• La campagne de Russie 1812

    La fin de la Grande Armée

    Massée sur la rive gauche du Niémen, l’immense armée aux éléments hétérocli­tes s’apprête à s’enfoncer dans les plai­nes russes. «Celui qui aurait pu m’épar­gner cette guerre m’aurait rendu un grand service, mais enfin la voilà, il faut s’en tirer», confie Napoléon à Savary. Pourquoi cette guerre? Apparemment resserrée à Erfurt, en 1808, l’alliance franco-russe s’est effritée. L’Empereur reproche au tsar de violer le blocus con­tinental; Alexandre s’irrite des nouvelles annexions effectuées par Napoléon en Allemagne et craint de voir renaître le royaume de Pologne. Prévoyant le con­flit, il fait la paix avec les Turcs et signe un accord avec la Suède. De son côté, Napoléon conclut des alliances — bien éphémères — avec l’Autriche, la Prusse et les pays du Rhin. En même temps, il concentre en Allemagne son armée d’invasion. En avril 1812, le tsar envoie à Paris un ultimatum: l’Empereur le repousse. Le 24 juin 1812, Napoléon traverse le Niémen et s’engage sur la route fatale. Les généraux russes Barclay de Tolly et Bagration refusent le combat, faisant le vide devant les envahisseurs. A Smo- lensk, le conquérant croit tenir ses enne­mis, mais de nouveau ils se dérobent. Enfin, le 7 septembre, il bat Koutousov à la Moskova (ou Borodino), victoire sanglante et inutile puisque les Russes réussissent à s’échapper. Une semaine plus tard, il arrive à Moscou et s’installe au Kremlin, convaincu qu’Alexandre va implorer la paix. Cruelle déception: Napoléon doit fuir la ville ravagée par l’incendie (le gouverneur Rostopchine a fait enlever les pompes) et lorsqu’il revient à Moscou il voit ses avances au tsar déclinées. Le 19 octobre, après avoir perdu un temps précieux en vaine attente, il se résout à la retraite. Pour éviter les régions déjà dévastées par sa propre armée, il descend vers le sud, mais se heurte à Koutousov et doit reprendre la route de Smolensk. Le froid chaque jour plus rigoureux, le manque de vivres, le harcèlement des Cosaques déciment les colonnes. Les souffrances de la Grande Armée deviennent atroces. Au passage de la Berezina (25-29 no­vembre), le gros des troupes échappe de peu à la catastrophe, tandis que Ney fait des prodiges de valeur à l’arrière- garde. Quelques jours plus tard, la nou­velle de l’affaire Malet pousse Napoléon à partir en avant en traîneau: il passe le commandement à Murât, bientôt rem­placé par Beauharnais, qui ramènera au-delà du Niémen les misérables débris de la Grande Armée. Les Français apprendront par le terrible XXIXe bul­letin l’ampleur du désastre. Napoléon avait perdu 400000 hommes, et plus de 100000 prisonniers.


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    La Légion d’honneur 1802

    Une nouvelle chevalerie

     

    En 1789, la Révolution supprime tous les ordres de chevalerie et, par consé­quent, toutes les décorations. Elle consi­dère celles-ci comme des survivances de l’Ancien Régime. Napoléon Bonaparte, devenu Premier consul, entend établir une nouvelle noblesse, issue de la bourgeoisie et des militaires qui l’ont porté au pouvoir. Aussi, dès février 1802, lors d’une ré­ception au château de Malmaison, il parle de créer un ordre de la Légion d’honneur, qui récompenserait non seu­lement les mérites des soldats, mais éga­lement ceux des civils, des fonctionnai­res, des diplomates, des magistrats, des savants et des citoyens éminents. Les deux Assemblées, le Conseil d’Etat et le Tribunat, s’opposent très vivement à ce projet qui, pensent-ils, rétablirait l’aris­tocratie sous une autre forme. Repoussant ces objections, Bonaparte déclare: «Je défie qu’on me montre une république ancienne ou moderne dans laquelle il n’y a pas eu de distinctions. On appelle cela des hochets. Eh bien, c’est avec des hochets qu’on mène les hommes!» Le 19 mai 1802, la Légion d’honneur est créée par décret; ses membres ont le droit de toucher un traitement et d’avoir certains privilèges dans la société fran­çaise. L’ordre «doit être dévoué au service de la République, au maintien de l’intégrité du territoire, à la défense du gouverne­ment et des lois; il doit combattre par tous les moyens les tentatives de rétablir le régime féodal, concourir de tout son pouvoir au maintien de la liberté et de égalité». La première promotion date du décret impérial du 14 juillet 1804; elle com­prend 6000 personnes qui reçoivent leur décoration en l’église des Invalides. Le premier grand chancelier de l’ordre est un civil, le savant Lacépède. La Lé­gion est formée de quinze cohortes; cha­cune comprend sept grands officiers, vingt commandants, trente officiers et trois cent cinquante légionnaires. Le 9 janvier 1805, un décret impérial établit une nouvelle classe dans l’ordre, celle des grands aigles qui deviendront plus tard les grands-croix. A cette épo­que, l’effectif des grands aigles ne doit pas dépasser soixante personnes.


