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Depuis la fondation de Marseille, il existe un poste de vigie sur la colline de 160 m qui domine la mer. En 1218, le pape Honorius III mentionne, parmi les dépendances de l’abbaye Saint-Victor, une chapelle de Sainte-Marie-de-la-Garde sur cette même hauteur. Entièrement rebâtie au XVe siècle, consacrée en 1544, la chapelle est enclose dans l’enceinte du fort que François Ier a fait construire en 1524 pour défendre la ville contre son assaillant, le connétable Charles III de Bourbon. Depuis le XVIe siècle, la colline de la Garde reçoit de nombreux visiteurs, souvent illustres, rois, empereurs, mais surtout des pèlerins, particulièrement en périodes de calamités. Pendant la grande peste de Marseille (1720-1721), l’évêque, Mgr Belsunce, va quotidiennement dire sa messe à Sainte-Marie-de-la- Garde. La Révolution transforme le fort en prison. En 1852, on décide de construire une église sur cet emplacement, tout en conservant la partie la plus ancienne des bâtiments existants. Grâce à une souscription patronnée par Pie IX et grâce au produit d’une loterie populaire, les travaux commencent en 1853. Les plans ont été confiés au Nîmois Henri Espé- randieu, collaborateur de Léon Vau- doyer, l’architecte de la cathédrale de Marseille et du palais de Longchamp. A la mort d’Espérandieu, en 1874, son compatriote Révoil lui succède. Le style du sanctuaire est le romano- ou néo-arabo-byzantin, cher aux architectes du XIXe siècle. Son plan est basili- cal: une crypte, ici entièrement conquise sur le roc; une église haute à coupole, avec une nef à trois travées; un clocher au porche ouvert de trois côtés comme dans les églises romanes de la vallée du Rhône; à l’intérieur, le blanc du marbre italien, le rouge de celui de Brignoles, le brun du granit corse, le rose du porphyre de l’Estérel, le vert de la brèche des Alpes composent une symphonie de couleurs.
Dans le clocher haut de 45 m, on a logé le bourdon: 8234 kg, 2,50 m de hauteur,
2,40 m de diamètre, la septième cloche de France par la grosseur. Au sommet, on a érigé, en 1870, la statue dorée de la Vierge à l'Enfant. Ce groupe d’Eugène Lequesne, élève de Pradier, a une hauteur de 10 m et pèse 4500 kg. Le visage de la Vierge mesure, à lui seul, 1,25 m; celui de l’enfant, 0,80 m. A l’intérieur de la statue, un escalier à vis permet de monter dans la tête de la Vierge et de voir la mer par l’ouverture de ses yeux. Depuis 1892, un ascenseur conduit à l’escalier du sanctuaire.
Consacrée en 1864, avant la fin des travaux, au cours de grandes fêtes, l’église reçoit du pape Léon XIII, en 1879, le titre rare de basilique mineure. Notre-Dame-de-la-Garde fait désormais partie intégrante du paysage marseillais: la vigie et la «bonne Mère» ne font qu’un.
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Une marée montante
L’extension du protestantisme en France a été rapide et impressionnante, tant en surface qu’en profondeur. Telle est la constatation que peut faire l’historien qui considère la période qui suit la mort de François Ier (1547) jusqu’en 1562 environ. Il existe des groupes réformés dans toutes les provinces de France et dans toutes les classes sociales: on peut dire, alors, qu’un cinquième des habitants, peut-être davantage, est détaché de l’Eglise romaine.
Une carte de la France protestante opposerait en gros Test et le nord du pays aux régions de l’Ouest et du Midi. Dans le Nord, en Picardie, peu de chose, mais dans la région de Paris, avant les exclusions officielles, des groupes importants, Meaux restant un centre de dissidence religieuse.
Dans le Nord-Ouest, des progrès importants en Normandie et dans le duché d’Alençon. L’Eglise de Rouen regroupe près de 2000 personnes; à Caen, l’université est érasmienne et très libre de pensée. Dans le Maine, au Mans, il en est de même. La Bretagne est entamée par ses ports, comme Saint-Malo, du fait des échanges avec l’Angleterre et les Flandres, ainsi que Dieppe et Nantes. Vitré est un centre important. En 1559, une communauté se fonde à Rennes. Dans les régions de la Loire, la Tourai- ne et l’Orléanais avec leurs universités, le Berry avec Bourges, sont des centres actifs.
Dans l’Est, on note un moindre succès, sauf en Champagne. La Lorraine indépendante forme un bastion catholique mais, dans le Sud-Est, Lyon, ville de commerce, de banque et d’imprimerie, est au premier plan, de même que Valence. Le Massif central et l’Auvergne sont moins atteints, mis à part le Sud avec le Vivarais, et surtout le Languedoc avec Montpellier. Le Midi est ainsi gagné, de même que l’Ouest avec La Rochelle.
Au total, dira Coligny à la reine mère, 2150 Eglises ou communautés, comprenant une stratification sociale très étendue. A la base, les petites gens (petits bourgeois, petits commerçants, artisans, «gens mécaniques», laboureurs) auxquels s’est joint un petit nombre de personnes instruites (écrivains, théologiens, imprimeurs). Après 1559 se profile un double mouvement sociologique: l’entrée des notables dans l’Eglise, une partie des officiers royaux, des gens de robe, du monde des offices d’une part, et, d’autre part, l’entrée des gentilshommes qui vont trouver des chefs dans les familles qui touchent de près à la personne royale. Ils domineront l’Eglise jusqu’à la Saint-Barthélemy. Après cette date, on assistera à un nouveau phénomène: l’apparition en pleine lumière de la démocratie calviniste, guidée par ses ministres, qui prendra pied dans les villes et dans les bourgs plus encore que dans les campagnes.
