• Robert le Pieux - 996-1031

    La querelle de la tiare et de la couronne

     

    Robert le Pieux est le premier Capétien à accéder au trône par hérédité. Son pè­re, Hugues Capet, l’a très vite associé à la royauté et l’a fait sacrer à Orléans. Le pouvoir, exercé ainsi en commun, devient à la fois indivisible et héréditai­re: la mort d’Hugues ne peut donner lieu ni à une élection ni à un partage du royaume. Cette précaution, répétée pen­dant un siècle, permet aux Capétiens — qui, en outre, ont toujours la chance d’avoir des fils — d’asseoir solidement leur dynastie. Grâce à la biographie que nous a laissée Helgaud, Robert le Pieux est assez bien connu. C’est un prince actif et coura­geux, participant à toutes les expéditions militaires de son règne. Sa soumission à l’Eglise, dont l’appui lui est d’ailleurs né­cessaire, lui vaut son surnom. Elle ne l’empêche pas de braver, puis de subir pendant cinq ans, l’excommunication à la suite de sa passion pour sa cousine Berthe, veuve du comte de Blois; il l’épouse, bien que ce soit illicite en rai­son de leur degré de parenté. Il ne con­sent à s’en séparer que parce que, faute d’héritier, la dynastie est menacée. Il épouse alors Constance d’Arles, qui lui donne quatre fils, mais dont le caractère difficile nuit au rapprochement désiré avec la grande aristocratie méridionale. Robert le Pieux, comme les quatre pre­miers Capétiens, a une politique ambi­tieuse, à l’échelle du royaume tout entier: il prétend continuer l’œuvre des Carolingiens déchus. Le roi ne prête donc que peu d’intérêt à son domaine qui s’étend d’Orléans, au sud, à Senlis, au nord, et d’où proviennent toutes ses ressources. Il détruit le château d’Yèvre à la demande des moines de Saint- Benoît-sur-Loire, puis celui de Gallar- don, qui menace l’évêque de Chartres. En revanche, le roi participe activement aux conflits qui opposent les grands féo­daux. En 1003, il entreprend la conquê­te de la Bourgogne qui lui revient de droit, le duc, son oncle, étant mort sans laisser d’héritier. La chute de Sens et de Dijon, après treize ans de lutte, consacre sa victoire. La puissance royale en est accrue. Toutefois, le fils de Robert, Henri Ier, inféodera à nouveau le duché, perdant ainsi le bénéfice de l’opération. Le roi réussit à mettre fin à une guerre entre le duc de Normandie et le comte de Blois. Mais il ne peut empêcher un renforcement de la féodalité: en 1023, Eudes II, déjà comte de Blois et de Chartres, maître de la Touraine, annexe la Champagne et encercle désormais le domaine royal. A la mort de Robert le Pieux, en 1031, la monarchie est encore fragile.


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    Gisors, ville frontière

    Gisors

    Une ancienne place stratégique

    Gisors n’est sans doute qu’un obscur village lorsqu’en 911, ou peut-être seu­lement en 946, le Vexin est divisé en deux parties: la côte ouest de l’Epte fait partie des territoires cédés aux Scandi­naves et devient le Vexin normand, tan­dis qu’à l’est s’étend désormais le Vexin français. L’Epte devient donc une véri­table frontière politique et militaire que les armées françaises ou normandes franchissent souvent, à moins que leurs plénipotentiaires ne se réunissent sur ses rives. Pour renforcer cette limite qui ne pré­sente pas un obstacle naturel suffisant, on élève des points fortifiés dès le Xe siè­cle, en particulier à La Roche-Guyon. Dans les dernières années du XIe siècle, Guillaume II le Roux, roi d’Angleterre, qui occupe alors la Normandie, charge Robert de Bellême d’organiser une soli­de ligne de défenses qui englobe Gisors. En 1119, les rois de France et d’Angle­terre se réunissent dans la ville pour mettre un terme provisoire à leurs hosti­lités. Après 1123, Henri Ier d’Angleterre ren­force considérablement les défenses de Gisors que Louis VII reçoit à la suite d’un accord conclu en 1145. En 1158, après une nouvelle entrevue à Gisors, Louis VII rétrocède la place au roi d’Angleterre au titre de la dot qu’il accorde à sa fille. D’importants travaux sont alors entrepris dans la cité entre 1161 et 1184. Profitant de la captivité de Richard Cœur de Lion, capturé au retour de la troisième croisade, Philippe Auguste s’empare de Gisors en 1193 et le traité de Gaillon, en 1196, lui reconnaît cette conquête. Philippe Auguste renfor­ce à son tour le château et bâtit sans doute la grosse tour; pour verrouiller la route de Rouen, Richard Cœur de Lion entreprend alors la construction du Château-Gaillard. A partir de 1202, le roi de France, qui a déchu Jean sans Terre de ses possessions continentales, s’empare de la Normandie: la frontière de l’Epte n’existe plus. Aussi le château de Gisors ne sert-il plus que de résiden­ce ou de prison, sauf pendant la guerre de Cent Ans où les Anglais l’occupent à nouveau de 1419 à 1449. Bâti sur le plateau qui domine de peu l’Epte, le château comporte une vaste enceinte en forme d’ellipse irrégulière, qui englobe environ 4 ha. Construite en pierre, protégée par des douves profon­des, elle est garnie de petites tours, plus une grosse près de l’entrée principale. A peu près en son centre s’élève une motte artificielle haute de 20 m, sur laquelle se dresse un donjon octogonal; la partie inférieure de ce dernier doit dater de la période 1125-1130, mais il a été suréle­vé à la fin du XIIe siècle, renforcé de contreforts et protégé par une enceinte rapprochée ou «chemise»; celle-ci, épaisse de 2 m, a repris des éléments de défense plus anciens. Au pied de la motte s’étendent de vastes souterrains qui, selon la légende, recèleraient le tré­sor des Templiers...


