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    La garde nationale 1789-1871

    Une armée de civils

    Le 13 juillet 1789, le bruit court que des troupes étrangères sont prêtes à investir Paris. Aussitôt, la population de la ca­pitale se réunit spontanément pour s’armer et résister à toute invasion. Cette légion qui se lève est presque essentiellement bourgeoise. Elle est composée de commerçants, d’indus­triels, d’avocats, de médecins et de magistrats qu’on retrouvera dans les dif­férentes assemblées de la Révolution. On y trouve aussi, mais en minorité, des ouvriers. Au lendemain de la prise de la Bastille, La Fayette prend le commandement de cette garde, appelée officiellement «na­tionale». Organisée comme une armée, elle comporte 800 hommes pour chacun des 60 districts de Paris, soit environ 48000 hommes. Elle est couverte par un état-major et comprend une infanterie, une cavalerie et une artillerie. Son uni­forme est bleu, blanc, rouge, couleurs de la Révolution. La garde nationale prend part à tous les grands événements. C’est elle qui enca­dre le peuple lorsqu’il ramène de Ver­sailles à Paris le roi, la reine et le dau­phin. Comme Paris, les principales villes de province créent des gardes nationales qui participent à la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. Formée surtout de bourgeois modérés, la garde nationale s’oppose au peuple de Paris qui réclame, le 17 juillet 1791, sur le Champ-de-Mars, la déchéance du roi Louis XVI. Il y a une fusillade et de nombreux morts. Pourtant, lors de la journée du 10 août 1792, la garde natio­nale participe à la prise des Tuileries. Lors des journées du 31 mai et du juin, elle soutient les Montagnards contre les Girondins. Après le 9-Thermidor et la chute de Robespierre, la garde nationale com­prend beaucoup d’ennemis de la Révo­lution. Elle soutient les royalistes que Bonaparte écrase le 13-Vendémiaire (5 octobre 1795), sur l’ordre du Directoire. Le futur empereur s’en méfie et réduit ses effectifs. Cependant, la garde nationale se dresse le 30 mars 1814 aux barrières de Clichy et de Neuilly pour tenter d’arrêter les Alliés. Les Bourbons restaurés n’osent pas dis­soudre cette milice bourgeoise dont l’appui peut leur être utile; mais, en 1830, celle-ci soutient la révolution de Juillet et devient, sous Louis-Philippe, l’armée de l’ordre par excellence. En fé­vrier 1848, une bonne partie des gardes nationaux se rangent pourtant parmi les insurgés. Démocratisée sous la seconde République, la garde est étroitement surveillée par le second Empire; à la chute de celui-ci, elle devient une véri­table armée populaire qui se retourne contre le gouvernement lors de la Com­mune. Thiers la dissout alors définitive­ment.


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  • La bataille d'Isly 14 août 1844

    La naissance de l’Algérie française 

     

    La soumission de l’Algérie va bon train depuis que Bugeaud en a été nommé gouverneur. Le maréchal a obtenu des moyens et des effectifs accrus; en 1844, il dispose de 100000 hommes. Il mène une guerre incessante et mobile qui porte ses fruits: le pays devient sûr et la colonisation progresse. Mais Abd el- Kader demeure une menace permanen­te. Il a pourtant subi de graves revers: ses bases sont investies, sa smala a été capturée en 1843. Mais, quoique traqué sans relâche, l’émir demeure insaisissa­ble. Au début de 1844, il reconstitue ses for­ces à Oujda, au Maroc, dont il veut entraîner le sultan dans sa guerre contre les chrétiens. La création d’un poste français à Lalla-Marnia envenime les rapports avec le royaume chérifien qui prétend que ce poste est situé sur son territoire. Des troupes marocaines se concentrent à Oujda. Des accrochages se produisent. Les ardeurs belliqueuses de Bugeaud sont tempérées par Louis- Philippe et Guizot, qui craignent une réaction vigoureuse de l’Angleterre. Celle-ci déclare en effet: «Que la France tire un seul coup de canon au Maroc et c’est la guerre.» Appuyé par une esca­dre commandée par le prince de Joinvil- le, le consul de France à Tanger deman­de au sultan l’expulsion d’Abd el-Kader et la dislocation des troupes concentrées à Oujda, tandis qu’on tente de rassu­rer Londres. Mais les négociations échouent et Joinville bombarde Tanger le 6 août. Bugeaud, qui, de son côté, a lancé un ultimatum au caïd d’Oujda, a désormais les mains libres. Le 12 août, les Français campent sur les bords de l’Isly. Le maréchal expose son plan de bataille: «Je vais attaquer l’armée du prince marocain qui s’élève à 60000 hommes; je voudrais que ce nombre fût double, fût triple, car, plus il y en aura, plus leur désordre et leur dé­sastre seront grands. Moi, j’ai une armée; lui n’a qu’une cohue [...] Je donne à ma petite armée la forme d’une hure de sanglier [...] Qui pourra arrêter notre force de pénétration? Ah! mes amis, nous entrerons dans l’armée marocaine comme un couteau dans le beurre.» Le 14 août, l’armée française franchit l’Isly. Ses 11 000 hommes se portent à la rencontre de 40000 Marocains. Les charges de la cavalerie marocaine se bri­sent contre la formation française. Tout se déroule comme Bugeaud l’a prévu. La cavalerie et l’artillerie achèvent de défaire l’armée du sultan. Bugeaud songe à marcher sur Fez, mais, en dépit de ses conseils, on conclut rapidement la paix devant les instances vigoureuses de l’Angleterre qui craint une installation des Français au Maroc. Le royaume chérifien est désormais fermé à Abd el- Kader; celui-ci n’est plus qu’un hors-la- loi. Il continue cependant à harceler les Français jusqu’en 1847; traqué par Lamoricière, il finit par se soumettre le décembre. Interné au château d’Amboise, il est libéré en 1852.


