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Maurice Barrés - 1862-1923
Nous sommes en 1887. Le général Boulanger vient d’être muté à Clermont- Ferrand. Les Parisiens, par milliers, manifestent à la gare de Lyon. Parmi eux, un jeune homme de 25 ans, Maurice Barrés. Barrés qui, l’année suivante, fera partie du Comité républicain national de Rochefort et de Déroulède. Comment le théoricien du moi en est-il arrivé au nationalisme intégral? Le Barrés des débuts est fortement marqué par les romantiques et les parnassiens. Il est à peine majeur qu’il fonde l’éphémère revue Les Taches d’encre, avant d’assumer la direction d’une autre publication, Les Chroniques (1886-1887). Mais sa vraie entrée sur la scène littéraire date de 1888, avec Sous l’œil des barbares, premier volet du triptyque Le Culte du moi. Sa méthode? «Sentir le plus possible en analysant le plus possible.» Le moi? C’est pour Barrés «la seule réalité tangible». Les «barbares», ce sont les vieux maîtres, à qui il reproche leur manque d’idéal. Cet idéal, il le trouve dans l’action qui lui permet de surmonter sa mélancolie naturelle et égocentrique. Le boulangisme lui fournit momentanément un but: il est élu député de Nancy (1889) et publie Les Déracinés (1897), où il recommande la fidélité à la terre ancestrale. En effet, si ses voyages en Espagne (1892) et en Italie (1896) ont enrichi son imagination, son «égotisme» le conduit paradoxalement à s’appuyer sur les aïeux, source de l’individualité, et par conséquent sur la tradition. Du traditionalisme au nationalisme, il n’y aura qu’un pas. Il dénonce une «nation dénaturée par les intrigues de l’étranger» (1900), il s’insurge contre le scandale de Panama (1902). Quatre ans plus tard, grâce à la popularité des thèses nationalistes, il est élu député de Paris... et membre de l’Académie française. Aux yeux de toute une droite conservatrice, il est le guide par excellence. Il soutient le moral des Alsaciens-Lorrains dans Les Bastions de l’Est (1905-1909), tandis que se renforce son antisémitisme. Mais il sent bien que le «moi» n’est pas tout, même transcendé par le nationalisme. C’est pourquoi, en 1913, dans La Colline inspirée, il se penche avec sympathie sur «les lieux élus de toute éternité pour être le siège de l’émotion religieuse». Peu à peu, sa quête de l’âme se mue en une certitude, comme en témoignent Un Jardin sur l’Oronte (1922) et Mystère en pleine lumière (1923). Mais à l’heure même de sa mort, malgré un sursaut entre 1914 et 1918, où parurent ses derniers articles dans L’Echo de Paris, sa gloire décline... pour une cinquantaine d’années.
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