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Le théâtre à l’échelle de la ville
La représentation d’un mystère constitue l’un des temps forts de la vie urbaine à la fin du Moyen Age. Le théâtre religieux est fort ancien. Dès le XIe siècle, le clergé interprète dans l’église même ou à ses abords, afin d’instruire les fidèles, des drames liturgiques qui illustrent des épisodes de la vie du Christ; un peu plus tard, des laïques jouent des «miracles», œuvres brèves et édifiantes qui célèbrent la gloire d’un saint. Composés d’abord en latin, ces textes le sont en français dès la fin du XIIe siècle. Drames liturgiques et miracles sont à l’origine des mystères qui les éclipsent à partir du XIVe siècle.
Un mystère est une représentation d’un sujet très vaste — principalement la passion du Christ — qui juxtapose des épisodes très variés, mais ce n’est pas un simple divertissement, car, au-delà du thème traité, le mystère contient toujours une intention pédagogique, édifiante et moralisatrice. Ce souci amène d’ailleurs l’introduction de personnages allégoriques, comme la Justice ou la Miséricorde, qui donnent un sens encore plus clair à l’action.
Ce sont des œuvres énormes: la Passion de Jean Michel comporte 65 000 vers, dure plusieurs jours et exige la participation de plusieurs centaines d’acteurs. Le mystère le plus célèbre est la Passion d’Arnoul Gréban, clerc et musicien parisien, qui rédige les 35 000 vers de son œuvre avant 1452.
La représentation des mystères est assurée par des confréries de la Passion ou du Saint-Sacrement; celle de Paris en reçoit le monopole dans la ville en 1402. Les confréries regroupent des laïques et des ecclésiastiques, mais elles n’ont pas une vocation exclusivement «théâtrale». Les acteurs ne sont donc pas des professionnels et tous les rôles, même féminins, sont tenus par des hommes. Après plusieurs mois de préparatifs, le mystère est joué à l’occasion d’une grande fête religieuse, Pâques de préférence à cause du thème de la Passion. Toute la population des environs converge alors vers la ville dont le rôle culturel est ainsi affirmé.
Compte tenu du public et du plein air, le texte doit être simple et clair, l’analyse psychologique rudimentaire. En revanche, on insiste avec un goût discutable, de manière de plus en plus réaliste, sur les souffrances du Christ ou des martyrs pendant que des effets de gestes, de décors, voire de trucages, tiennent une place croissante, car ils répondent au goût du temps pour les cérémonies grandioses et étranges. En outre, à la fin du XVe siècle, pour soutenir l’intérêt du public, on intègre des scènes comiques ou réalistes, de plus en plus nombreuses, qui font perdre au mystère son caractère religieux: l’Eglise devient alors hostile à un genre qui lui échappe et en obtient l’interdiction en 1548.
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Un technicien de la colonisation
Louis-Hubert Lyautey naît à Nancy en 1854. Il opte pour le métier des armes, mais préférera toujours l’aventure coloniale à la vie morne de la caserne métropolitaine.
Cultivé et ami des lettres, très proche du catholicisme social d’Albert de Mun, ce royaliste légitimiste séduit par son caractère généreux et sa haute idée de sa mission d’officier: avant tout pacifier et civiliser. Il se distingue tout d’abord au Tonkin, avant de seconder Gallieni à Madagascar.
En 1903, le colonel Lyautey est nommé en Algérie. Il est commandant de la subdivision d’Aïn-Sefra, puis, en 1906, de la division d’Oran. Ses opérations pacifient les confins marocains. En novembre 1903, il occupe Colomb-Béchar. En 1904, il installe deux nouveaux postes. De 1905 à 1906, il patrouille dans les steppes qui s’étendent jusqu’à la vallée de la Moulouya. En 1912, il est nommé résident général dans un Maroc en pleine révolte.
Un de ses officiers le décrit ainsi: «Sec et étincelant comme la pierre à feu, vif et pétillant d’esprit comme le vin de ses côtes de Moselle... il n’a pas le temps d’être modeste.»
Très cultivé, artiste, il aime les belles étoffes, les beaux chevaux, les galops effrénés. Avec ses grands burnous sou- tachés d’or, ses selles garnies de peaux de tigre, son allure élégante et fière, il séduit les Arabes: «Tu es un fils de chef.»
Il s’entoure d’une équipe de jeunes officiers: Gouraud, Henrys, Mangin, Fran- chet d’Esperey... Son activité est peu commune. Il préside des conseils de guerre, des conseils de notables. Il harangue les tribus marocaines. Il multiplie les projets (ports, ponts, palais). En 1914, en s’appuyant sur un nouveau sultan, Mulay Yusuf, il a pacifié une bonne partie du Maroc. Il utilise ses agents dans les tribus, limitant au minimum les opérations militaires. Il est respectueux de la spécificité du Maroc, de sa religion, de ses traditions et de ses institutions.
