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Les suspects
L ’hystérie s’empare de la Révolution
«Il faut que nous allions chercher nos ennemis dans leurs tanières», proclamait, en pleine Terreur, Billaud- Varenne. Devant le danger d’invasion et pour éliminer les ennemis de l’intérieur, la Législative avait, en août 1792, confié la police de sûreté générale aux départements, districts et municipalités: dans chaque commune, des comités de surveillance (ou comités révolutionnaires) furent alors créés pour recevoir les dénonciations, faire des visites domiciliaires et arrêter les suspects. A Paris, plus de 3000 malheureux furent jetés en prison, d’où beaucoup sortirent pour se faire égorger. Ceux qui survécurent aux massacres de Septembre furent pour la plupart libérés.
Au printemps suivant, la situation générale s’aggrava, les comités se réorganisèrent et de nouveaux décrets parurent contre les suspects, visant les émigrés rentrés, les ci-devant nobles, les parents d’émigrés, les prêtres réfractaires, les journalistes passibles de délit de presse, etc. La Convention jugea bientôt qu’il fallait codifier tous ces décrets. La loi du 17 septembre 1793, élaborée par Merlin de Douai, énuméra les diverses catégories de coupables — c’est-à-dire tous les adversaires du régime. Etaient considérés comme suspects les partisans de la tyrannie et du fédéralisme, les ennemis de la liberté, ceux qui ne pouvaient justifier de moyens d’existence, ceux à qui le certificat de civisme avait été refusé, les parents d’émigrés «qui n’auraient pas constamment marqué leur attachement à la Révolution», etc. Chaumette allait bientôt donner une définition plus concise: «Suspect est celui qui, n’ayant rien fait contre la liberté, n’a aussi rien fait pour elle.» Tous ces criminels, ou prétendus tels, devraient être pourchassés. Aussitôt, les dénonciateurs se multiplièrent et les prisons se remplirent. Délateurs et comités rivalisèrent de zèle patriotique. Les décrets de Ventôse (février-mars 1794) stipulèrent que les biens des ennemis de la Révolution seraient séquestrés et distribués aux indigents (cette mesure ne reçut qu’un début d’application).
Les comités de surveillance montrèrent, selon les régions, plus ou moins de zèle dans leur chasse aux suspects. Dans certaines villes, l’acharnement fut terrible. Ainsi, à Nantes, près de 5000 personnes furent appréhendées, dont la moitié environ mise à mort. La situation s’aggrava avec la loi du 22 prairial an II (10 juin 1794), qui étendait la liste des justiciables du tribunal et accélérait la procédure. Dans l’ensemble, on compte environ 500000 suspects incarcérés pendant la Terreur, sans parler des personnes surveillées à domicile. Le cauchemar finit après Thermidor.
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