révolte contre son père Charles VII, il inaugure son règne en s’appuyant sur les ennemis de son prédécesseur; contrairement à ce dernier, il s’efforce immédiatement de ruiner la féodalité. Au premier rang des grands feudataires figurent les ducs de Bourgogne, Philippe le Bon puis Charles le Téméraire, le frère cadet du roi, Charles de Berry, le duc de Bretagne et le comte d’Alençon. Pour les soumettre, le roi cherche le soutien des états généraux, qu’il convoque en 1468 et 1470, et s’appuie sur l’opinion publique qu’il sent favorable. Louis XI ne paie pas de mine. Son visage blafard a une expression sournoise. Il est sobrement et même pauvrement vêtu. Son avarice étonne ses contemporains habitués au faste de Charles VII, puis à celui, plus éclatant encore, de Charles le Téméraire. Louis XI passe près de la moitié de son règne en déplacements, tandis que sa femme, Charlotte de Savoie, reste confinée au château d’Amboise ou à Tours. Ces voyages perpétuels ne favorisent guère la vie de cour. Le roi se plaît en compagnie d’humbles personnages. Pieux par nature, bien que respectant peu les principes évangéliques, le roi multiplie les pèlerinages. En vieillissant, il devient de plus en plus dévot et superstitieux. On a sans doute exagéré sa cruauté; les cages, si tristement célèbres, de Plessis-lez-Tours ne sont destinées qu’à des prisonniers politiques qui ont tenté de s’enfuir; leurs dimensions sont celles d’une cellule normale. L’œuvre de Louis XI est appréciable, même si elle a bénéficié de circonstances heureuses. Le traité de Picquigny, du 29 août 1475, met fin à la guerre de Cent Ans. La paix retrouvée favorise les progrès de l’agriculture et le développement du commerce. Louis XI est un grand rassembleur de terres. Il annexe au royaume de France quatre provinces «terres d’Empire»: la Franche-Comté, le Roussillon, la Cerdagne et la Provence. Il fait rentrer dans le domaine royal cinq apanages qui s’en étaient détachés: la Picardie, l’Artois, la Bourgogne, l’Anjou et la Guyenne. Il crée les parlements de Bordeaux et de Dijon. Le règne de Louis XI voit également la fondation des premières imprimeries et des premières manufactures de soie. Le rendement de l’impôt quadruple; les routes sont améliorées et la poste royale est créée. Une armée permanente est levée, tandis que l’artillerie du roi de France devient la première d’Europe. Caricaturé par le romancier anglais Walter Scott dans Quentin Durward, par les historiens antimonarchistes du XIXe siècle et, dans une certaine mesure, par les manuels scolaires, Louis XI connaît aujourd’hui une réhabilitation.
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En juillet 1137, Aliénor d’Aquitaine épouse à Bordeaux le jeune Louis, fils du roi de France Louis VI. Née vers 1120, elle est la fille et l’unique héritière de Guillaume X, duc d’Aquitaine, comte de Poitiers et duc de Gascogne, qui vient de mourir. Ce mariage apporte un accroissement exceptionnel à la puissance encore bien modeste des Capétiens dont l’influence ne dépasse guère l’Ile-de-France; même si l’aristocratie méridionale est bien remuante, l’Aquitaine va apporter à la monarchie des ressources nouvelles considérables. Quelques jours plus tard, Louis VI meurt et son fils, qui n’a encore que 16 ans, lui succède. L’union ne sera pas heureuse. Aliénor a grandi dans les cours du Midi, élégantes ,et raffinées, où les troubadours tiennent une place importante; la cour capétienne, au contraire, est rude et austère; quant au roi, il est dominé par son conseiller, l’abbé de Saint-Denis, Suger. En outre, le roi reproche à son épouse de ne lui avoir donné qu’une fille: l’avenir de la dynastie capétienne est menacé. En 1147, Louis VII part pour la seconde croisade, accompagné de la reine. En Orient, celle-ci retrouve l’atmosphère de sa jeunesse; elle retrouve aussi son oncle Raymond de Poitiers, devenu prince d’Antioche, et, dit-on, succombe à son charme. Réconciliée par Suger avec le roi, Aliénor a un second enfant: c’est encore une fille. Deux ans plus tard, Suger mort, Louis VII obtient d’un concile l’annulation de son mariage. Mais à peine Aliénor a-t-elle regagné l’Aquitaine qu’elle épouse Henri Plantagenêt, comte d’Anjou, duc de Normandie, puis roi d’Angleterre, âgé d’à peine 20 ans. Elle met au monde un fils, puis six autres enfants. Elle prend part au gouvernement de son mari qu’elle accompagne notamment lors des guerres qu’il mène victorieusement contre le roi de France. Mais elle s’en éloigne en 1166 quand il séduit la célèbre Rosemonde. Elle soutient alors ses fils Henri, Richard et Jean, lorsque ceux-ci se révoltent contre leur père. Henri II parvient à la capturer près de Poitiers et à la tenir prisonnière en Angleterre de 1174 à 1184, avant de se réconcilier avec elle. Après la mort du roi en 1189, Aliénor aide ses fils qui se succèdent sur le trône. Elle parvient à obtenir la libération de Richard Cœur de Lion capturé par le duc d’Autriche au retour de la I troisième croisade, mais le jeune roi meurt misérablement en 1199, lors du siège d’un château limousin. Elle a ensuite bien des déboires avec Jean sans Terre, cruel et versatile, qui, vaincu par Philippe Auguste, doit céder ses possessions continentales au début de 1204. Au printemps de la même année, Aliénor meurt à l’abbaye de Fontevrault où reposaient déjà Henri II et Richard Cœur de Lion.
