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Les tentatives de réformes - XVIIIe siècle
Le rocher de Sisyphe
La France du XVIIIe siècle offre un spectacle étrange. Le pays connaît une croissance démographique rapide; l’agriculture s’améliore; la grande industrie apparaît; le commerce extérieur fait plus que quadrupler; la France détient la moitié du numéraire de l’Europe entière. Dans cette prospérité quasi générale, il est paradoxal de constater la pauvreté de l’Etat, son indigence financière. «Il était extraordinaire, devait diie Besenval, de voir le roi près de faire banqueroute dans un instant où la France était si florissante.» Au début du siècle, la monarchie dépend d’un système fiscal archaïque qui repose sur l’exploitation du domaine royal, la perception d’impôts indirects comme les aides ou la gabelle et d’impôts directs comme la taille, dont sont exemptées des catégories entières de la population, ainsi que le clergé et la noblesse, ou le dixième, perçu dans des circonstances exceptionnelles. Pendant tout le siècle, les problèmes financiers vont empoisonner la vie politique, et la monarchie va se trouver dans l’incapacité d’établir un impôt pesant sur toutes les couches sociales. C’est ainsi que, sous la Régence, il est impossible de prélever un impôt d’un cinquantième sur tous les revenus. Sous le règne personnel de Louis XV, après les dépenses des guerres de la Succession d’Autriche et de Sept Ans, le gouvernement ne peut imposer le vingtième prévu par Machault d’Arnouville, et, face à un déficit croissant, l’abbé Terray doit suspendre le remboursement de la dette, multiplier les taxes sur les signes extérieurs de richesse. Cette incapacité à obtenir l’égalité devant l’impôt s’explique par l’absence de cadastre et, surtout, par le refus de toutes les catégories sociales, privilégiées ou non, de se soumettre à l’engrenage fiscal et d’accepter une augmentation du pouvoir de l’Etat, estimée contraire aux «coutumes» du royaume. Les parlements, qui tiennent à contrôler le pouvoir royal, savent admirablement exploiter cette opposition générale. Par la réforme de Maupeou, Louis XV réussit à briser les parlements et à promouvoir une réforme complète. Mais Louis XVI revient sur cette mesure et rappelle les parlements, vouant ainsi à l’échec la dernière tentative de l’impôt: la subvention territoriale de Turgot. Avec le déficit croissant provoqué par la guerre d’Amérique, la monarchie ne pourra plus pratiquer que la politique d’emprunts de Necker, avant de se trouver acculée à la réunion des états généraux. Le refus des Français de comprendre la nécessité d’une réforme fiscale précipitera la chute de l’Ancien Régime.
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