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Les soldats algériens en 1914-1918
Les Algériens ont laissé 26OOO des leurs sur les champs de bataille d'Orient et d'Occident de la r guerre mondiale. Dès les premiers jours d’août 1914, tirailleurs et spahis embarquent pour la France. Le 14 juillet 1919. Ils défilent sur les Champs-Elysées aux côtés des Alliés.
Au cours de la première guerre mondiale, les tirailleurs et spahis algériens ont mené, avec les soldats français, les mêmes combats dans les mêmes conditions pour la libération de la France. De la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette aux champs de bataille de l’Hartmannswillerkopf, en passant par l’ossuaire de Douaumont, le sacrifice consenti par les troupes d’Afrique du Nord, et plus particulièrement par les Algériens, est encore de nos jours perceptible. Les nombreuses stèles musulmanes des cimetières militaires et les monuments commémoratifs érigés en leur honneur célèbrent leurs faits d’armes.
À la veille de la guerre, les Algériens servant dans l’armée française se répartissent au sein des troupes à pied, les tirailleurs, surnommés Turcos depuis la campagne de Crimée en 1854 et, dans les troupes à cheval, les fameux spahis.
Ces unités, encadrées conjointement par des officiers algériens et français, sont composées presque exclusivement d’Algériens en ce qui concerne les militaires du rang. À la mobilisation, un peu plus de 30 000 Algériens servent dans l’armée française.
Ce sont pour l’essentiel des engagés auxquels se joint une minorité d’appelés et de réservistes. Cette situation évolue au cours de la guerre, puisque au total la France incorpore dans son armée, entre 1914 et 1919, plus de 80 000 appelés et 60 000 rengagés algériens. En conséquence, de nouveaux régiments d’infanterie et de cavalerie sont créés entre 1914 et 1919, doublant à la fin de la guerre la totalité des unités disponibles au début du conflit.
Dès les premiers jours d’août 1914, à la demande du ministère de la Guerre, les premiers bataillons de tirailleurs algériens et quelques escadrons de spahis embarquent pour la France. Ce sont des troupes d’élite. Elles ont l’expérience de la guerre, car elles ont participé à la pacification de l’Empire. Sur les 40 bataillons de tirailleurs algériens et tunisiens, 32 rejoignent d’emblée la métropole. Les autres demeurent en Afrique du Nord pour parer une éventuelle rébellion au Maroc ou dans les confins sahariens. Débarqués en France, ces soldats sont dirigés vers le Nord et l’Est. Ils découvrent une guerre et un ennemi jusqu’alors inconnus.
Face aux coups de boutoir de l’armée allemande, l’armée française connaît des premières semaines difficiles et parfois atroces. Le feu allemand provoque des hécatombes dans les rangs français et les tirailleurs ne sont pas épargnés, notamment à Charleroi, en Belgique, en août 1914. Leur attitude au combat est saluée dans une dépêche officielle du 26 août 1914 : « La rencontre formidable des tirailleurs algériens avec les forces ennemies qu’ils abordèrent sous la mitraille avec une furie inexprimable [est remarquable] [...] Les Turcos ont fait une charge à la baïonnette pendant trois kilomètres sous le feu des mitrailleuses. Rien ne les arrêta. » Mais rien n’y fait et l’armée française doit battre en retraite. Alors que la situation des troupes françaises paraît désespérée et que le commandement allemand pense tenir la victoire, la contre-offensive de la Marne, en septembre 1914, permet d’arrêter et de repousser les armées allemandes. Les tirailleurs et les spahis s’illustrent dans cette contre-offensive, qualifiée comme une « [...] chose avec laquelle nous n’avions jamais appris à compter », d’après le général allemand Von Kluck (1849-1934), commandant la lre armée allemande pendant la bataille. La brigade de spahis contribue au succès de l’opération. Constituée le 9 septembre
1914 par la réunion du 4e régiment de spahis tunisiens et d’escadrons des 1er, 3e et 5e régiments de spahis algériens, elle est sous les ordres du colonel Martin de Bouillon. Elle entre en action dès le 12 septembre 1914 et prend part à la poursuite consécutive à la bataille de la Marne. Elle franchit l’Aisne près de Vic-sur-Aisne, rejoint les Allemands à Moulins-sous-Touvent (Oise) et opère des reconnaissances capitales pour l’état-major sur les hauteurs entre l’Aisne et l’Oise, notamment dans le secteur de Carlepont dans l’Oise.
Mais les régiments français ont beaucoup souffert des deux premiers mois de guerre. Ils sont disloqués, les hommes sont épuisés. Depuis le début des hostilités, les pertes sont importantes et les tirailleurs et spahis, au même titre que les “métro” ne sont pas épargnés. Les renforts venus d'Afrique du Nord, constitués par les jeunes engagés, n’ont la plupart du temps aucune instruction militaire. Le 21 septembre
1914, après le combat de Tracy-le- Mont dans l’Oise, l’effectif de deux bataillons de tirailleurs constantinois de la 74e brigade et 37e division d’infanterie tombe à moins de 500 hommes.