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Le roi Charles V ne ressemble ni à son père ni à son grand père. Les désastres militaires et les troubles intérieurs ont mûri son caractère. Il a pris pour modèle Saint Louis et réformé les mœurs comme la politique. Il mérite bien le surnom de «Sage» que sa biographe. Christine de Pisan, lui a donné. Christine a vécu à la cour dans la familiarité du roi et des siens. Elle juge cette cour avec lucidité. Charles V ne cherche pas à éblouir. Il veut un entourage simple et discret dans l’existence quotidienne. Le nombre des offices a été considérablement réduit, les gages aussi. Quand il faut relever le royaume, l'austérité est de règle. Mais cette simplicité sait faire place à la magnificence s’il s’agit d'honorer la France. Charles doit-il recevoir un prince étranger? Quand Charles IV, l’empereur du Saint Empire, vient rendre visite au roi en janvier 1378, celui-ci exige que les seigneurs de la cour soient parés de vêtements somptueux. Il convoque une troupe de bateleurs qui, pendant les repas, représen tent des tableaux vivants. En temps habituel, le roi aime à s'entourer d'hommes aptes à satisfaire sa curiosité intellectuelle: Gervais Chrétien, son valet de chambre, Gilles Malet, à qui il confie la garde de sa «librairie», cette bibliothèque qui reste le noyau de notre Bibliothèque nationale. Voici encore Raoul de Presles, son traducteur, et aussi cette Christine de Pisan, la première femme de lettres qui ait vécu de sa plume. A la lire, on observe qu’en cette cour savante on invoque volontiers Aristote ou Sénèque, tout en conservant les traditions de la chevalerie. Le roi préfère le travail réfléchi à l'action sur le champ de bataille et laisse à son connétable Bertrand du Guesclin le soin de vaincre l'Anglais et de terminer les guerres féodales. Il s’entoure d’excellents conseillers, comme Hugues Aubriot, Pierre d'Orgemont et, surtout. Bureau de La Rivière. Avec eux, il relève la France meurtrie. Charles V prend aussi d'heureuses initiatives. Il n’ignore pas que l’indépendance de la féodalité nuit à l’unité du royaume. Certes, il a confié de grands fiefs à ses frères et les cours des ducs de Berry ou de Bourgogne sont aussi importantes que la sienne. Mais le roi cherche à regrouper autour de lui tous les petits seigneurs dont il n’aime pas la turbulence. C’est ainsi que va naître son grand projet: faire de ce château de Vincennes, qu’il a terminé, une véritable cité où sa noblesse viendra résider. «Le roi, écrit Christine de Pisan, voulut faire de son chastel du bois de Vincennes une ville fermée où seigneurs, chevaliers et autres seraient venus résider en de beaux manoirs.» Le temps lui manqua pour réaliser ce dessein que son successeur devait abandonner, mais qui sera repris trois siècles plus tard par Louis à Versailles.
