• Le massacre de Wassy 1er mars 1562

    Le détonateur

    Face aux rapides progrès du protestan­tisme, l’édit de Janvier (1562) consacre le ralliement de la monarchie à une poli­tique de tolérance: Catherine de Médicis et le chancelier Michel de L’Hospital évo­luent vers la reconnaissance presque abso­lue de la liberté de culte. De leur côté, les Guise, inquiets, cherchent à gagner les princes luthériens d’Allemagne pour isoler les protestants français. A l’entre­vue de Saverne, en février 1562, l’idée d’une «solution à l’allemande» prend corps. Une issue pacifique des troubles religieux est-elle possible? La journée sanglante de Wassy vient tout compro­mettre. Le dimanche 1er mars 1562, se rendant de Joinville à Paris, le duc de Guise passe par Wassy, ville close, où les ré­formés sont nombreux. Il entend la messe dans l’église du lieu, mais près de 500 réformés, ses sujets pour la plupart, célèbrent le culte dans une grange. Pro­vocation? bravade? Une altercation a lieu. A l’approche du duc et de son escorte, elle dégénère en véritable mas­sacre; les réformés qui veulent s’enfuir par les toits sont arquebusés «comme des pigeons»; il y a 23 morts et plus de 100 blessés. Les conséquences de cet acte sauvage sont incalculables: il marque le début des scènes de violences qui dureront pendant un demi-siècle. Les princes alle­mands sont consternés; il leur devient difficile de croire aux intentions conci­liatrices du duc de Guise et du cardinal de Lorraine. A Paris, le parti catholique clame son enthousiasme et s’organise. Le duc de Guise fait une entrée triom­phale dans la capitale. Le prévôt des marchands l’accueille à l’hôtel de Guise et lui offre 20000 hommes pour «paci­fier» le royaume. Alarmés, les protes­tants s’arment pour tirer vengeance de ce meurtre qui rompt la paix. Condé, devenu seul chef depuis la défection du roi de Navarre et séduit par les promes­ses espagnoles, recrute des troupes et quitte Paris malgré une lettre de Cathe­rine qui lui recommande «la mère, les enfants, le royaume». C’est la fin de la politique d’équilibre de la reine mère: ramenée de Fontaine­bleau à Paris par les chefs du parti catholique qui la tiennent prisonnière, elle est contrainte de diriger les opéra­tions diplomatiques et militaires antipro­testantes. Sanglante journée, le massacre de Wassy apparaît comme un de ces moments fatals de l’Histoire où la pres­sion des événements l’emporte sur le calcul des hommes.


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    Le sac de Rome Mai 1527

    Les nouveaux Vandales

    En mai 1527 est commis un véritable crime contre l’humanité et la civilisa­tion: le sac de la Ville étemelle. Cet acte de vandalisme est un épisode de la riva­lité entre François Ier et Charles Quint. En 1525, la défaite du roi de France, à Pavie, a alarmé l’Europe; à Cognac, une Sainte Ligue a réuni, autour du Capé­tien, une partie de l’Angleterre et les Etats italiens, dont Rome. Le pape Clément VII, un Médicis, rêve d’une Italie fermée aux étrangers. La guerre reprend dans la péninsule. L’armée impériale, commandée par l’ex-con- nétable de Bourbon, transfuge des armées françaises et qui a porté dans le camp ennemi ses frustrations et ses ambitions, est entrée dans Milan. Elle est rejointe par les lansquenets alle­mands commandés par un condottiere, le farouche luthérien Georg von Frunds- berg. Ce dernier a fait une promesse à ses troupes: «J’espère vous faire bientôt tous riches du sac de la superbe Rome.» Les bandes allemandes, espagnoles, ita­liennes, déferlent vers la Ville éternelle. Rome est un symbole: pour les uns, de la richesse et de la volupté de la Renais­sance; pour les autres, de la corruption d’une «Babylone moderne» nourrie des dépouilles du monde chrétien, notam­ment de celles de «la nation allemande». C’est donc une revanche que cherchent les futurs vainqueurs qui campent, dès le 5 mai 1527, sous le Monte Mario. Ils attaquent le 6. Le Bourbon, auquel l’astrologue Cornélius Agrippa a prédit «une gloire immense», trouve la mort. Huit jours durant, affublés d’ornements pontificaux, de mitres de cardinaux, s’adonnant à des parodies de proces­sions, les soldats se livrent à leurs pas­sions déchaînées: les tombes de la basi­lique Saint-Pierre sont ouvertes; la cha­pelle Sixtine est transformée en écurie; le Tibre charrie des cadavres mutilés. Au départ des Impériaux, la peste et la famine sévissent. Réfugié avec les cardinaux au château Saint-Ange, le pape est finalement con­traint de se rendre au prince d’Orange, successeur du duc de Bourbon. Les conséquences du sac de Rome sont plus morales que politiques: abandonné par ses alliés, le pape se rapproche de Charles Quint, désireux de se faire par­donner les excès de la soldatesque; Venise sert alors de refuge aux artistes et aux lettrés, dont certains voient dans la ruine de la ville le juste châtiment de ses fautes. L’essentiel demeure dans l’impression d’horreur ressentie par le peuple chrétien: le viol de la Ville éter­nelle remet en cause des valeurs sûres, telle la notion de «sacré», change la manière de voir le monde, de le conce­voir, et semble annoncer pour Rome une nouvelle naissance.


