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Jean de La Bruyère - 1645-1696
Fils d’un fonctionnaire parisien, élevé chez les oratoriens, étudiant en droit à Orléans, reçu avocat en 1665, La Bruyère est anobli en 1673 par l’achat d’une charge de trésorier des finances de Caen. S’ennuyant en province, il s’engage comme précepteur chez le marquis de Soyecourt. En 1684, sur la recommandation de Bossuet, il est chargé d’enseigner l’histoire et la philosophie au jeune duc de Bourbon, petit-fils du Grand Condé. Son élève est peu brillant mais suffisamment reconnaissant pour le conserver à son service comme bibliothécaire, avec le titre de «gentilhomme de Monsieur le duc» et 1000 écus de traitement annuel. Cette fonction peu absorbante permet à La Bruyère de travailler au livre pour lequel il accumule, depuis des années, une documentation qu’il ne cessera d’enrichir au contact des cours de Chantilly et de Versailles. L’ouvrage de La Bruyère, Caractères de Théophraste traduits du grec, avec les caractères et les mœurs de ce siècle, paraît en 1688. Sous le couvert du philosophe grec, La Bruyère glisse 300 portraits, maximes et pensées, pleins d’ironie critique, et qui, d’emblée, obtiennent un succès considérable. Au cours de neuf éditions successives (1688 à 1696), les éditeurs ont repoussé Théophraste en fin de volume et La Bruyère a réduit les maximes au profit des portraits: le livre en compte 1118; le public s’ingénie à les identifier à des personnages contemporains. Mais le dessein de l’auteur est plus vaste; en artiste, il crée des types classiques, comme l’a fait Molière: l’étourdi, l’avare, l’hypocrite, le prétentieux... Etudiant les vices et les ridicules des individus, il peint la société dont ils sont le reflet; il stigmatise les grands, orgueilleux et inutiles, les juges, vénaux, les financiers, exploiteurs d’un peuple dont il plaint la misère, les libertins, libres penseurs. Son éthique est celle de l’«honnête homme». Dans la fameuse querelle des Anciens et des Modernes, il prend le parti des Anciens et le déclare dans son discours de réception à l’Académie (1693). Il soutient l’opinion de Bossuet avec ses Dialogues sur le quiétisme (inachevés, 1699). C’est donc l’homme d’un seul ouvrage, mais d’un ouvrage immortel. Dans la grande lignée des moralistes français, Jean de La Bruyère est le premier qui ait analysé le comportement humain avec la lucidité d’un naturaliste; il l’a fait dans un style admirable de concision, usant de la phrase courte, vive et pleine de malice, que l’on retrouvera au siècle suivant chez un Voltaire.
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