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1 h 30 au château de Versailles. Le premier valet de chambre, qui couche dans la chambre du roi, s’approche du lit de celui-ci et, sans écarter les rideaux, prononce les paroles rituelles: «Sire, voilà l’heure.» Aussitôt, les «entrées» vont se succéder. Tout d’abord, le premier médecin et le premier chirurgien examinent leur royal patient et lui donnent des soins intimes. Puis voici le premier gentilhomme de la Chambre. Il entretient le roi des événements qui ont pu se produire pendant la nuit. Les prières dites en compagnie de l’aumônier de service, entrent successivement dans la chambre les membres de la famille royale, les princes du sang, les grands officiers de la Couronne. Ceux- là, seuls, assistent au lever du roi. Les secondes entrées comprennent les courtisans que le roi a désignés. Enfin, les «gens de qualité» qui s’entassent dans le Salon de l’Œil-de-Boeuf, dans l’espoir d’apercevoir Louis XIV choisissant sa perruque et sa cravate. En cortège, le roi se dirige vers la chapelle où il entend la messe. Au retour, les courtisans, en deux haies, se pressent silencieusement sur le passage du roi. Obtenir de lui un regard, un bref salut, quel honneur! Dans son cabinet, le roi travaille jusqu’à heure (sauf quand il y a réception d’ambassadeur ou cérémonie protocolaire). Il préside les conseils, délibère avec ses ministres. Vers 1 heure, parfois un peu avant, il retourne en sa chambre où il prend son dîner (notre déjeuner). Tout un personnel de gentilshommes est affecté au service de la table. On annonce: «La viande du roi!» Six personnes l’apportent. On annonce: «A boire pour le roi!» Et c’est tout un petit cérémonial qui demande une dizaine de minutes. Après le dîner, le roi s’habille pour la chasse. Il chasse presque tous les jours pendant deux ou trois heures. A son retour, voici le moment le plus attendu des courtisans, 1’«appartement». Devant un immense buffet couvert de friandises, de fruits, de boissons, il y a bal, concert ou jeux. On sait que Louis XIV excelle au billard. C’est une heure de détente. Le roi repasse dans son cabinet de travail, signe les papiers qu’on lui présente, reçoit parfois un ministre. Puis il s’habille à nouveau pour le souper «en grand couvert». En effet, si le roi dîne toujours seul, il soupe entouré de toute la famille royale: la reine, le dauphin, les princes du sang. Louis XIV tient le haut bout de la table, dans un fauteuil légèrement surélevé. Autour, debout, se tiennent les grands dignitaires. Après le souper, il y a jeux ou conversations jusqu’à 11 heures. Après quoi, d’un signe de tête, le roi congédie les courtisans et, dans l’ordre inverse de celui du matin, se déroulent les cérémonies du coucher.
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Il est significatif qu’une affaire d’impôt ait été à l’origine du conflit entre le roi et la papauté. Constamment pressé par le besoin d’argent, Philippe IV dut en effet multiplier les ressources extraordinaires. L’agrandissement du royaume et l’extension de la notion de souveraineté royale accroissaient les charges du gouvernement. L’administration se perfectionnait en s’élargissant et en se spécialisant (Grand Conseil, Chambre des comptes, Cour du parlement — devenue autonome et permanente —, Chancellerie, Monnaie, Forêts). Les fonctionnaires royaux — baillis, sénéchaux, prévôts, etc. — se multipliaient. Il fallait les payer. Les nécessités d’une diplomatie d’Etat, la coûteuse guerre de Flandre, le recrutement de soldats salariés pendant les campagnes de longue durée (l’ost des vassaux ne suffisait pas; en outre, passé les quarante jours de service qu’ils devaient, les hommes étaient pris en solde) créaient des charges supplémentaires. Les seuls revenus du domaine royal étaient loin de pouvoir y faire face. Les emprunts forcés, les «dons» demandés aux vassaux, aux villes, aux prélats, les ventes de privilèges et d’affranchissement, l’expulsion des juifs (1306) et la confiscation de leurs biens, le rançonne- ment des Lombards, l’altération de la monnaie — ancêtre de la dévaluation moderne —, qui valut au roi une réputation injustifiée de faux-monnayeur, furent des expédients qui permirent de pallier passagèrement la misère financière de la monarchie en pleine mutation. La permanence des besoins conduisit donc Philippe le Bel à tenter des expériences fiscales: taxe sur les marchandises (maltôte), impôt de 1 à 2% sur le revenu que les Français jugèrent au- dessus de leurs possibilités, impôt sur les communautés (le «fouage», plus tard appelé «taille»), décimes sur le clergé, etc. Dans un pays où l’idée d’impôt n’était pas encore acclimatée et où le développement agricole s’était arrêté, prenant du retard sur l’accroissement de la population, elles se soldèrent par beaucoup de mécomptes. Le besoin d’argent ne fut pas non plus étranger à l’arrestation des Templiers (1307), s’il n’en fut qu’une des causes. Leur procès et leur supplice, les émeutes suscitées par la «maltôte» d’Enguer- rand de Marigny, les ligues des nobles contre les empiétements et les exigences monarchiques, enfin les amours adultères des brus du roi (scandale dit faussement de «la tour de Nesle») assombrirent les dernières années d’un des règnes les plus importants de l’histoire de France. Philippe le Bel mourut le 29 novembre 1314 après avoir murmuré à l’aîné de ses trois fils les mots fameux: «Pesez, Louis, pesez ce que c’est que d’être roi de France.»
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