Quand éclate la guerre de 1914, Lyautey reçoit l’ordre de renvoyer en France la plus grande partie de ses troupes et de réduire l’occupation du pays aux ports de la côte. Avec les hommes qui lui restent et les réservistes qu’on lui envoie, il se maintient sur ses positions malgré les intrigues allemandes. Il fonde des villes, crée des foires, lutte contre les tribus rebelles. Pendant un court intermède, il est rappelé en métropole afin de succéder à Gallieni comme ministre de la Guerre. Remplacé par un civil, il retrouve le Maroc où il demeure résident général jusqu’en 1925. Il combat la révolte d’Abd el-Krim tout en poursuivant son œuvre: création d’un port modèle à Casablanca, fondation de Kenitra...
En 1931, trois ans avant sa mort, le maréchal Lyautey organise lui-même, à Vincennes, l’Exposition coloniale internationale, couronnement de l’œuvre française d’outre-mer.
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L’«homme à la casquette», Thomas- Robert Bugeaud de la Piconnerie, né le 15 octobre 1784 à Limoges, était Çls d’un propriétaire périgourdin sauvé par Thermidor. Il entra comme vélite dans la Garde impériale en 1804. Caporal après Austerlitz, sous-lieutenant en 1806, après avoir été blessé en Pologne, il se retrouva lieutenant en Espagne et devint colonel après de longues années face à d’insaisissables guérilleros. Si la première Restauration lui conserva son emploi, la seconde le lui retira. Rallié à Napoléon pendant les Cent-Jours, il avait repoussé les Autrichiens dans les Alpes. Il devint alors en Dordogne un rénovateur de l’agriculture.
La monarchie de Juillet le rappela au service et le nomma général. En 1832, il fut le sévère gardien de la duchesse de Berry, prisonnière à Blaye, et se rendit impopulaire en réprimant énergiquement l’insurrection parisienne de 1834 (massacre de la rue Transnonain). Député de la circonscription d’Exci- deuil, honni par la droite, exécré par la gauche, il fut hostile à l’implantation française en Algérie, «possession onéreuse», même au temps où il commandait POranie, battait Abd el-Kader et signait avec lui le traité de la Tafna (1837). Quand le traité fut violé, Bugeaud, rentré en France, changea d’avis. Il déclara à la Chambre: «L’abandon, la France officielle n’en veut pas. Il ne reste donc, selon moi, que la domination, la soumission du pays.» Nommé gouverneur général et responsable de toute l’Algérie (1840-1847), il «se fit nomade pour chasser le nomade». Il réorganisa l’armée pour la rendre apte à une guerre de mouvement dans un pays sans routes contre un adversaire fuyant. Il créa de petites colonnes mobiles et développa les unités indigènes. Impitoyables, ses colonnes obligèrent Abd el-Kader à fuir au Maroc. Bugeaud l’y poursuivit, remportant la victoire de l’Isly (1844) qui lui valut d’être fait maréchal et duc d’Isly.
Son adaptation de l’armée aux conditions du pays fut pour beaucoup dans une popularité à laquelle il n’était pas habitué. Appliquant sa devise Ense et aratro, le «père Bugeaud» prôna sans grand succès des colonies de soldats laboureurs. Ses idées de colonisation militaire lui valurent de nombreuses critiques de la part de députés et de militaires — tel Lamoricière — favorables à la mise en valeur du pays par de grandes compagnies concessionnaires. Ces attaques ne furent pas étrangères à son rappel quelques mois avant la reddition d’Abd el-Kader en 1847.
A son retour en France, le duc d’Isly fut un des hommes forts de la tendance la plus conservatrice. Commandant l’armée de Paris, il ne put sauver le trône de Louis-Philippe et mourut du choléra le 10 juin 1849.
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Le stratège de Napoléon
Né dans une famille bourgeoise de Versailles, Louis Alexandre Berthier entre dans l’armée à 17 ans et prend part, sous les ordres de La Fayette et de Rochambeau, à la guerre d’indépendance américaine.
En 1789, il est major général de la garde nationale de Versailles, puis il s’engage dans les armées de la Révolution et fait campagne en Vendée et en Italie. En 1796, il est chef d’état-major de l’armée, poste qu’il occupe jusqu’en 1814. Bonaparte porte sur lui ce jugement lapidaire: «Berthier: talents, activités, courage, caractère; tout pour lui.»
