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La princesse Mathilde - 1820-1904
«Son front est fait pour le diadème», disait Sainte-Beuve, célébrant l’éclat de Mathilde Letizia Wilhelmine Bonaparte. Fille de Jérôme, éphémère roi de Wesphalie, elle naquit à Trieste en 1820. Elevée à Rome et à Florence, elle devait rencontrer son cousin Louis-Napoléon lors d’un séjour en Suisse, à Arenenberg, chez sa tante la reine Hortense. Elle l’aima. Il fut question d’hyménée. Mais Jérôme, peu confiant dans l’avenir de son neveu, s’y opposa. Riche héritière par sa mère, qui était fille du roi de Wurtemberg, mais appauvrie par les dilapidations de son père, elle épousa, en 1841, le comte russe Anatole Demidov, brutal, volage et jaloux mais très fortuné, et prince toscan de San Donato. En giflée en public par son mari, elle le quitta aussitôt et obtint du tsar la séparation de corps et une rente considérable (200000 roubles). Revenue en France sous le nom de comtesse de Montfort, elle devint la première dame de France à l’Elysée, puis aux Tuileries, quand son cousin Louis- Napoléon Bonaparte, encore célibataire, devint président de la République, puis empereur. Son aisance, son élégance, son charme et son esprit contribuèrent à la résurrection de la cour. Quand Napoléon III épousa Eugénie qu’il avait vue pour la première fois chez elle, son étoile pâlit en même temps que sa puissance. Les deux femmes ne s’entendaient pas, Mathilde restant attachée, comme son frère Jérôme, dit «Plon-Plon», aux tendances libérales et anticléricales combattues par l’impératrice. Elle vivait librement, ayant fait du comte de Nieuwerkerke, son amant quasi légitime, le surintendant des beaux-arts, et de son château de Saint- Gratien, comme de son hôtel parisien, un centre intellectuel fréquenté par des hommes de toutes tendances et de toutes opinions, légitimistes, orléanistes, républicains et bonapartistes. Son salon, qu’on appelait «l’académie mathildien- ne», fut sans égal au XIXe siècle. C’était une véritable chapelle dans la société impériale. On y rencontrait notamment des écrivains comme Sainte-Beuve, Prosper Mérimée, les frères Goncourt et Théophile Gautier, des peintres comme Fromentin ou Ary Scheffer, des auteurs dramatiques comme Dumas fils et Sar- dou, des architectes comme Viollet-le- Duc, et un philosophe comme Renan. Ce n’était pas pour l’empereur une parente de tout repos. Son indépendance d’esprit lui faisait critiquer aussi bien la politique de son cousin que les jugements de l’opinion publique. Ainsi, elle n’hésita pas à faire l’éloge de Nicolas Ier pendant la guerre de Crimée et à approuver la politique de Cavour. Mais la protection efficace qu’elle sut apporter aux hommes de lettres et aux artistes lui valut d’être surnommée «Notre Dame des Arts».
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