• Début de l’abolition des distances

    «Quiconque transmettra sans autorisation des signaux d’un lieu à un autre, soit à l’aide de machines télégraphiques, soit par tout autre moyen, sera puni.» La loi du 2 mai 1837 assurait ainsi à l’Etat le monopole des transmissions, alors que le système optique de Chappe restait d’utilisation assez précaire et que les travaux de divers chercheurs (le Genevois Lesage en 1774, l’Allemand Reisser en 1794, le Français Ampère en 1820) sur les possibilités du courant élec¬trique pour la transmission ne parvenaient pas à déboucher sur des résultats véritablement pratiques. Rare exemple de prévision chez le législateur!
    Cette même année 1837 vit le premier essai concluant de l’Américain Samuel Morse, utilisant, en laboratoire, les pro¬priétés de Pélectro-aimant. En 1838, il réalisa un essai pratique sur 3 miles. Le 23    mai 1844 fut mise en service la première ligne, Baltimore-Washington. L’Europe suivait ces travaux, et l’Angle¬terre, la première, se constituait un petit réseau. Elle pensa même, dès 1840, à une liaison sous-marine Douvres-Calais. En France, on essaya d’abord un com¬promis entre le système Chappe et le système électrique, que l’on utilisa pour la transmission des signaux le long des voies ferrées. On y renonça bientôt et, en 1845, la première ligne de télégraphie électrique, Paris-Rouen, entra en servi¬ce, suivie, en 1846, de Paris-Lille. La première transmission de messages publics — des cours boursiers — eut lieu en 1849. Enfin, le télégraphe élec-trique fut mis à la disposition du public par la loi du 21 novembre 1850.
    L’Angleterre s’intéressa la première aux liaisons télégraphiques sous-marines. Les problèmes d’isolation et de mise en place en retardèrent la réalisation. C’est en août 1850 que fut immergé le premier câble Douvres-cap Gris-Nez. Les lignes se développèrent alors en mer du Nord et en Méditerranée. La guerre de Crimée vit même l’installation d’un câble faisant la jonction avec Sébastopol, ce qui ennuya fort Canrobert qu’ex¬cédaient les intrusions de l’empereur dans la conduite des opérations. L’Atlantique, par ses fonds et son ampleur, posait d’autres problèmes. En août 1857 eut lieu entre l’Irlande et Terre-Neuve la première tentative de pose, abandonnée après trois ruptures de soudures. Nouvel essai, réussi, en août 1858, mais le manque d’imperméabilité des enveloppes rendit les transmis¬sions précaires. Un nouveau câble, mieux isolé, fut immergé (après un nouvel échec) par le Great Eastern, en juillet 1865. Le premier câble transatlan¬tique français fut posé en 1869, entre Brest et Saint-Pierre-et-Miquelon, par le même Great Eastern, loué pour l’opéra¬tion.


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  • Nouveaux Icare 

    Joseph, 1740-1810 - Etienne, 1745-1799

    La philosophie des lumières, basée sur la raison, la curiosité universelle, la foi dans la libération de l’homme et son avancement, est fortement inspirée par la science. Le XVIIIe siècle, particulière¬ment en sa deuxième moitié, est riche en savants, mathématiciens, astronomes, géographes, chimistes, naturalistes; leurs découvertes et leurs expériences sont suivies avec enthousiasme par le public. On sort des spéculations intellec¬tuelles pour entrer dans le domaine des applications techniques. De 1776 datent les premiers essais de navigation mariti¬me à vapeur et, sept ans plus tard, de navigation aérienne par Joseph et Etien¬ne Montgolfier.
    C’est le 4 juin 1783, jour de la réunion des Etats du Vivarais à Annonay, que les deux frères, maîtres papetiers en cette ville, présentent une curieuse machine: une sphère faite de toile dou¬blée de papier, d’environ 12 m de diamè¬tre, d’un poids de 245 kg, et contenant 800 m3 d’air chauffé par un feu de paille et de laine placé en dessous, dans un panier en fil de fer. C’est le premier aé¬rostat; il s’élève à 500 mètres et par¬court quelque 2 kilomètres.
    Le procès-verbal de l’expérience, com¬muniqué à l’Académie des sciences et diffusé par les gazettes, a un retentisse¬ment considérable. Une souscription, ouverte pour réunir les fonds nécessai¬res à une nouvelle tentative, est couverte de signatures illustres. Louis XVI s’inté¬resse personnellement à l’invention des Montgolfier. Ceux-ci font construire par le marchand de papiers peints, Réveil¬lon, un globe qui, gonflé à l’air chaud, est lancé à Versailles devant la cour, le roi, la reine et le dauphin, le 19 septem¬bre 1783. Dès lors, les vols se succè¬dent. La plupart des ballons sont gonflés à l’hydrogène. Le 21 novembre 1783, les premiers voyageurs prennent place dans une nacelle, Pilâtre de Rozier, intendant des cabinets d’histoire naturel¬le et de physique de Monsieur, frère du roi, et le marquis d’Arlandes. Partis de la Muette, ils atterrissent à la Butte-aux- Cailles. Le 13 janvier 1784, Joseph Montgolfier participe à une ascension de Pilâtre avec six autres personnes. Par la suite, ni son frère ni lui ne poursuivent le perfectionnement de leur aérostat. La montgolfière ne sert plus qu’aux fêtes et au divertissement des foules. Le 10 dé¬cembre de cette fameuse année 1783, l’Académie des sciences reçoit les Mont¬golfier, et Louis XVI anoblit par lettre patente leur famille. Joseph, l’aîné, pour-suit des travaux de recherche; il est l’inventeur, en 1792, du «bélier hydrau¬lique» et devient l’un des directeurs du Conservatoire des arts et métiers, créé par la Convention en 1794.


