• Un étrange visionnaire

    Jean-Jacques Rousseau

    Fils d’un horloger genevois, après une enfance sans éducation suivie, une ado­lescence et une jeunesse vagabondes, Rousseau aborde à 30 ans le Paris de Louis XV. C’est un autodidacte, féru de botanique et bon musicien. Il se lie avec les philosophes en vue, comme Voltaire, Diderot, Grimm, Condillac. Il se fait connaître dès 1750 par son Discours sur les sciences et les arts. Il fait jouer avec succès un opéra, Le Devin du villa­ge (1752), et publie ses oeuvres maîtres­ses au cours des quinze années suivan­tes; citons La Nouvelle Héloise, VEmile et le Contrat social. Ces deux derniers ouvrages entraînent contre lui des pour­suites à Genève comme à Paris; il est contraint, de 1762 à 1767, de mener une vie errante. A cela s’ajoutent une vie matérielle difficile et des problèmes de santé qui exagèrent son hypocondrie naturelle, malgré l’appui de protecteurs comme Mme d’Epinay et le maréchal de Luxembourg; il se brouille avec presque tous ses anciens amis. Il écrit ensuite les Confessions et les Rêveries d’un prome- néur solitaire qui ne seront publiées qu’après sa mort qui survient en juillet 1778, à Ermenonville, chez le marquis de Girardin.

     

    Rousseau est un moraliste plus qu’un philosophe. Ses idées annoncent un monde nouveau: écologiste avant la let­tre, il fait l’apologie de la vie naturelle, loin des villes qui corrompent l’individu. Pour Rousseau, l’homme naît bon; c’est la société et la civilisation qui le rendent mauvais. Il pose cette thèse dès 1755, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hom­mes; il attaque violemment le théâtre dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles (1758). La Nouvelle Héloïse, qui fit pleurer tant de beaux yeux en 1761, est le roman de l’amôur-passion, qui oppose le sentiment à la froide rai­son et se dresse contre les contraintes hiérarchiques. Rousseau prône une édu­cation rénovée pour former un homme nouveau: il la propose pour le jeune Emile du traité de l’éducation. L’influence de Rousseau sera immense; ses écrits seront la bible des assemblées révolutionnaires. Saint-Just, Marat, Ro­bespierre, George Sand au XIXe siècle seront ses lecteurs les plus assidus; les philosophes Kant, Herder, Fichte reprendront ses postulats. Dénonçant les privilèges de la naissance et de l’argent, la propriété, l’exploitation des hommes. Rousseau est le précurseur de tous les socialistes.


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  • Cet homme qu’on ne pouvait faire taire

    Voltaire

    François Marie Arouet, fils d’un notaire au Châtelet, fut un homme multiple, à la vie intense. Brillant élève des jésuites, le plus jeune poète et libertin de France sous la Régence, il est, par deux fois, emprisonné à la Bastille, en 1717 et en 1725. Parisien, il est, la plupart du temps, forcé de s’éloigner de Paris. De 1726 à 1729, il séjourne en Angleterre. Pendant dix ans (1734-1744), il est réfu­gié à Cirey, en Lorraine, chez Mme du Châtelet, puis l’hôte de Frédéric II à Berlin (1750-1753). Quand il s’installe enfin chez lui, pour les vingt dernières années de sa vie, c’est, prudemment, à deux pas de la Suisse.

    Parfois mondain et courtisan, protégé de Mme de Pompadour, historiographe du roi et académicien (1746), il reste frondeur et rebelle. Il mène de front une gigantesque activité littéraire et amasse, par d’habiles spéculations financières, une fortune considérable. A l’occasion cruel, il sait se montrer philanthrope, grand bourgeois et philosophe combat­tant; il sera un bon seigneur qui enrichit son village du pays de Gex par la créa­tion de fabriques de montres et de bas de soie. Enfin, il termine sa vie, révéré par toute l’Europe pensante, comme le «roi-Voltaire», le «patriarche» que l’on vient saluer à Ferney. Et il meurt, après avoir été couronné par une foule enthousiaste lors de son retour à Paris, en 1778, pour la reprise de sa pièce Irè­ne, à la Comédie-Française.

