• L’affaire Henriette Caillaux

     

    L’affaire Henriette Caillaux

    Un coup de panique

    «Voulez-vous vous lever, Madame», dit le président à l’accusée Henriette Cail­laux en ce 20 juillet 1914. On peut s’étonner de voir un magistrat aux assi­ses employer une formule aussi respec­tueuse, mais il ne s’agit pas là d’un pro­cès comme les autres: Joseph Caillaux, l’époux de la meurtrière, un aristocrate qui siège à gauche, un patricien qui dé­fend l’impôt sur le revenu, est un per­sonnage hors de pair.

    Depuis janvier 1914, il est l’objet d’une furieuse campagne de presse; ses adver­saires Briand et Barthou ont voulu en finir avec lui et ont chargé Gaston Cal- mette, directeur du Figaro, d’organiser l’offensive; ils veulent abattre Caillaux parce qu’il menace le capital et, surtout, parce qu’il est capable de «s’arranger avec l’Allemagne». Si les prochaines élections lui donnent le pouvoir, ce sera la fin de la «politique de fermeté» qu’ils défendent avec le président Poincaré.

    Le 10 mars, Calmette écrit dans son journal: «Voici le moment décisif où il est nécessaire de ne reculer devant aucun procédé, même s’il se peut que notre morale et nos inclinations person­nelles le condamnent.» Henriette Cail­laux s’affole: Mme Geydan, la première femme de Joseph Caillaux, détient une correspondance échangée entre Henriet­te et son mari au temps où elle était encore sa maîtresse; Henriette est per­suadée que Calmette va mettre en cause sa vie intime; si les lettres sont publiées, c’en est fait de son honneur; son père lui fermera sa porte; sa prochaine présenta- tion à la reine d’Angleterre sera impossi­ble; sa lllle, surtout, risque de voir son mariage compromis. Perdant la tête, Henriette se rend le 16 mars au siège du Figaro et tue Calmette de cinq coups de revolver.

    Le scandale oblige Caillaux à démis­sionner, ce qui arrange Poincaré et ses amis. Caillaux ne sera pas au pouvoir pour s’opposer à leur politique étran­gère.

    Les lettres d’Henriette Caillaux sont produites à l’audience par Mme Gey­dan; elles ne contiennent rien qui puisse intéresser la politique; les révélations promises par Calmette se rapportaient à une affaire de financier véreux prétendu­ment protégé par Caillaux; l’épouse de ce dernier a donc agi par méprise. Pour Maître Chenu, partie civile, la complici­té de Caillaux et de sa femme est éviden­te: «La femme tire aussi bien que l’hom­me et court moins de risques!» déclare- t-il. Le procureur admet les circonstan­ces atténuantes, mais retient l’intention criminelle et la préméditation. Quant à Maître Labori, l’ancien défenseur de Dreyfus et de Zola, qui défend Henriet­te, il parle d’«un lamentable incident, infiniment malheureux et irréparable, de la nervosité humaine exaspérée...».

     

    Après une heure de délibération, le jury, à la stupéfaction générale, répond: «Non» au chef d’homicide volontaire. Henriette Caillaux est acquittée.

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