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    Les places de sûreté - 1570-1622

    Un cadeau empoisonné

    «Mettre, par un dangereux exemple, plusieurs villes et plusieurs places fortes entre les mains des protestants pour leur servir de sûreté», telle est la disposition, condamnée par l’historien de Thou, prise au traité de Saint-Germain (1570) et qui met fin à la troisième guerre de religion. Les places déjà occupées et reprises aux protestants leur seront rendues; La Rochelle, Montauban, Cognac, La Charité leur sont octroyées pour deux ans. Ces places ne seront pas rendues; les différentes assemblées protestantes en demanderont même, au hasard des vicissitudes de la guerre, le maintien ou l’extension: huit places par la paix de Beaulieu, onze places au traité de Né- rac. Ensuite, on négocie des échanges et restitutions. Les articles secrets de l’édit de Nantes (1598) renferment les pres­criptions suivantes:

     

    1.    Toutes les places, villes et châteaux occupés par les réformés en août 1597 demeureront en leur garde sous l’autori­té et obéissance de Sa Majesté pour l’es­pace de huit ans (elles sont nombreuses dans l’Ouest et le Midi).

    2.    Pendant la durée de la cession, une somme de 180000 livres sera accordée par le roi pour l’entretien des troupes en garnison.

    3.    Les gouverneurs et capitaines des places seront nommés par le roi, après attestation «qu’ils sont de la religion ré­formée et hommes de bien». Parmi les places occupées en 1598, on peut distinguer:

     

    -les places de sûreté proprement dites, dont l’état est dressé par Henri IV à Rennes en mai 1598, comme La Ro­chelle, Montpellier, Montauban, etc.; -les places «de mariage», petites places comprises dans l’entretien des autres, comme Vitré et Beaufort, dépendant de la garnison de Saumur; -les villes libres royales qui n’ont point de garnison, comme Sainte-Foy; -les places particulières appartenant à des seigneurs, comme Josselin et Rohan à M. de Rohan, y compris les places du Dauphiné. Ces stipulations accordent aux réformés une sécurité exceptionnelle et les arment pour une éventuelle résistance politique et militaire. Mais elles représentent pour eux, par contre, une lourde charge en argent et en hommes, car la contribu­tion royale est maigre et incertaine. Les places de sûreté, au moment de la régen­ce de Marie de Médicis et du début du règne de Louis XIII, deviennent rapide­ment un enjeu entre les mains de l’aris­tocratie protestante et de certains chefs ambitieux et intrigants; ceux-ci, loin d’écouter les objurgations de Duplessis- Mornay, gouverneur de Saumur, utili­sent les places pour braver l’autorité royale. Après la grande révolte du Lan­guedoc, le traité de Montpellier (1622) retire aux protestants leurs places de sû­reté ou les concède à titre précaire. C’est la fin de la tentation d’un «Etat dans l’Etat».


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  • Jacques Cartier et le Canada - Vers 1491-1557