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  • Le château du Louvre - XIIe-XXe siècle

    Un prestigieux musée dans un beau palais 

     

    Le mot «Louvre» vient du bas latin (lu- para — louveterie) ou du saxon (lower = redoute en bois). C’est le nom de la for­teresse, dominée par une tour de 31 m, que Philippe Auguste fait édifier au bord de la Seine en 1190. Jusqu’au XIVe siè­cle, le Louvre fait office de prison et d’arsenal. Dans sa grosse tour, on garde le Trésor royal. Louis IX y rend la justi­ce; Philippe le Bel y donne des fêtes; mais les rois habitent encore leur palais de la Cité. Sur l’ordre de Charles V, une citadelle plus puissante, la Bastille, construite entre 1370 et 1382, remplace le Louvre; l’architecte Raymond du Temple est chargé de transformer celui-ci en palais agréable, entouré de jardins. Le roi y fait transporter sa «librairie»; on lui ins­talle une «chambre à parer»; mais il continue de loger à l’hôtel Saint-Pol. Louis XI fait de nouveau du Louvre une prison; Louis XII se contente d’y appor­ter quelques aménagements. François Ier fait abattre le vieux Louvre vers 1541. La cour Carrée le remplace. Du côté ouest, Pierre Lescot construit le nouveau palais de 1546 à 1574. Sous Henri II, Androuet Du Cerceau, sur les plans de Lescot, réalise la façade occi­dentale et la Petite Galerie. En 1559, le Louvre devient la demeure des rois de France, lorsque Catherine de Médicis s’y installe à la mort d’Henri II. Mais la reine mère veut avoir son propre château. Elle commande les Tuileries à Philibert Delorme. La Grande Galerie qui le relie au Louvre est achevée, sous Henri IV, par Louis Métezeau. De 1595 à 1610, sur l’emplacement des derniers restes moyenâgeux, Lemercier achève la cour Carrée et construit le pavillon de l’Horloge. Sous Louis XIII, on installe au Louvre l’imprimerie royale, créée par Richelieu, et l’atelier de la Monnaie. Louis XIV habite le Louvre de 1654 à 1678. Il charge Le Vau d’achever les ailes nord et sud. Claude Perrault élève la célèbre colonnade (1665-1670). Sous Louis XV, le Louvre est à l’aban­don. Il est sauvé grâce à l’intervention de Mme de Pompadour. La Révolution décide de le conserver et, par le décret du 6 mai 1791, déclare en faire un «mu­séum célèbre». En 1793, la Convention y rassemble les objets provenant des saisies révolutionnaires et, à partir de 1798, le Directoire y met les chefs- d’œuvre confisqués par Bonaparte en Italie. Les architectes de Napoléon, Per- cier et Fontaine, travaillent à la décora­tion de la cour Carrée et finissent de bâ­tir la galerie bordant la rue de Rivoli. Sous Napoléon III, Lefuel et Visconti, respectant le style classique, réunissent totalement le Louvre et les Tuileries. En 1870, ce chef-d’œuvre de l’architecture française est enfin terminé. Modernisé en plusieurs étapes, la plus importante à partir de 1966, le musée du Louvre compte aujourd’hui 250000 numéros à son catalogue.


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  • La princesse Mathilde - 1820-1904

