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Le grand projet de Polignac - 1829
En 1829, la Russie prend nettement l’avantage dans la guerre qui l’oppose à l’Empire ottoman. L’écroulement de ce dernier paraît probable. L’ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg, Morte- mart, demande des instructions à Paris sur la conduite à tenir. Charles X et Polignac croient pouvoir tirer parti des événements pour obtenir un grand succès diplomatique qui, en effaçant l’humiliation des traités de 1815, ferait taire l’opposition et lèverait les obstacles à la politique réactionnaire que le gouvernement souhaite mener à l’intérieur. Sur les instructions de Polignac, un mémoire est mis au point. Il expose un ambitieux projet de réorganisation européenne, fondé sur le partage des dépouilles de l’Empire ottoman, dont on suppose le démembrement. Adopté par le Conseil des ministres du 3 septembre, ce mémoire est envoyé à Mortemart. Ce projet — le «grand dessein» — est un étrange échafaudage diplomatique remaniant complètement la carte de l’Europe. Il repose sur une entente de la Russie, de la Prusse et de la France, auxquelles l’Autriche, isolée, ne pourrait s’opposer. On espère d’ailleurs obtenir son consentement en lui accordant la Bosnie et la Serbie. La Russie annexerait la Moldavie, la Valachie et une partie de l’Asie Mineure. Un grand royaume chrétien serait formé en Grèce. L’Egypte deviendrait indépendante. En compensation, la Belgique reviendrait à la France après dissolution du royaume des Pays-Bas, dont le roi échangerait son trône contre celui d’un nouvel empire byzantin. La Prusse recevrait la Hollande et la Saxe, dont le roi irait régner à Aix la Chapelle. Le «grand dessein» briserait la prépondérance navale anglaise en faisant de la Prusse et de l’Autriche des puissances maritimes et en rapprochant les Russes de la Méditerranée. Les Britanniques ne pourraient pas s’opposer à sa réalisation, face à une Europe continentale unie. On les ferait taire en leur accordant les Indes néerlandaises. Mais Mortemart ne reçoit ses instructions qu’au lendemain de la paix d’Andrinople: celles-ci n’ont donc plus d’objet. Cependant, l’ambassadeur informe Nicolas Ier que, dans le cas d’un partage de la Turquie, la France pourrait demander des compensations sur sa frontière nord. Le tsar écarte fermement cette combinaison, ruinant définitivement le «grand dessein» de Polignac. Mais il encourage la France à aller chercher au-delà de la Méditerranée la compensation qu’il lui refuse sur le continent: ce sera l’une des raisons de l’expédition d’Alger. Malgré son succès, celle-ci n’empêche pas la révolution de 1830, rendue fatale par l’aveuglement de Charles X et de Polignac face à l’opinion publique. L’auteur du grand projet, arrêté et jugé par la Cour des pairs, sera condamné à la détention perpétuelle et libéré par l’amnistie de 1836
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