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Mounet-Sully - 1841-1916
Le «Delacroix du théâtre»
On a beaucoup loué l’acteur Mounet- Sully. Peladan l’appelle le «Delacroix du théâtre», ajoutant que la langue française n’a pareillement resplendi sur d’autres lèvres. Barbey d’Aurevilly le compare à Talma; en effet, depuis Talma, jamais un tragédien n’a connu un tel succès ni déchaîné un tel enthousiasme. La vocation de Jean Sully a été tardive. Né à Bergerac en 1841, il se destine tout d’abord à l’austère carrière de pasteur protestant et poursuit de longues études théologiques. Puis, à 25 ans, il se sent attiré par l’art dramatique. Il entre au Conservatoire où il est l’élève de Bres- sant; son talent n’est pas reconnu d’emblée; sa manière surprend. Au concours de juillet 1868, le jury ne lui accorde qu’un second prix de comédie pour le rôle de Clitandre et un accessit de tragédie pour Oreste. Sully entre ensuite à l’Odéon où on le remarque peu. Le découragement l’envahit; il s’apprête à quitter les planches lorsqu’on l’engage à la Comédie-Française en 1872. Il fait des débuts éclatants dans Andromaque et le Cid. En 1873, il triomphe en interprétant Didier de Marion De Lorme. L’année suivante, il devient sociétaire de la Comédie-Française: c’est la gloire. Mounet-Sully éclaire la tragédie d’une lumière nouvelle; il «osa le cri du fauve dans l’économie si rigoureuse de Racine et ce cri fut juste», note Peladan. L’artiste jouit d’extraordinaires moyens physiques et vocaux; servi par une voix puissante, il a le sens du geste; acteur inspiré, il donne à ses personnages une dimension stupéfiante. Le spectateur est ébloui: «Presque toujours, Dieu le visitait à un moment du drame... tout l’appareil théâtral s’évanouissait; il semblait que le plafond de la salle s’ouvrait pour laisser descendre des forces mystérieuses et écrasantes sur cet homme revenu du fond des âges», écrit Antoine. Entièrement dévoué à son art, Mounet- Sully considère son métier comme un sacerdoce et se donne totalement 'à ses rôles. On attend chacune de ses apparitions avec impatience. Il interprète brillamment les héros de Racine, de Corneille, de Shakespeare, des drames romantiques, notamment Oreste, Ham- let et, surtout, Œdipe roi. En 1916, à la mort de l’artiste, Peladan écrit: «Oui, c’était un lion, et non pas au figuré; il posait le pied, il rugissait comme le fauve; il écrasait l’interprétation malgré le talent des autres artistes parce qu’il jouait à la grecque et que, seul, il en avait la force et le génie...»
Tags : sully, mounet, 1916, tragedie, 1841
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