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  • Les premiers pas des télécommunications

    Le 1er septembre 1794, la Convention était en séance lorsque Carnot, membre du Comité de Salut public, fit son entrée. «Citoyens, annonça-t-il, voici la nouvelle qui nous arrive à l’instant par le télégraphe que vous avez fait établir de Paris à Lille: Condè est restitué à la République, la reddition a eu lieu ce matin à 6 heures.» C’était la première fois que le télégraphe Chappe fonction¬nait officiellement. La bonne nouvelle de la reprise de Condé — dernière place forte du territoire restée entre les mains de l’ennemi — était parvenue en quel¬ques heures de Lille. Ce jour-là, l’inven¬teur du télégraphe aérien put, lui aussi, se réjouir. Quelque quinze ans plus tôt, le jeune Claude Chappe (1763-1805) jouait dans un jardin lorsqu’il imagina de correspondre de loin avec son frère Ignace, à l’aide d’un appareil de son invention. Il s’agissait d’un bâton hori¬zontal tournant sur une pointe formant pivot et portant à chaque extrémité un autre bâton mobile grâce auquel des signaux pouvaient être envoyés selon un code déterminé à l’avance. Adulte, Claude Chappe reprit ses tra¬vaux. Il construisit un grand mât avec, à son sommet, une barre de 4 m pourvue de bras articulés pouvant prendre diver¬ses positions. Chaque mouvement des bras, correspondant à un code, était observé à la lunette. L’instrument fut essayé dans la Sarthe, pays natal des Chappe, en 1791. Ignace Chappe, alors membre de l’Assemblée législative, inté¬ressa ses collègues à l’invention, qui fut adoptée par la Convention après un essai opéré le 12 juillet 1793 près de Ménilmontant. Ce jour-là, un court message fut transmis en douze minutes d’un poste à un autre, le second étant à 35 km du premier. Le télégraphe Chap¬pe atteignit vite la célébrité et une préci¬sion remarquable. En 1800, les trois lignes Paris-Lille, Paris-Strasbourg, Paris-Brest formaient un réseau dépas¬sant 1200 km. Napoléon ne s’intéressa guère à l’invention. Pourtant, les nouvel¬les circulaient alors très lentement. En Louis XVIII n’apprit que le 5 mars le débarquement de l’Empereur en Provence, datant du 1er. A cette date, Claude Chappe était mort depuis dix ans. Outré de se voir contester la priori¬té de son invention, il s’était jeté dans un puits. Le télégraphe Chappe fut vite adopté par divers Etats étrangers. Vers 1840, le réseau télégraphique aérien français comportait 5000 km de lignes et 534 stations de relais. Il desservait 29 gran¬des villes. Quand l’atmosphère était clai¬re, une dépêche envoyée de Paris pou¬vait arriver à Lille en deux minutes, en passant par 16 stations. Mais les parti¬sans du télégraphe électrique augmen¬taient et le système Morse fut bientôt adopté


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  • Premières théories sur l'hérédité