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    La bataille de Friedland 13-14 juin 1807

    Un modèle de stratégie

    En février 1807, la bataille d’Eylau s’est terminée par une boucherie et n’a pas été décisive. Souhaitant reprendre l’of­fensive au printemps, Napoléon installe son quartier général à Finkenstein; dé­but juin, il est prêt à attaquer les Russes. L’armée française dispose des meilleurs généraux et maréchaux de PEmpire, tels Ney, Davout, Soult, Bernadotte, sans oublier Murât et sa cavalerie, qui s’ins­tallent dans la plaine d’Elbing, Lannes et Mortier se tenant au bord de la Vistule. Le tsar Alexandre et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume ont confié le com­mandement de leurs armées à Bennig­sen. Celui-ci, avec 50000 hommes, attaque Ney qui n’en aligne que 15 000. Ney commence par céder du terrain, essayant d’amener l’ennemi à s’aventu­rer plus avant; il lui tient alors tête, pen­dant que l’Empereur accourt avec le reste de l’armée. Bennigsen risque d’être attaqué de flanc; il essaie de reculer, mais il est trop tard: il doit accepter la bataille; Napoléon, arrivé sur place, est bien décidé à empêcher les Russes d’at­teindre Königsberg. Le 10 juin, Murât, avec l’aide de Savary, attaque Bennigsen qui s’est retran­ché dans les redoutes fortifiées de Heils- berg. Le 11 juin, Napoléon entre à Heilsberg, pendant que Bennigsen se retire. Lannes se retrouve devant Kö­nigsberg, mais une forte armée russe occupe les hauteurs qui dominent la rivière Aile. Le 12 juin, un combat de cavalerie s’engage. Bennigsen est con­traint de reculer vers la ville de Fried- land. Le 13 et le 14 juin a lieu la bataille décisive: Bennigsen remarque qu’un corps français isolé, celui de Lannes, s’apprête à occuper Friedland; le géné­ral russe veut profiter de son avantage numérique et fait jeter des ponts sur la rivière Aile qui le sépare de la ville et des troupes de Lannes; c’est bien ce qu’es­compte ce dernier, qui s’efforce de le fixer sur place jusqu’à l’arrivée de l’Empereur. Aussitôt sur place, celui-ci charge Ney d’enfoncer la gauche enne­mie. Le futur prince de la Moskova marche contre les canonniers russes, tandis que Napoléon coupe les ponts sur l’Alle et concentre des tirs d’artillerie contre l’infanterie russe; celle-ci est blo­quée et décimée. Le dernier jour de la bataille, le 14 juin, les Russes ont perdu 25000 hommes, dont 25 généraux; 8000 Français sont mis hors de combat. Napoléon entre à Königsberg, dernière ville prussienne importante. Alexandre est contraint de demander un armistice qui est suivi, peu après, de la célèbre entrevue de Tilsit entre Napoléon et le tsar. La bataille de Friedland est un modèle de stratégie napoléonienne qui consiste à diviser l’armée en plusieurs corps très mobiles et difficiles à fixer par l’ennemi. On dit que Napoléon, la nuit du 13 juin, coucha sur le champ de bataille au milieu de ses soldats remplis du même enthousiasme que, naguère, à Auster­litz.


