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Mirabeau
«Quand je secoue ma terrible hure, il n’y a personne qui osât m’interrompre», disait un jour Mirabeau. La laideur presque monstrueuse du tribun, sa tête énorme, sa figure ravagée par la petite vérole impressionnaient en effet ses auditeurs, subjugués, d’autre part, par la solidité de sa pensée et la puissance de son verbe. Né au château de Bignon d’une vieille famille provençale, le jeune Honoré-Gabriel Riqueti, futur comte de Mirabeau, avait scandalisé ses contemporains par ses duels, ses dettes, ses démêlés avec sa femme et ses débauches. Les longs mois qu’il passa en prison lui permirent de réfléchir sur les injustices politiques et sociales dont souffrait le royaume. En 1789, désireux de pouvoir exercer ses talents aux états généraux, mais repoussé par la noblesse de Provence, il se fit élire député du tiers. Il apparut vite comme le défenseur de la nation contre les abus des privilégiés et l’absolutisme royal. Le 23 juin 1789, après le serment du Jeu de paume, il conquit une popularité immense en refusant d’obéir aux ordres du roi. Cependant, s’il voulait des changements dans l’Etat, il comprenait le danger de réformes trop hâtives et trop brutales. Partisan d’une monarchie constitutionnelle, il souhaitait un sage équilibre des pouvoirs entre le roi et l’Assemblée. Le résultat fut qu’il inquiéta également la droite et la gauche. Face aux démocrates avancés, il préconisa le veto absolu et défendit les prérogatives du souverain sur la paix et sur la guerre (mai 1790). On cria alors dans les rues un pamphlet, La Grande Trahison du comte de Mirabeau. L’Assemblée, qui redoutait à la fois son éloquence et son ambition, décréta qu’aucun député ne pourrait devenir ministre. Déçu dans ses espoirs, Mirabeau proposa au roi de travailler pour lui, à condition que l’on payât ses dettes. Des fonds lui furent versés et il envoya à Louis XVI des «mémoires». Bien que ses vices fissent horreur à la reine, il eut en cachette une première entrevue à Saint-Cloud avec les souverains (juillet 1790), mais ce double jeu fut deviné. «Mirabeau est vendu», disaient ses adversaires. Plus objectif, La Fayette déclarait: «Il ne se fait payer que dans le sens de ses convictions.» La vénalité du tribun ne peut être mise en doute, pas plus du reste que sa puissante intelligence politique. L’«Hercule de la Révolution» voulait contenir la poussée révolutionnaire, la canaliser dans de sages limites, mais il mourut prématurément, le 2 avril 1791, usé par le travail et les excès et non pas à la suite d’un empoisonnement, comme on l’a dit. Peu auparavant, ces mots prophétiques étaient sortis de sa bouche: «J’emporte dans mon cœur le deuil de la monarchie, dont les débris vont devenir la proie des factieux.»
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