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Armand-Jean Le Bouthillier de Rancé porte les prénoms de son parrain, le cardinal de Richelieu. Son père est le secrétaire de Marie de Médicis. La famille Le Bouthillier, ancienne et illustre, possède une grande fortune.
A 10 ans, Rancé est tonsuré, étant, par sa naissance, abbé commendataire de prieurés et d’abbayes en Touraine, dans le Poitou et dans le Perche. Enfant sur- doué, il donne, à 12 ans, une traduction d’Anacréon. Ses études de philosophie et de théologie sont brillantes. Il est ordonné prêtre en 1651; licencié en 1647, il reçoit, en 1653, le bonnet de docteur de la faculté de Navarre. Chanoine de Notre-Dame de Paris, d’Angers et de Tours, aumônier de Gaston d’Orléans, prédicateur comme son ancien condisciple Bossuet, il peut ambitionner les charges les plus hautes dans PEglise.
Sa position mondaine, que l’époque autorise, n’est pas moins en vue. Dans son hôtel de Paris, dans son château de Véretz près d’Amboise, l’abbé de Rancé mène la vie luxueuse et dissipée d’un seigneur beau, jeune et riche. Il est de la société des précieuses et des belles frondeuses. Il est follement épris de la duchesse Marie de Montbazon, une célèbre dame de la cour.
En 1657, la mort de sa maîtresse jette Rancé dans une douleur égale à sa passion. Il se retire à Véretz, puis dans son prieuré de Boulogne, près de Cham- bord. Après le décès du duc d’Orléans, en 1660, il décide d’abandonner tous ses biens, ne gardant que l’abbaye de la Trappe, dans les collines du Perche. Il vient s’y établir en 1663 et obtient, en 1664, d’en être l’abbé régulier. Vêtu de bure, Rancé devient un prieur d’une rigueur exemplaire. Il impose à ses moines, au début récalcitrants, des réformes radicales (priorité à la pénitence, allongement de la liturgie, travail manuel, régime végétarien strict, silence absolu) qui font de la Trappe, fondée au XIIe siècle, le plus sévère des ordres
monastiques et l’un des centres de la vie spirituelle du XVIIe siècle. De dix, le nombre des moines passe à trois cents. L’abbé de Rancé publie des ouvrages spirituels: pour
répondre à l’érudit bénédictin Jean Mabillon, il publie le Traité de la sainteté et des devoirs de la vie monastique dans lequel, en 1683, il défend sa conception du moine
voué aux seuls travaux manuels. Il a laissé également des Lettres, publiées en 1702. Pendant près de quarante ans, l’abbé de Rancé a été l’une des grandes voix chrétiennes compensant les vanités de la cour de Louis XIV.
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Le parlement contre le Saint-Siège
La Compagnie de Jésus, fondée en 1540 par Ignace de Loyola, artisan de la Contre-Réforme, était, partout dans le monde, une milice au service de la papauté. Par leur mainmise sur les collèges et les confessionnaux, les jésuites contrôlaient la formation des esprits et des consciences; on les accusait d’utiliser la religion à des fins politiques. Le Portugal, le premier, chasse les jésuites de son territoire en 1759. Encouragés par cet exemple, les parlementaires français de tendance janséniste et gallicane saisissent l’occasion d’une affaire dans laquelle un jésuite était impliqué pour s’en prendre à la Compagnie: le père de La Valette, qui a créé une maison de commerce aux Antilles, a fait faillite, entraînant dans sa ruine des commerçants marseillais. Le parlement de Marseille attaque la Compagnie de Jésus, laquelle fait appel au parlement de Paris, présentant pour sa défense ses Constitutions (règles de l’ordre) dont les statuts interdisent le commerce. Le 8 mai 1761, le parlement de Paris condamne la Compagnie à dédommager les clients de La Valette et, après examen des Constitutions, les déclare contraires aux lois du royaume, «dangereuses pour la sécurité des Etats et la liberté des particuliers». Le 6 août, il fait brûler divers ouvrages des jésuites et, par le même arrêt, ordonne la fermeture des collèges de la Compagnie pour le 1er octobre. Les assemblées de province prennent les mêmes mesures.
Louis XV aurait voulu enlever cette affaire aux parlements et la réserver à son Conseil. Choiseul lui représente que le moment est mal choisi: les dépenses de la guerre de Sept Ans nécessitent des emprunts qui ont besoin de la caution des magistrats; il ne faut donc pas provoquer leur animosité; mieux vaut les satisfaire en leur sacrifiant les jésuites. Le roi essaie de gagner du temps: il fait demander à Rome une réforme des Constitutions. La réponse est intransigeante: les règles resteront ce qu’elles sont, ou ne seront pas. Tandis que le roi hésite, Choiseul laisse faire. Dans le courant de l’année 1762, les maisons de la Compagnie sont évacuées et mises sous séquestre. Par arrêt du parlement de Paris, il est interdit aux pères de porter l’habit de leur ordre, d’enseigner, de posséder des bénéfices, de remplir une fonction publique sans avoir prêté serment de fidélité au roi et juré de défendre les libertés de l’Eglise gallicane contre la mainmise de Rome.
Poussé par Choiseul et par Mme de Pompadour, Louis XV cède enfin: par un édit de novembre 1764, il confirme l’arrêt pris huit mois plus tôt par le parlement sur l’expulsion des jésuites du territoire français; entre 1764 et 1767, tous les Etats bourboniens font de même. En 1773, le pape supprime la Compagnie de Jésus qui ne se reconstituera qu’au début du XIXe siècle.
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