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  • La campagne de Russie 1812

    La fin de la Grande Armée

    Massée sur la rive gauche du Niémen, l’immense armée aux éléments hétérocli­tes s’apprête à s’enfoncer dans les plai­nes russes. «Celui qui aurait pu m’épar­gner cette guerre m’aurait rendu un grand service, mais enfin la voilà, il faut s’en tirer», confie Napoléon à Savary. Pourquoi cette guerre? Apparemment resserrée à Erfurt, en 1808, l’alliance franco-russe s’est effritée. L’Empereur reproche au tsar de violer le blocus con­tinental; Alexandre s’irrite des nouvelles annexions effectuées par Napoléon en Allemagne et craint de voir renaître le royaume de Pologne. Prévoyant le con­flit, il fait la paix avec les Turcs et signe un accord avec la Suède. De son côté, Napoléon conclut des alliances — bien éphémères — avec l’Autriche, la Prusse et les pays du Rhin. En même temps, il concentre en Allemagne son armée d’invasion. En avril 1812, le tsar envoie à Paris un ultimatum: l’Empereur le repousse. Le 24 juin 1812, Napoléon traverse le Niémen et s’engage sur la route fatale. Les généraux russes Barclay de Tolly et Bagration refusent le combat, faisant le vide devant les envahisseurs. A Smo- lensk, le conquérant croit tenir ses enne­mis, mais de nouveau ils se dérobent. Enfin, le 7 septembre, il bat Koutousov à la Moskova (ou Borodino), victoire sanglante et inutile puisque les Russes réussissent à s’échapper. Une semaine plus tard, il arrive à Moscou et s’installe au Kremlin, convaincu qu’Alexandre va implorer la paix. Cruelle déception: Napoléon doit fuir la ville ravagée par l’incendie (le gouverneur Rostopchine a fait enlever les pompes) et lorsqu’il revient à Moscou il voit ses avances au tsar déclinées. Le 19 octobre, après avoir perdu un temps précieux en vaine attente, il se résout à la retraite. Pour éviter les régions déjà dévastées par sa propre armée, il descend vers le sud, mais se heurte à Koutousov et doit reprendre la route de Smolensk. Le froid chaque jour plus rigoureux, le manque de vivres, le harcèlement des Cosaques déciment les colonnes. Les souffrances de la Grande Armée deviennent atroces. Au passage de la Berezina (25-29 no­vembre), le gros des troupes échappe de peu à la catastrophe, tandis que Ney fait des prodiges de valeur à l’arrière- garde. Quelques jours plus tard, la nou­velle de l’affaire Malet pousse Napoléon à partir en avant en traîneau: il passe le commandement à Murât, bientôt rem­placé par Beauharnais, qui ramènera au-delà du Niémen les misérables débris de la Grande Armée. Les Français apprendront par le terrible XXIXe bul­letin l’ampleur du désastre. Napoléon avait perdu 400000 hommes, et plus de 100000 prisonniers.


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    La Légion d’honneur 1802

    Une nouvelle chevalerie

     

    En 1789, la Révolution supprime tous les ordres de chevalerie et, par consé­quent, toutes les décorations. Elle consi­dère celles-ci comme des survivances de l’Ancien Régime. Napoléon Bonaparte, devenu Premier consul, entend établir une nouvelle noblesse, issue de la bourgeoisie et des militaires qui l’ont porté au pouvoir. Aussi, dès février 1802, lors d’une ré­ception au château de Malmaison, il parle de créer un ordre de la Légion d’honneur, qui récompenserait non seu­lement les mérites des soldats, mais éga­lement ceux des civils, des fonctionnai­res, des diplomates, des magistrats, des savants et des citoyens éminents. Les deux Assemblées, le Conseil d’Etat et le Tribunat, s’opposent très vivement à ce projet qui, pensent-ils, rétablirait l’aris­tocratie sous une autre forme. Repoussant ces objections, Bonaparte déclare: «Je défie qu’on me montre une république ancienne ou moderne dans laquelle il n’y a pas eu de distinctions. On appelle cela des hochets. Eh bien, c’est avec des hochets qu’on mène les hommes!» Le 19 mai 1802, la Légion d’honneur est créée par décret; ses membres ont le droit de toucher un traitement et d’avoir certains privilèges dans la société fran­çaise. L’ordre «doit être dévoué au service de la République, au maintien de l’intégrité du territoire, à la défense du gouverne­ment et des lois; il doit combattre par tous les moyens les tentatives de rétablir le régime féodal, concourir de tout son pouvoir au maintien de la liberté et de égalité». La première promotion date du décret impérial du 14 juillet 1804; elle com­prend 6000 personnes qui reçoivent leur décoration en l’église des Invalides. Le premier grand chancelier de l’ordre est un civil, le savant Lacépède. La Lé­gion est formée de quinze cohortes; cha­cune comprend sept grands officiers, vingt commandants, trente officiers et trois cent cinquante légionnaires. Le 9 janvier 1805, un décret impérial établit une nouvelle classe dans l’ordre, celle des grands aigles qui deviendront plus tard les grands-croix. A cette épo­que, l’effectif des grands aigles ne doit pas dépasser soixante personnes.


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