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Les dragonnades - 1681-1715
L’absolutisme de Louis XIV implique une unification totale du royaume. Tout sujet doit pratiquer la religion de son souverain. Les protestants, ne respectant pas ce principe, sont des rebelles et, par leurs assemblées clandestines, des factieux. Pour les ramener dans le droit chemin, on emploie d’abord la persuasion; Bossuet y travaille. En même temps, on fonde, en 1674, une «caisse des conversions», chargée de distribuer des récompenses pécuniaires et des faveurs à ceux qui abjurent leur confession. A ces moyens de corruption, on ajoute des restrictions de plus en plus sévères aux droits laissés aux «religion- naires» par l’édit de grâce d’Alès de 1629.
Des «conversions» se produisent effectivement, mais en nombre insuffisant au gré de Louis XIV; celui-ci, au faîte de sa gloire depuis la paix de Nimègue (1678), ne tolère plus aucune opposition; il ne veut surtout pas laisser à son rival, l’empereur Léopold d’Autriche, le titre de «guide de la catholicité». Après la mort de Colbert, et sur les conseils de Louvois, le roi se décide à employer la manière forte pour venir à bout de ces huguenots obstinés. La répression réussit en Poitou où, dès 1681, l’intendant Marillac obtient 38000 conversions par une forme particulière de persécution, la «dragonnade»: on oblige toute famille protestante à loger et à nourrir des soldats, parfois jusqu’à vingt par foyer. C’est autoriser et même encourager la soldatesque à toutes les licences: vols, pillages, viols, destruction des maisons et des récoltes, massacres; les militaires
se conduisent en bourreaux, pis qu’en pays ennemi.
Le 18 octobre 1685, à Fontainebleau, le Grand Roi prononce la révocation de l’édit de Nantes: «Pour un même roi, une même loi, une même foi.» On étend les dragonnades à toute la France; dans les provinces où le protestantisme est fortement implanté, les intendants rivalisent de zèle: en Poitou, en Béarn, en Normandie, en Bourgogne, en Guyenne et Saintonge, en Languedoc tout particulièrement, les «missionnaires bottés» sévissent cruellement. Leurs «succès» sont applaudis par Racine, La Fontaine, La Bruyère, Mme de Sévigné et, surtout, Mme de Maintenon; la mort ou les galères frappent les réfractaires.
Ceux-ci réagissent par l’émigration: 200000 ou 300000 réformés passent en Angleterre, en Hollande et en Allemagne. Ceux qui restent, ainsi que les nombreux «mauvais convertis», continuant à subir les dragonnades que, sous le ministère Chamillart, on appelle «les chamillardes».
De 1702 à 1704, la révolte des paysans huguenots des Cévennes, la «guerre des camisards», est le prétexte d’une nouvelle vague de violences: il faut le maréchal de Villars et une véritable campagne militaire pour soumettre les insurgés.
Tags : dragonnade, persecuption, Louis XIV
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Commentaires
Le jugement des Calas n’a fait souffrir qu’une famille; mais la dragonnade de M. de Louvois a fait le malheur du siècle, VOLT. Lett. Vernes, sept. 1766. (citation chez Littré.)