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    La journée des Barricades 12 mai 1588

     «Ville ingrate...!»

     

    Le 13 mai 1588, Henri III, avec ses courtisans et ses conseillers demeurés fidèles, s’éloigne de Paris couvert de barricades. Il est plein d’amertume face au soulèvement populaire qui lui ravit sa capitale. Comment s’est produit ce divorce entre Paris et le gouvernement monarchique? Les origines sont à la fois lointaines et proches: d’une part, la politique modé­rée du monarque qui s’efforce de main­tenir un certain équilibre entre les for­ces religieuses; de l’autre, l’importance croissante prise par le mouvement ligueur dans Paris; les prédicateurs font rage dans les chaires; l’exécution, en Angleterre, de Marie Stuart est exploitée en faveur du catholicisme par la duches­se de Montpensier, sœur d’Henri de Guise. En «l’heureuse journée Saint- Séverin» où trois prédicateurs sont libé­rés par la foule, la Ligue prend cons­cience de sa force. Le mécanisme de la révolte qui couve est déclenché par l’arrivée du duc de Guise qui pénètre dans Paris malgré la défense royale et se rend au Louvre où la reine mère s’entremet. Henri III fait rentrer dans Paris gardes-françaises et troupes suisses qui, à la place de la mili­ce bourgeoise qui s’est retirée, occupent les points stratégiques. L’alarme est donnée dans Paris: le quartier de l’Uni- versité, le plus ardent, s’agite le premier; Boucher prêche la guerre sainte aux écoliers. Paris se croit menacé d’une exécution. Le soulèvement devient géné­ral: le 12 mai, la Cité se couvre de barri­cades, l’université et la ville de même. Les troupes sont bloquées, puis capitu­lent devant l’offensive des bourgeois. Une échauffourée survient. Guise, sans armes ni cuirasse, apaise les troubles. On crie: «Vive Guise!» Le lendemain, le roi profite d’une promenade aux Tuile­ries pour quitter le Louvre que les émeu- tiers s’apprêtent à investir; il se rend à Chartres. Les conséquences de cette rupture entre le roi et sa capitale sont importantes: Guise prend le pouvoir à Paris et main­tient l’ordre; il occupe la Bastille, l’Arse- nal et le château de Vincennes; une nou­velle municipalité est élue et se met en relation avec les «bonnes villes» du royaume. Une délégation des corps constitués est envoyée chez le roi pour le gagner à l’ordre nouveau. Henri III, résolu ou secret, cède et signe à Rouen l’édit sur l’Union de ses sujets catholi­ques, enregistré à Paris le 21 juillet. Il y réitère le serment prêté à son sacre de bannir du royaume toutes les hérésies, accorde l’amnistie pour les faits des 12 et 13 mai, maintient dans leurs charges les élus de la révolution. Il confère au duc de Guise le titre de lieutenant géné­ral. Concessions d’un moment face à l’insurrection populaire: dans le silence, le roi humilié prépare sa revanche.


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  • L’affaire des placards 16-18 octobre 1534

    Une provocation ou un défi..