Berthier prend part à la campagne d’Egypte et apporte à Bonaparte le soutien de l’armée au 18-Brumaire. Sous le Consulat et PEmpire, il assume de hautes fonctions: ministre de la Guerre, maréchal d’Empire, grand veneur. En 1807, il est nommé vice-connétable et prince souverain de Neuchâtel; Napoléon commente au Sénat cette nomination: «En l’élevant à cette haute dignité, nous avons voulu reconnaître son attachement à notre personne et les services réels qu’il nous a rendus, dans toutes les circonstances, par son zèle et son talent.»
En 1808, Berthier épouse la princesse Elisabeth, nièce du roi de Bavière, allié de Napoléon. En 1809, ce dernier lui attribue le château de Chambord, érigé en principauté de Wagram.
Berthier élabore les plans, la tactique et la stratégie de toutes les batailles de l’Empire, avec la confiance et l’amitié de l’Empereur. En 1814, il se rallie à Louis XVIII qui le nomme pair de France et capitaine d’une compagnie des gardes du corps. Pendant les Cent-Jours, sollicité de reprendre sa place à l’état-major, Berthier s’abstient, s’en tenant à une stricte neutralité. A la seconde Restauration, il se réfugie à Bamberg où il se donne la mort en se jetant par une fenêtre au cours d’une crise de dépression. On a parlé d’un attentat; en tout cas, sa mort reste mystérieuse.
Le chapitre «Campagnes d’Italie» du Mémorial de Sainte-Hélène résume bien l’importance et les limites du maréchal Berthier: «Il était d’un caractère indécis, peu propre à commander en chef, mais possédant toutes les qualités d’un bon chef d’état-major. Il connaissait bien la carte, entendait bien la partie des reconnaissances, soignait lui-même l’expédition des ordres, était rompu à présenter avec simplicité les mouvements les plus composés d’une armée.»
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L'as des as
L'an 1914, à la veille de la guerre, Georges Guynemer se prépare à Polytechnique. Mais le conflit éclate et va changer toute la destinée du jeune homme; celui- ci, âgé de 19 ans à peine (il est né un 24 décembre), décide de renoncer provisoirement à ses études pour servir sa patrie. Sa «frêle constitution» le fait refuser par le conseil de révision. Mais il ne s’avoue pas battu: après un second ajournement, il parvient, le 23 novembre, à entrer à l’Ecole de mécaniciens d’aviation de Pau, où l’on est plus souple. Guynemer a le pied à l’étrier; il arrive à se faire muter à l’Ecole de pilotage. En avril 1915, il obtient son brevet et, en juin, se voit affecter à l’escadrille N° 3 (Morane-Saulnier), commandée par le capitaine Brocard. En juillet, il remporte sa première victoire... et ses galons de sergent sur le front champenois, où il est décoré de la médaille militaire. En décembre 1915, il est proposé pour la Légion d’honneur... qu’il obtient en juin 1917. En 1916, il est promu au grade de sous-lieutenant, puis à celui de lieutenant. Il est capitaine à 22 ans. Lorsqu’il disparaît au-dessus de Poelkapelle, en Belgique, il est Croix de guerre avec vingt et une citations.
C’est qu’il s’est toujours engagé à fond: vers le milieu de 1916, le commandant de Rose, son nouveau chef, l’envoie sur le front de la Somme. En 350 heures de vol, il compte onze victoires. Son Spad VII capote, mais sa réputation est telle que les soldats s’arrachent les débris de son avion comme autant de fétiches. Il est blessé à deux reprises et abattu sept fois.
Guynemer est un as et un risque tout plus qu’un spécialiste de l’aviation. Il néglige souvent sa propre sécurité. Il livre 600 combats et remporte 53 ou 54 victoires homologuées; en fait, on lui en attribue 80. Le 25 mai 1917, il descend quatre avions ennemis, dont deux en une minute. Son escadrille des «Cigognes» est basée à Saint-Pol-sur-Mer. Trois semaines avant sa mort, il remporte encore quatre victoires en trois jours aux commandes de son Spad XIII, le «Vieux Charles».
Le 11 septembre, alors qu’il survole les Flandres en mission de reconnaissance, il disparaît peu après avoir poursuivi un avion allemand. On suppose qu’il s’est abattu, touché d’une balle à la tête, au nord-est du cimetière de Poelkapelle, dans le secteur d’Ypres. Chaque année, à pareille époque, sa dernière citation est lue sur toutes les bases de l’armée de l’air. La Chambre des députés, unanime, a décidé d’inscrire son nom au Panthéon
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