    Jean-Baptiste Lamarck naît le 1er août 1744 à Bazentin dans le nord de la France. Il embrasse d’abord la carrière des armes, mais il s’en détourne ensuite pour se consacrer à l’étude de la médeci­ne et de la botanique. Au XVIIIe siècle, c’est Buffon qui fait autorité en matière de sciences naturelles; il remarque vite les dons scientifiques de Lamarck et le prend sous sa protection. En effet, ce dernier vient d’imaginer une nouvelle et ingénieuse classification des plantes; il écrit une étude sur la Flore française qui est imprimée grâce à Buffon. Celui-ci n’hésite pas à confier à Lamarck l’édu­cation de son fils en matière de botani­que, preuve supplémentaire de sa con­fiance. Entre 1781 et 1782, Lamarck fait plu­sieurs voyages d’études en Hollande, en Allemagne et en Hongrie. D’après ses observations personnelles, il rédige un Dictionnaire de botanique. Grâce à Buf­fon encore, il obtient le poste modeste mais sûr de garde des herbiers du cabi­net du roi. Lamarck doit attendre la Révolution pour devenir professeur d’histoire des animaux à sang blanc au Muséum d’his­toire naturelle qu’on vient de réorgani­ser. Poursuivant ses recherches, notam­ment sur la faune et les fossiles, il rem­place l’appellation «animaux à sang blanc» par celle d’«animaux sans vertè­bres». Examinant les coquilles et les polypiers fossiles, il est amené, par com­paraison, à concevoir l’hypothèse révo­lutionnaire du «transformisme» des espèces, c’est-à-dire de la mutation de celles-ci au cours des âges. Dans sa vieillesse, Lamarck a la tristes­se de perdre la vue. Lui, si fidèle obser­vateur de la nature, ne peut plus travail­ler. Ce malheur n’est d’ailleurs pas venu seul: au cours de sa longue vie, Lamarck a connu trois fois le veuvage et a dû élever huit enfants dans les pires conditions matérielles. En effet, son gé­nie est resté très longtemps méconnu et, pendant un siècle, c’est Darwin qui héri­tera de sa gloire. Après sa mort, en 1829, ses filles sont privées de ressour­ces: elles doivent vendre son fameux herbier, ses meubles et même ses livres.


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  • La science au service de l’homme
     
    L'homme auquel doivent tant la biologie et la médecine modernes est né d’une modeste famille de Dole, dans le Jura, en 1822. A 26 ans, il soutient une thèse remarquée qui démontre les rapports de la composition moléculaire avec la ré­fraction de la lumière, et qui établit les bases de la stéréochimie. Nommé à Lille en 1854, il étudie le phé­nomène de la fermentation et en établit l’origine à l’aide d’expériences aussi ingénieuses que rigoureuses; il détruit ainsi le mythe de la génération sponta­née, hypothèse couramment admise. Mais Pasteur veut mettre ses découver­tes au service du bien public. En 1862, étudiant la fermentation acétique, il éta­blit qu’elle est due à un champignon microscopique, le Mycoderma acetv, du même coup, il

    invente le procédé per­mettant de conserver les corps fermentescibles: la pasteurisation.
    Il est alors nommé administrateur de l’Ecole normale supérieure; c’est dans le grenier-laboratoire de cette école, à l'aide d’un matériel dérisoire, qu’il fera ses trouvailles décisives. Il aborde la pathologie animale en étudiant la pébri- ne, maladie du ver à soie ravageant alors la sériciculture française; à l’aide d'un procédé original, le «grainage cel­lulaire», il démontre que la pébrine est héréditaire et contagieuse, et donne le moyen de la vaincre. Une autre maladie du ver à soie, la flacherie, lui permet de démontrer l’importance du terrain dans la prolifération des parasites. Les années 1870 à 1886 sont les plus fé­condes de sa carrière; il découvre l’origi­ne microbienne de la maladie charbon­neuse du mouton; passant à la patholo­gie humaine, il isole le staphylocoque, agent du furoncle et de l’ostéomyélite, et le streptocoque, agent de l’infection puerpérale. Reçu à l’Académie de médecine (sans être médecin!), il doit lutter contre l’in­compréhension de ses collègues. Abor­dant de plain-pied la pathologie humai­ne, il met au point, grâce à son étude du choléra des poules, la vaccination pré­ventive. Il se heurte à d'innombrables difficultés pour mettre au point le vaccin contre la rage; y étant parvenu, il ose l’appliquer à l'homme pour sauver un jeune garçon mordu par un chien enragé. L’enfant est sauvé. Cette réussite consacre sa gloire; en 1888, il est placé à la tête de l’institut Pasteur. Ce grand savant, aussi modeste que brillant, est un des enfants les plus illus­tres de la France; ses découvertes ont tant apporté au monde qu’on peut par­ler d'une ère «avant» et «après» Pas­teur


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