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L’assassinat de Jean Jaurès - 31 juillet 1914
Au soir du 31 juillet 1914, une rumeur court dans Paris: «Ils ont tué Jaurès!» Et la plupart ajoutent d’un ton grave: «C’est la guerre!» Celle-ci va éclater, en effet, trois jours plus tard.
Né en 1859, Jean Jaurès, en 1914, est considéré comme l’un des principaux tribuns de la IIIe République et il a, bien entendu, de nombreux ennemis: ses positions dreyfusardes lui ont attiré la haine des antisémites; son soutien aux grévistes a rassemblé contre lui patrons et grands commis de l’Etat; il n’ignore pas que sa vie même est menacée: «Un jour viendra peut-être où nous serons abattu précisément par un de ceux que nous voulons affranchir.»
Le prestige acquis par Jaurès dans les milieux socialistes inquiète les classes privilégiées: pour les capitalistes et une partie des petits bourgeois, le tribun est un ennemi de la propriété; aux yeux des catholiques conservateurs, c’est un responsable de la séparation de l’Eglise et de l’Etat; pour les agioteurs, c’est le saboteur du colonialisme. Mais c’est surtout ses positions face à la question de la guerre qui déchaîne les passions. En 1911, dans L’Armée nouvelle, il a préconisé une armée de milice, tout en demandant la constitution de fortes réserves; dans cet esprit, il s’est opposé à la loi des trois ans, écrivant: «Toute guerre est criminelle si elle n’est pas manifestement défensive.»
Militaires, nationalistes, revanchards lui vouent donc une hostilité implacable. Jaurès «a quitté à demi la France... sa pensée est allemande plutôt que française» (Barrés). «Dès la déclaration de guerre, la première chose que nous ferons sera de fusiller Jaurès» (Péguy). Les actes de Jaurès «méritent les notations d’infamie» (Maurras). Ces sentiments s’exacerbent à l’occasion du congrès socialiste de Bruxelles, le 28 juillet, quand Jaurès tente en vain de convaincre ses camarades allemands de refuser la mobilisation.
Sous la plume de Léon Daudet, l' Action française du 23 juillet écrit alors: «Nous ne voudrions déterminer personne à l’assassinat politique, mais que M. Jaurès soit pris de tremblement.» Ces lignes tombent sous les yeux d’un paranoïaque ultra-nationaliste, Raoul Villain; celui- ci, d’un coup de revolver en pleine tête, abat le tribun au milieu de son repas.
Qui est au juste cet assassin? A-t-il été manipulé, et par qui? L’extrême droite? L’Allemagne? Pourquoi n’a-t-il été jugé que deux ans et demi après son acte et, surtout, pourquoi a-t-il été acquitté? Sa mort violente en 1937, en pleine guerre civile espagnole, éclaire peut-être l’obscurité de ces questions: il existe en effet une Internationale socialiste qui a pu vouloir se manifester en une heure de grands règlements de comptes. Toujours est-il que le crime de Villain a été tragiquement inutile car, devant une guerre inévitable, Jaurès venait de se convertir à la résistance à outrance.
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