    Le pionnier de la France d'outre-mer

    La jeunesse de Jacques Cartier, né pro­bablement à Saint-Malo vers 1491, est totalement ignorée. On peut penser qu'il a participé à des expéditions malouines sur les côtes du Portugal ou de Terre- Neuve. En tout cas, il jouit déjà, en 1534, d’une grande réputation quand François Ier fait appel à lui pour lui con­fier le commandement d’une petite expé­dition destinée à reconnaître, au nord de l’énorme continent américain, le passage du Nord-Ouest qui doit permettre d'atteindre directement le Cathay (la Chine). Avec deux petits navires, Jacques Car­tier appareille de Saint-Malo le 20 avril Après une traversée facile, il explore les côtes de Terre-Neuve, puis celles du Labrador, avant de découvrir la future baie de Gaspé, dont il prend possession au nom du roi de France. A son retour en France, le navigateur ramène quelques indigènes qui laissent entendre que les terres nouvelles recè­lent de prodigieuses richesses. Séduit, François Ier finance une deuxième expé­dition forte de trois bateaux, La Grande-Hermine, La Petite-Hermine et L’Emerillon. Le départ a lieu le 19 mai Au cours de ce voyage, Jacques Cartier découvre l’embouchure du Saint-Laurent, remonte le fleuve et éta­blit deux petits postes à l’emplacement des futures villes de Québec et de Montréal. Après un hivernage difficile, l’expédition regagne la France, confir­mant l’existence de grandes richesses au Canada Aux prises avec Charles Quint, Fran­çois Ier doit attendre 1541 pour organi­ser une troisième expédition forte de cinq navires. Cette fois, Jacques Cartier est placé sous les ordres d’un gentilhom­me protestant, Jean-François de La Roque de Roberval. A la tête de l’avant- garde, Jacques Cartier remonte à nou­veau le Saint-Laurent, explore le pays Hochelaga (actuel Montréal) et fait une ample moisson de pierres présumées précieuses et de pépites. Après un hiver­nage, Cartier regagne la France, se brouille avec Roberval à Terre-Neuve et arrive à la fin de l’été de 1542 à Saint- Malo. Sa désillusion est cruelle: pierres et pépites n’ont aucune valeur. En Fran­ce, la déception est d’autant plus pro­fonde que Roberval échoue de son côté dans une tentative de colonisation au Canada. Finalement, les Français vont se désintéresser du Nouveau Monde pendant plus d’un demi-siècle et il fau­dra attendre Samuel Champlain pour tenter de nouveaux voyages au Canada. Le reste de la vie de Jacques Cartier est obscur. A-t-il participé à l’expédition partie à la recherche de Roberval? En fait, il semble avoir consacré ses derniè­res années à la mise en valeur de ses ter­res bretonnes. Il mourra à Saint-Malo, le 1er septembre 1557, laissant des rela­tions de ses expéditions.


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    Jeanne d’Albret - 1528-1572

    Une reine de fer

    Fille unique du roi de Navarre Henri II d’Albret et de la sœur de François Ier, Marguerite de Valois, Jeanne d’Albret, née à Saint-Germain-en-Laye le 7 jan­vier 1528, reçoit l'éducation classique des jeunes filles de la Renaissance et acquiert une bonne connaissance des langues anciennes. En fait, Jeanne, héri­tière du royaume de Navarre, des comtés de Foix et de Bigorre, de la vicomté de Béarn, du duché d’Albret et d'autres possessions entre les Pyrénées et la Garonne, constitue un enjeu politique. La Navarre, porte d’entrée naturelle de l’Espagne dans le royaume de France, représente une zone stratégique clef. Aussi François Ier, pour éviter une éven­tuelle union de sa nièce avec un prince de la maison de Habsbourg, traite-t-il la jeune fille en otage. Il la marie à l’âge de 13 ans avec Henri de La Marck, duc de Clèves et de Juliers, alors en conflit avec Charles Quint et qui sollicite l'aide de la France. En dépit de l’opposition de Jean­ne et de ses parents, le mariage est célé­bré à Châtellerault, le 14 juin 1541. Il ne sera pas consommé et sera annulé deux ans plus tard, le duc de Clèves ayant été obligé de se soumettre à Charles Quint. Jeanne d’Albret finira par épouser, en 1548, Antoine de Bourbon, duc de Ven­dôme, union favorisée par Henri II dési­reux d’éviter un mariage avec François de Lorraine ou Philippe II d’Espagne. Elle deviendra reine de Navarre à la mort de son père, en 1555. Cultivée, intelligente, impérieuse, convertie au cal­vinisme en 1556, Jeanne s’impose à un mari inconsistant, hésitant entre le catholicisme et le protestantisme et dont la vie privée brille par le scandale. En fait, Antoine de Bourbon redoute les convoitises espagnoles et hésite à s’imposer comme le chef du parti pro­testant. En 1560, il reviendra au catholi­cisme et, à la tête de l’armée royale, lut­tera contre ses anciens coreligionnaires avant de trouver la mort devant Rouen (1562). Libérée de ce personnage falot, Jeanne d’Albret impose le calvinisme à ses Etats, élève son fils, le futur Henri IV, dans la religion réformée et tient à en faire un chef de guerre. Elle joue un rôle déterminant dans la grande aventure protestante de 1568 à 1570. A La Rochelle, elle relève le courage de Condé et de Coligny. Après les défaites de Jar- nac et de Moncontour, elle assure la dé­fense de la Navarre. Jeanne se résigne difficilement à la paix de Saint-Germain avant d’accepter de négocier, en signe de réconciliation, le mariage de son fils avec Marguerite de Valois. Elle meurt à la cour, le 9 juin 1572, pro­bablement de tuberculose, peut-être empoisonnée. Avec elle disparaît «la reine au cœur d’homme qui avait mis au service du parti son crédit, son fils, son royaume».