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  • Le camp de Boulogne 1803-1805

    L'invasion de l'Angleterre?

    Dès le début de son Consulat, en 1800, Bonaparte est décidé à débarquer en Angleterre. Il rassemble à Boulogne, face aux côtes anglaises, une armée de quelque 120000 soldats. Mais les diffi­cultés intérieures et la paix d’Amiens l’amènent à renoncer à son projet; il le reprend en 1803, après la rupture de cette paix et la nouvelle menace an­glaise. Napoléon Bonaparte a conscience que la flotte française est insuffisante pour s’opposer à celle des Anglais et pour assurer un débarquement victorieux. Il a donc fait construire près de 2000 cha­loupes, véritables péniches de débarque­ment à fond plat et capables de trans­porter 150000 hommes, 11000 che­vaux et 450 canons. Cette armada est commandée par le vice-amiral Bruix. On étudie aussi d’autres plans d’inva­sion, notamment par la voie des airs, à l’aide de montgolfières géantes. Dans les premiers jours d’août 1805, Napoléon se rend au camp de Boulogne pour inspecter les préparatifs d’invasion. Dans le même temps, l’amiral Veruell rassemble dans les ports de la mer du Nord, à Ostende, à Dunkerque et à Calais, les plus gros bâtiments de la flot­te; ceux-ci doivent être bientôt renforcés par l’escadre de la Méditerranée, placée sous le commandement de Latouche- Tréville et de l’amiral Villeneuve. Pour stimuler l’ardeur des futures trou­pes de débarquement, l’Empereur prési­de une grande cérémonie au cours de laquelle sont distribuées les premières décorations du nouvel ordre de la Lé­gion d’honneur. Mais on s’aperçoit très vite qu’en raison des marées et du nom­bre élevé des chaloupes, il faudra plu­sieurs jours pour transporter les troupes au-delà de la Manche, ce qui rend impossible tout effet de surprise. De plus, la flottille sera sans défense contre une tempête, même minime. Enfin, l’amiral Villeneuve, appelé à protéger l’expédition pendant les heures décisi­ves, fait preuve d’indécision et d’incom­pétence; il se laisse cerner par l’amiral Nelson qui détruit la flotte française à Trafalgar, au large des côtes espagnoles, le 21 octobre 1805. Depuis ce désastre naval, aucune escadre importante ne pourra encadrer efficacement un débar­quement. Menacé par une troisième coalition, Napoléon abandonne définitivement l’entreprise. Les troupes du camp de Boulogne se mettent en mouvement vers l’Autriche, vers Austerlitz.


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  • L’expédition Marchand à Fachoda