À la fin de l’année 1914, les troupes françaises, très éprouvées par les combats, sont confrontées aux rigueurs du climat. Les gelures, notamment les pieds gelés, et les affections respiratoires telles que les bronchites sont fatales pour de nombreux soldats. La conjonction de ces éléments a des conséquences inévitables sur le moral des combattants. Ici et là, des problèmes disciplinaires, des désertions, des mutilations volontaires apparaissent. Elles n’épargnent aucun type d’unité.
Devant cette situation, le commandement décide d’agir et propose des solutions en fonction des particularités de chaque corps de troupe. L’année
1915 est un tournant pour les Algériens. Plusieurs régiments sont retirés du front pour être réinstruits, et remis en condition. Lorsqu’ils sont instruits, vers le mois d'août 1915, les Algériens remontent au front. Ils sont de nouveau prêts pour prendre part aux grandes offensives qui se préparent, notamment en Artois et en Argonne. En septembre 1915, le commandant de la 74e brigade, le général Degot, peut rapporter à propos d’un régiment algérien durement touché par les combats de 1914, que « les tirailleurs ne reculent jamais : le 3e régiment de tirailleurs, après avoir perdu en deux jours 38 % de son effectif, conserve un moral excellent. »
Pendant toute la guerre, les tirailleurs et spahis algériens, coude à coude avec leurs frères d’armes métropolitains, combattent et meurent pour la France en dépit des appels à la guerre sainte lancés par l’Empire ottoman et de la propagande allemande. Alors qu’en France on avait quelques craintes, au début de la guerre, quant à la loyauté des Algériens musulmans, celle-ci ne fait pas défaut. Le maréchal Pétain écrit, en 1918, à propos du 1er régiment de tirailleurs algériens qu’il s’agit d’un « régiment indigène de haute valeur, dont le loyalisme a toujours égalé la bravoure ».
Qu’ils appartiennent à l’armée d’Orient ou qu’ils combattent sur le front occidental, les Algériens ont été de toutes les grandes batailles de l’armée française de la première guerre mondiale. Ils se sont distingués à Monastir (aujourd’hui Bitola en Macédoine), dans l’enfer de Verdun, sur la Somme en 1916, ou encore au chemin de Dames en 1917. Ils ont suscité l’admiration dans des engagements célèbres tels que la Caverne du dragon ou la Malmaison dans l’Aisne.
Leur ardeur au combat est maintes fois rappelée, comme en témoignent les archives du Service historique de l’armée de terre (SHAT). Un rapport émanant du 8e régiment de tirailleurs algériens du 18 décembre 1916 est significatif : « Les chefs de section sont obligés de réfréner l'ardeur de leurs
hommes qui, ne se souciant pas de la ligne d’éclatement de notre artillerie, dont on se rapprochait de plus en plus, n’avaient tous qu’une pensée, “prendre le boche”. »
Les tirailleurs et les spahis ont l’honneur de défiler sur les Champs- Elysées le 14 juillet 1919 aux côtés des Alliés, portant fièrement leurs drapeaux et étendards chargés de décorations.
Le drapeau du 7e régiment de tirailleurs algériens, une des unités françaises des plus décorées, est orné de six inscriptions de batailles. Elles attestent, de la part prise par les tirailleurs dans les batailles de la Grande Guerre : Artois
1915, Champagne 1915, Verdun 1917, Soissonnais 1918, Picardie 1918, Aisne 1918. Qualifié par le général Mangin, en 1918, de « régiment d’élite, toujours fidèle à ses belles traditions d’héroïsme », le 7e régiment de tirailleurs algériens est le premier régiment indigène à recevoir la fourragère rouge (fourragère Légion d’honneur 1914-1918). La cravate de son drapeau est décorée de la croix de la Légion d’honneur en 1919, de la croix de guerre 1914-1918 avec six palmes et une étoile de vermeil.
Avec près de 26 000 soldats morts pour la France sur les champs de bataille d’Orient et d’Occident, les Algériens eurent des pertes égales aux meilleurs régiments d’infanterie métropolitains. Les tirailleurs et spahis algériens ont été pendant plus de quatre ans mêlés à toutes les batailles de la première guerre mondiale, au sein de l’armée française et sans distinction de race ni de religion. La devise du 2e régiment de tirailleurs algériens résume bien à elle seule l’esprit des Algériens de 14, soldats de la liberté : « Dieu est avec nous, pour notre drapeau et pour la France. »
Lieutenant Michaël Bourlet Service historique de l’armée de terre
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