    Le développement de la Réforme fran­çaise et la lutte de la monarchie contre les adversaires de l’Eglise de Rome ne se sont pas faits de façon continue. Au contraire, à l’origine, on a pu croire à une certaine sympathie de la part du roi, conseillé par sa sœur Marguerite d’Angoulême, reine de Navarre, à l’égard du renouveau évangélique, mal­gré le concordat de Bologne (1516) qui plaçait l’Eglise de France dans la main du monarque. En 1534 s’ouvrent des négociations de paix en vue d’un rap­prochement des Eglises. Mais dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, des «escripteaux» sont affichés dans les carrefours à Paris, dans les vil­les principales, Blois, Orléans, Rouen, Tours, et jusqu’à Amboise, sur les por­tes de la chambre du roi. Le titre? «Les articles véritables sur les horribles, grands et importables abus de la messe papale, inventée directement contre la saincte Cène de Nostre Seigneur.» Le texte, attribué à Antoine Marcourt, pasteur de Neuchâtel, est d’une grande violence: il condamne «cette pompeuse et orgueil­leuse messe papale... séduction du peu­ple». La prédication de l’Evangile est rejetée et empêchée, «le temps est occu­pé en sonneries, hurlements, chanteries, vaines cérémonies, luminaires, encense­ment, déguisement et telles manières de sorcelleries». D’autres placards furent affichés à Paris le 13 janvier 1535, «pa­reils aux premiers ou plus exécrables». Défi ou provocation? œuvre d’extrémis­tes soucieux de faire échouer les tentati­ves de conciliation au moment même où elles semblaient réussir? Stupeur et colè­re chez les catholiques, indignation des corps constitués qui incriminent la man­suétude royale. La répression s’abat, fé­roce. Libraires et imprimeurs sont pour­suivis, pêle-mêle avec des hommes de loi, des marchands, des artisans, des gens d’Eglise, au hasard des clameurs de la rue, des dénonciations, des propos imprudents. Le 13 novembre, un paraly­tique, Milon, est conduit au bûcher; le lendemain, un riche drapier, Jean Du Bourg: première fournée, œuvre du par­lement. En décembre, blessé dans sa dignité, déçu dans ses espérances, le roi prend le relais et se montre impitoyable: «On ne scauroit me faire chose plus agréable que de contynuer en sorte que cette mauldicte et abominable secte ne puisse prendre pied ni racine en mon royaulme.» Les dés sont jetés, les potences sont dressées, les bûchers flambent, les pro­cessions se multiplient. La politique de rapprochement avec les princes protes­tants est abandonnée pour un temps. La barbarie déchaînée, sacrifiant à l’unité de la foi les tenants de la religion nouvel­le, multiplie les martyrs, indigne l’Euro­pe, creuse le fossé qui va conduire aux guerres de religion.


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    Les places de sûreté - 1570-1622

    Un cadeau empoisonné

    «Mettre, par un dangereux exemple, plusieurs villes et plusieurs places fortes entre les mains des protestants pour leur servir de sûreté», telle est la disposition, condamnée par l’historien de Thou, prise au traité de Saint-Germain (1570) et qui met fin à la troisième guerre de religion. Les places déjà occupées et reprises aux protestants leur seront rendues; La Rochelle, Montauban, Cognac, La Charité leur sont octroyées pour deux ans. Ces places ne seront pas rendues; les différentes assemblées protestantes en demanderont même, au hasard des vicissitudes de la guerre, le maintien ou l’extension: huit places par la paix de Beaulieu, onze places au traité de Né- rac. Ensuite, on négocie des échanges et restitutions. Les articles secrets de l’édit de Nantes (1598) renferment les pres­criptions suivantes:

     

    1.    Toutes les places, villes et châteaux occupés par les réformés en août 1597 demeureront en leur garde sous l’autori­té et obéissance de Sa Majesté pour l’es­pace de huit ans (elles sont nombreuses dans l’Ouest et le Midi).

    2.    Pendant la durée de la cession, une somme de 180000 livres sera accordée par le roi pour l’entretien des troupes en garnison.

    3.    Les gouverneurs et capitaines des places seront nommés par le roi, après attestation «qu’ils sont de la religion ré­formée et hommes de bien». Parmi les places occupées en 1598, on peut distinguer:

     

    -les places de sûreté proprement dites, dont l’état est dressé par Henri IV à Rennes en mai 1598, comme La Ro­chelle, Montpellier, Montauban, etc.; -les places «de mariage», petites places comprises dans l’entretien des autres, comme Vitré et Beaufort, dépendant de la garnison de Saumur; -les villes libres royales qui n’ont point de garnison, comme Sainte-Foy; -les places particulières appartenant à des seigneurs, comme Josselin et Rohan à M. de Rohan, y compris les places du Dauphiné. Ces stipulations accordent aux réformés une sécurité exceptionnelle et les arment pour une éventuelle résistance politique et militaire. Mais elles représentent pour eux, par contre, une lourde charge en argent et en hommes, car la contribu­tion royale est maigre et incertaine. Les places de sûreté, au moment de la régen­ce de Marie de Médicis et du début du règne de Louis XIII, deviennent rapide­ment un enjeu entre les mains de l’aris­tocratie protestante et de certains chefs ambitieux et intrigants; ceux-ci, loin d’écouter les objurgations de Duplessis- Mornay, gouverneur de Saumur, utili­sent les places pour braver l’autorité royale. Après la grande révolte du Lan­guedoc, le traité de Montpellier (1622) retire aux protestants leurs places de sû­reté ou les concède à titre précaire. C’est la fin de la tentation d’un «Etat dans l’Etat».


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