    Une femme de tête

     «Son front est fait pour le diadème», disait Sainte-Beuve, célébrant l’éclat de Mathilde Letizia Wilhelmine Bonaparte. Fille de Jérôme, éphémère roi de Wesphalie, elle naquit à Trieste en 1820. Elevée à Rome et à Florence, elle devait rencontrer son cousin Louis-Napoléon lors d’un séjour en Suisse, à Arenenberg, chez sa tante la reine Hortense. Elle l’aima. Il fut question d’hyménée. Mais Jérôme, peu confiant dans l’avenir de son neveu, s’y opposa. Riche héritière par sa mère, qui était fille du roi de Wurtemberg, mais appauvrie par les dilapidations de son père, elle épousa, en 1841, le comte russe Anatole Demidov, brutal, volage et jaloux mais très fortuné, et prince toscan de San Donato. En giflée en public par son mari, elle le quitta aussitôt et obtint du tsar la sé­paration de corps et une rente considé­rable (200000 roubles). Revenue en France sous le nom de com­tesse de Montfort, elle devint la premiè­re dame de France à l’Elysée, puis aux Tuileries, quand son cousin Louis- Napoléon Bonaparte, encore célibataire, devint président de la République, puis empereur. Son aisance, son élégance, son charme et son esprit contribuèrent à la résurrection de la cour. Quand Napo­léon III épousa Eugénie qu’il avait vue pour la première fois chez elle, son étoile pâlit en même temps que sa puissance. Les deux femmes ne s’entendaient pas, Mathilde restant attachée, comme son frère Jérôme, dit «Plon-Plon», aux ten­dances libérales et anticléricales com­battues par l’impératrice. Elle vivait librement, ayant fait du comte de Nieuwerkerke, son amant quasi légitime, le surintendant des beaux-arts, et de son château de Saint- Gratien, comme de son hôtel parisien, un centre intellectuel fréquenté par des hommes de toutes tendances et de tou­tes opinions, légitimistes, orléanistes, ré­publicains et bonapartistes. Son salon, qu’on appelait «l’académie mathildien- ne», fut sans égal au XIXe siècle. C’était une véritable chapelle dans la société impériale. On y rencontrait notamment des écrivains comme Sainte-Beuve, Prosper Mérimée, les frères Goncourt et Théophile Gautier, des peintres comme Fromentin ou Ary Scheffer, des auteurs dramatiques comme Dumas fils et Sar- dou, des architectes comme Viollet-le- Duc, et un philosophe comme Renan. Ce n’était pas pour l’empereur une parente de tout repos. Son indépendan­ce d’esprit lui faisait critiquer aussi bien la politique de son cousin que les juge­ments de l’opinion publique. Ainsi, elle n’hésita pas à faire l’éloge de Nicolas Ier pendant la guerre de Crimée et à approuver la politique de Cavour. Mais la protection efficace qu’elle sut appor­ter aux hommes de lettres et aux artistes lui valut d’être surnommée «Notre Dame des Arts».


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  • Le château de Fontainebleau - 1528

    Fontainebleau

    «Le Roy, voulant y aller, disait qu'il alloit chez soy» 

     

     

    L’histoire du château de Fontainebleau est liée à celle de la forêt qui l’entoure, abondante «en bêtes rousses et noires», propice aux chasses royales. La résiden­ce existe depuis le XIIe siècle au milieu de ces «déserts». Après Philippe Augus­te, Saint Louis s’y attache, y fonde un monastère-hôpital; Philippe le Bel y naît et y meurt; Charles V y installe sa librai­rie; Isabeau de Bavière, des bains. Mais c’est François Ier, revenu des bords de la Loire, qui, dès 1528, entreprend les pre­miers travaux. A sa mort, le château n’est pas achevé, mais il témoigne déjà des goûts du roi pour l’art nouveau de la Renaissance. A la base, autour du donjon de Saint Louis et de la vieille chapelle Saint- Saturnin, s’ordonnent trois corps de bâ­timents: à l’est, ceux de la cour Ovale; au centre, la galerie François-Ier; à l’ouest, la chapelle de la Trinité et un grand pavillon central; en équerre se prolongent deux galeries qui donnent sur la cour du Cheval Blanc, qui entrera dans l’Histoire sous le nom de cour des Adieux. Aux alentours s’étendent, magnifique­ment ordonnés et jouxtant la forêt, les réserves royales, les jardins aux arbres multiples et rares, les pièces d’eau. L’ensemble, œuvre de Gilles Le Breton, «maçon et tailleur de pierre», s’élève en une architecture aux grands murs sobres, aux toits élevés, aux cheminées apparentes et hautes; c’est un style à la française, sans rien d’italien ni d’anti­que. Le contraste surgit avec la décoration intérieure au luxe exubérant, œuvre des Italiens appelés par le roi. Le Rosso, dès 1531, décore la galerie François-Ier; par le bois, le stuc, la peinture, les bronzes ciselés et dorés, il célèbre, dans des sujets allégoriques et mythologiques, la gloire du roi et celle de la Renaissance. Dès 1533, le Primatice intervient: il reste en faveur jusqu’à sa mort, en 1570, et s’entoure d’une équipe d’où se détache Nicolo Dell’Abate. Avec ces Italiens au talentueux pinceau, quelques Français collaborent pour la sculpture ou le travail du bois. L’œuvre de l’école de Fontainebleau, école des Italiens établis en France entre 1530 et 1570, étrangère par ses thèmes et ses goûts à la tradition nationale, ré­pand dans les galeries les personnages des légendes et des récits païens: Ulysse, Alexandre, César, Jupiter, Vénus,’Mars, dieux et déesses aux belles nudités, sont légion. «Nouvelle Rome» ou «nouvelle Athènes», Fontainebleau est aussi le sé­jour préféré de François Ier. Le domai­ne va connaître maintes vicissitudes qui justifient les paroles de Napoléon Ier: «La maison des siècles et la demeure des rois».


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