    Son œuvre est énorme. Peu d’écrivains ont été aussi féconds. Il a abordé tous les genres: théâtre, roman, poésie, essai, histoire, conte, nouvelle, épigramme, pamphlet, correspondance (10000 let­tres), dans un style clair, vif, mordant, dans le français le plus pur. Tout lui est prétexte à exposer sa philosophie. Il le fait particulièrement dans les Lettres sur les Anglais (1734), le Traité de la tolé­rance et le Dictionnaire philosophique (1764).

    En politique, anglomane à la mode, il est partisan d’une monarchie constitution­nelle, libérale, utilitaire, efficace. En reli­gion, ennemi du cléricalisme, du fanatis­me, de la superstition, c’est un rationalis­te teinté de déisme. Sa morale s’appa­rente à l’humanisme. Elle exige justice, liberté, tolérance. Par la plume et l’action, Voltaire prend la défense des victimes, de l’arbitraire: Calas (1762), Sirven (1764), Lally-Tollendal (1766).

     

    Il conseille à d’Alembert: «Marche en ricanant sur le chemin de la vérité.» Pour lui, l’important est de ne pas être dupe et, en premier lieu, de soi-même. Le doute et la moquerie vous y aident. L’esprit voltairien est une morale de l’ironie. On la trouve, éclatante, dans Micromégas (1752) et Candide (1759). Les idées de Voltaire sont dans l’air du temps; elles reflètent l’esprit nouveau dont il est le porte-drapeau. Sa voix hau­te, son génie ont contribué à cette révo­lution des esprits qui a caractérisé le «siècle des lumières».


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  • Jean-Baptiste Lully

    Travailleur acharné, habile courtisan, génial musicien, à la fois objet de haine et d’admiration, Lully doit à l’amitié et aux faveurs du roi une réussite sans pareille. La musique de Lully participe essentiellement à la grandeur de Ver­sailles.

     

    Fils d’un meunier de Florence, Jean- Baptiste entre à 14 ans au service de Mlle de Montpensier. En 1652, il fait partie de la Musique de la cour comme violoniste, acteur et ballerin. Louis XIV adolescent est un danseur passionné; le jeune Italien devient son partenaire pré­féré; il est autorisé à former son propre orchestre, les «Petits Violons». Lully s’initie à la technique musicale auprès de grands organistes comme Roberday; il peut ainsi composer les airs de ses bal­lets. Le plus fameux d’entre eux, Le Bal­let de la nuit (1653), accroît sa renom­mée déjà grande. En 1661, naturalisé français, Lully devient surintendant et compositeur de la Musique du roi; il impose son style à tous les autres musi­ciens. De 1664 à 1671, il collabore avec Molière: Le Mariage forcé, La Princes­se d’Elide, L’Amour médecin, George Dandin, Monsieur de Pourceaugnac, Le Bourgeois gentilhomme, sont en partie des comédies musicales avec ballets; Psyché, de 1671, est déjà presque un opéra.

     

    C’est d’ailleurs Lully qui a créé l’opéra français, tragédie musicale en cinq actes dont chacun, précédé d’un prologue, comprend un ballet. Dégagé de tout ita­lianisme, Lully compose une musique proprement française, à la mesure du Grand Siècle: elle est solennelle, entre- coupée de mouvements vifs; son harmo­nie est claire et ses airs assez simples pour que le grand public puisse les rete­nir. Avec Lully, les chœurs deviennent plus importants que jamais et la fonc­tion de l’orchestre est nettement orne­mentale: Lully n’hésite pas à enrichir un ensemble de cinq cordes par des instru­ments à vent, des fifres, des cors de chasse, des trompettes triomphales. En 1672, il obtient le privilège de fonder l’Académie royale de musique; il l’ins­talle au Palais-Royal l’année suivante; il y fait jouer ses grands opéras, dont les livrets sont généralement de Quinault et dont les sujets sont parfois suggérés par le roi. Ainsi se succèdent Cadmus et Hermione que l’on peut considérer comme le premier opéra français (1673), Alceste et Thésée (1675), Atys (1678), Bellérophon (1679), Le Triomphe de l’Amour en 1681. A cette date, Lully reçoit l’honneur suprême d’être nommé secrétaire royal. D’autres œuvres suivent: Phaéton (1683), Ama- dis (1684), Armide (1686), son chef- d’œuvre, et, enfin, Acis et Galatée, une pastorale donnée l’année de sa mort, en 1687. De belles pièces de musique sacrée s’ajoutent à cette œuvre considé­rable. L’influence de Lully sera profonde et durable; on la retrouvera chez Rameau et, au siècle suivant, chez Gluck.


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