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    Waterloo - 18 juin 1815

    La fin...

     

    «Si mes ordres sont exécutés, nous cou­cherons ce soir à Bruxelles», déclare Napoléon aux généraux penchés sur leurs cartes dans la ferme du Gros- Caillou. En cette aube du 18 juin 1815, tous les espoirs sont permis. La partie va se jouer entre Charleroi et Bruxelles. Trois jours plus tôt, PEmpereur, prenant les devants, est entré en Belgique avec l’intention d’empêcher la. jonction des armées alliées: les Anglais de Welling­ton et les Prussiens de Blücher. Le 16, il a culbuté les seconds à Ligny, mais Ney l’a mal secondé et les vaincus ont pu s’échapper. Grouchy est parti à leurs trousses. Quant aux Anglais, ils se sont retranchés sur le Mont-Saint-Jean, plateau dominant un petit village au nom encore inconnu: Waterloo. Napoléon a pris position plus au sud, sur les hauteurs de la Belle-Alliance. Il compte bien écraser Wellington avant le retour des Prussiens. Mais la matinée du 18 se passe en attente, la pluie ayant dé­trempé le terrain. Enfin, un peu avant midi, l’attaque commence contre Mont- Saint-Jean, dont les abords sont défen­dus par des bâtiments transformés en redoutes: le château de Hougoumont, les fermes de la Haie-Sainte et de Pape- lotte. Les divisions de Drouet d’Erlon partent les premières à l’assaut contre les «habits rouges», mais l’ennemi résis­te, et elles reculent en désordre. A son tour, Ney lance des charges furieuses contre le Mont-Saint-Jean sans pouvoir entamer les lignes anglaises. Voyant le tournoiement infernal de sa cavalerie, Napoléon s’inquiète de ce massacre. Ney a-t-il perdu la tête? «Le malheu­reux! s’écrie-t-il, c’est la seconde fois, depuis avant-hier, qu’il compromet la fortune de la France!» Rien n’est pourtant perdu car on attend Grouchy, à qui l’Empereur a envoyé l’ordre de venir le rejoindre. Vers 19 heures, enfin, des troupes apparaissent vers l’est. Mais ce n’est pas Grouchy: c’est Blücher qui vient épauler ses alliés. Attaqués de front et de flanc, les Fran­çais tourbillonnent. A son tour, la cava­lerie anglaise charge. En vain Napoléon jette-t-il dans la bataille ses dernières ré­serves; ses bataillons se font culbuter et la panique grandit. Maintenant, c’est la débâcle, bientôt transformée en déroute. Pour couvrir la retraite de PEmpereur, la Vieille Garde se fait hacher sur place, tandis que l’héroïque Cambronne lance aux Anglais son mot immortel: «La Garde meurt et ne se rend pas!» La nuit est tombée lorsque Napoléon, qui a en vain cherché la mort, roule en voiture vers Paris. Il espère encore pouvoir regrouper ses fantômes de régiments et arrêter l’invasion. Ses illusions vont dis­paraître, les Chambres ne lui laissant le choix qu’entre la déchéance et l’abdica­tion.


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