    Une concession fructueuse

    Dans les dernières années du XIXe siè­cle, les conquêtes coloniales se multi­plient. L’Angleterre et la France sont rivales en Afrique noire. Depuis 1882, les Anglais occupent une place prépon­dérante en Egypte. Par la convention de 1890, la France doit se contenter du Sahara. En 1892 arrivent, en Egypte, le résident Cromer et le général Kitchener. Ils pré­parent la reconquête du Soudan dont un chef de tribu, le «mahdi» (messie), Muhammad Ahmad, s’est rendu maître. En 1896, Kitchener commence sa cam­pagne par la reprise de Dongola, à la quatrième cataracte du Nil. Le plan bri­tannique a pour but la liaison nord-sud, Le Caire-Le Cap. A la même date, les Français, désireux de relier leurs posses­sions du Congo à celles de Somalie, organisent une expédition en vue de tra­cer une voie d’ouest en est, de Dakar à Djibouti. L’opération est confiée au commandant Marchand. Officier d’infanterie de marine, Jean- Baptiste Marchand a accompli, depuis 1889, de nombreuses missions en Afrique occidentale; il a exploré la Séné- gambie, la région du haut Niger et l’in­térieur de la Côte-d’Ivoire. Partie de l’Oubangui en 1897, l’expédition Mar­chand se dirige vers la région mal con­nue du Bahr el-Ghazal, au confluent du Nil Blanc. Le 10 juillet 1898, elle arrive à Fachoda, grand village sur la rive droite du fleuve et ancien centre militai­re égyptien; elle s’y établit. Le 2 septembre 1898, Kitchener, à la tête de 20000 Anglo-Egyptiens, défait le mahdi à Omdurman, sa capitale, au confluent du Nil Bleu. Il poursuit sa route et, arrivé devant Fachoda, somme les Français de lui céder la place. Mar­chand refuse d’abandonner le retranche­ment et d’amener le drapeau français. Londres exige de Paris le renvoi de cet officier entêté. L’opinion, des deux côtés de la Manche, s’exaspère; l’incident devient grave; on est à deux doigts du conflit armé. A Paris, le ministre des Affaires étran­gères Hanotaux, qui s’est rapproché de l’Allemagne, pense qu’on pourrait profi­ter de la situation difficile où se trouve l’Angleterre au Transvaal. Mais son successeur au Quai d’Orsay, Delcassé, a des vues différentes: craignant la puis­sance allemande, il préconise de complé­ter l’alliance franco-russe par une enten­te avec la Grande-Bretagne. Pour favo­riser cette politique, il s’incline prudem­ment devant les exigences anglaises. En novembre 1898, il donne l’ordre au commandant Marchand d’évacuer la position de Fachoda. En France, l’opinion considère cette dé­cision comme une humiliation. Les sen­timents nationalistes se traduisent en anglophobie coléreuse, ce qui n’em­pêche pas les diplomates, encoura­gés par le roi Edouard VII, de préparer l’Entente cordiale qui sera signée le 8 avril 1904. Le recul de Fachoda aboutit donc à un succès politique fran­çais.


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  • Austerlitz - 2 décembre 1805

    Tonnerre sur l'Europe

    «Quand j’aurai donné une leçon à l’Autriche, je reviendrai à mes projets», déclare Napoléon en apprenant, en août 1805, que les Autrichiens s’apprêtaient, avec l’appui des Russes, à attaquer la Bavière, alliée de la France. Renonçant momentanément — à traverser la Manche, il fait «pirouetter» la Grande Armée du camp de Boulogne vers l’Alsace, franchit le Rhin, fait capituler le général Mack à Ulm et fonce sur Vienne. Après quelques journées pas­sées à Schônbrunn, il remonte vers la Moravie où se sont réunies les armées des deux empereurs, François II et le tsar Alexandre Ier. Lancé en flèche dans un pays hostile, il lui faut maintenant une victoire éclatante. Il s’arrête près d’un petit bourg au nom encore incon­nu: Austerlitz. Par d’habiles feintes, Napoléon va amener ses adversaires, supérieurs en nombre, sur le terrain qu’il a choisi. Pour mieux les tromper, il fait demander au tsar une suspension d'armes, évidemment refusée, et feint de reculer. Ayant évacué le plateau de Pratzen, il compte que les Austro- Russes prendront place sur ces hauteurs et tenteront ensuite de lui couper la route de Vienne. Le mouvement prévu s’effectue. «Ils donnent dans le piège; avant demain cette armée sera à moi!» s’écrie Napoléon au soir du 1er décem­bre. L’aube venue, les ennemis, descendus du Pratzen dans la plaine que recouvre un épais brouillard, attaquent en effet la droite française, commandée par  Davout. Celui-ci a ordre de résister mol­lement. Pendant ce temps, sur la gau­che, Soult s’élance à l’assaut du plateau, dont le sommet, alors, s’inonde de soleil le soleil d’Austerlitz. Les charges françaises sont effroyables; pendant quatre heures, les adversaires tour­noient, pris à revers, puis commencent à reculer. La garde impériale russe, jugée pourtant invincible, se laisse enfoncer. En vain, le général Koutousov essaie-t-il de reprendre le plateau. Ses troupes se débandent et cherchent à fuir, en contre­bas, sur des étangs gelés, mais les obus français font craquer la glace. Vers 16 heures, la défaite des Alliés est complète, les deux autocrates se sont enfuis et Napoléon va pouvoir lancer un ordre du jour fulgurant: «Soldats, je suis content de vous...» Les Alliés ont perdu 35 000 hommes alors que les Français comptent 8000 morts ou blessés. La paix de Presbourg, qui termine la cam­pagne, dépouille le Habsbourg de ses possessions italiennes et de certains ter­ritoires en Allemagne. Une ombre cependant ternit ce triomphe: la flotte de Villeneuve a été anéantie à Trafalgar par Nelson, l’Angleterre est désormais maîtresse des océans.


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