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    Les femmes dans la guerre

    Les 600000 veuves sont devenues le symbole du sacrifice des françaises dans le premier conflit mondial, ces femmes y ont également pris une part active et payé leur tribut à la victoire finale.

     

    "Ouvrières, paysanne ou infirmières, les femmes sont au cœur du conflit", insiste l'historienne Michelle Zancarini-Fournel dans l'ouvrage collectif "Combat de femmes 1914-1918 - Les françaises, pilier de l'effort de guerre" (Ed. Autrement). A la veille de la grande guerre, la France était encore largement rurale et 3.2 millions d'ouvrières agricoles et de femmes d'exploitants reprirent, du jour au lendemain, le travail de leur mari mobilisé. Emilie Carles, une jeune élève institutrice et future écrivaine, dut interrompre ses études pour revenir aider à la ferme familiale. "Nous avions une charrue toute simple, un araire avec un manche fait pour les hommes. Pour moi il était bien trop haut. Quand je faisais les sillons, chaque fois que j'accrochais une pierre, je recevais le manche dans la poitrine ou le visage. Pour moi, labourer était un véritable calvaire" écrivit elle plus tard. Les conditions de travail étaient également très difficiles et parfois dangereuses dans les usines d'armement où les femmes, communément appelées les "munitionnettes", furent recrutées massivement pour remplacer les hommes. Elles y représentèrent le quart du personnel, jusqu'au tiers en région parisienne. "Si les femmes qui travaillent dans les usines s'arrêtaient vingt minutes, les Alliés perdraient la guerre" déclara un jour le maréchal Joffre. Leurs qualités de sérieux, de minutie et leur aptitude au travail répétitif ne furent pas toujours appréciées par les ouvriers. Les femmes étaient accusées d'augmenter les rendements, rendant donc leurs homologues masculins disponibles pour être envoyés au front.

    Veuves blanches

    Sur les 8 millions de soldats mobilisés, la France dénombra 1.4 million de morts et 4.3 millions de blessés, dont des centaines de milliers d'infirmes à vie. Ces pertes terribles affectèrent longtemps la société française, condamnant au célibat un grand nombre de jeunes femmes - les veuves blanches - suite au décès de près de 30% des hommes français âgés de 18 à 27 ans.

    Les rapports entre les soldats, dont une majorité était des réservistes rappelés, et leurs familles posèrent initialement problème au haut commandement qui craignait des vagues de désertion si les militaires rentraient chez eux. Peu de permissions furent donc accordées avant 1915. Les épouses qui tentaient de rencontrer leur mari à l'arrière du front étaient pourchassées. Sur le champ de bataille, 74 infirmières sur les 850 des antennes chirurgicales mobiles, dites "autochirs" perdirent la vie. Environ 120 000 femmes servirent, souvent à titre bénévole, dans ou avec le service de santé militaire. Mais excepté pour les infirmières, le commandement était réticent au port de l'uniforme par les femmes, comme à leur confier des tâches strictement militaires. Néanmoins, des femmes patriotes jouèrent, parfois d'elles-mêmes, un rôle important dans la collecte de renseignement.

    Héroïnes

    Louise de Bettignies, 28 ans, dirigea un vaste réseau de renseignement dans Lille occupée, jusqu'à son arrestation et sa condamnation pour espionnage en 1915; Elle fut sauvée par une intervention du Pape mais décéda de maladie dans une prison allemande en 1918. Emilienne Moreau devint une héroïne nationale à seulement dix-sept ans. Fille de mineur à Loos les Lens (devenu Loos en Gohelle) dans le Nord, elle étudiait pour devenir institutrice quand sa région fut occupée par les Allemands en 1914. Lorsque les troupes britanniques reprirent la ville en septembre 1915, Melle Moreau se dirigea vers elles malgré les tirs et les guida pour leur permettre de prendre les Allemands à revers. Elle transforma sa maison en poste de secours, abattit deux soldats allemands au revolver et lança une grenade dans un abri où d'autres s'étaient réfugiés. Elle fut la première femme citée à l'ordre de l'armée et fut également reçue par le président de la république. Les britanniques lui décernèrent la Military Medal et réalisèrent un film à sa gloire : The Joan of Arc of Loos.

    Les femmes dans la guerre

    Pendant la seconde guerre mondiale, Emilienne Moreau se distingua à nouveau. Son rôle dans la résistance lui valut alors d'être une des six femmes à avoir été faites "Compagnon de la Libération", une distinction attribuée à seulement 1038 personnes pendant toute la guerre. Devenue institutrice, elle avait été placée en résidence surveillée par les allemands quand ils réoccupèrent la région en 1940. Mais elle passa dans la clandestinité et eut un rôle extrêmement actif dans le réseau de renseignement "Brutus". Pourchassée par la gestapo, elle fut exfiltrée par avion vers la Grande Bretagne en 1944.

    Les femmes dans la guerre

     


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    Le traité de l’Élysée fête ses 40 ans

    Le traité de l’Élysée fête ses 40 ans

    Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signent le traité de L'Elysée. C'est un traité d'amitié et de coopération qui contribue à panser les plaies et pose les bases d une véritable communauté stratégique entre l'Allemagne et la France.

    Le 22 janvier 1963, le général de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer signaient un traité d’amitié et de coopération qui consacrait solennellement la réconciliation entre la France et l’Allemagne, et jetait les bases d’une coopération bilatérale institutionnalisée, dans les domaines diplomatique, militaire, économique et culturel. Comment deux ennemis séculaires, trois fois en guerre en l’espace de soixante-dix ans, avaient-ils pu en arriver là, moins de vingt ans après la fin du cauchemar de 1939-1945 ? Les “forces profondes”, économiques et culturelles, la conjonc­ture internationale, ainsi que le poids et la volonté d’une poignée d’hommes permettent d’esquisser une réponse. Aussitôt après la première guerre mondiale, et plus encore au lendemain de la seconde, émergent, de la société civile, des initiatives destinées à pro­mouvoir une meilleure connaissance mutuelle et favoriser une entente franco- allemande durable, étape indispensable à la longue marche vers l’unité européenne espérée. Aristide Briand, Gustave Stresemann, puis Jean Monnet, Robert Schuman et quelques autres, sont tous convaincus que sans entente franco-alle- mande, sans unité européenne, il n’y aura pas de paix durable en Europe. Leurs idéaux se concrétisent bientôt par la naissance de la Communauté euro­péenne du charbon et de l’acier (CECA) en 1951, puis de la Communauté éco­nomique européenne (CEE) en 1957... Il aura fallu, aux Allemands, accomplir une révolution : le choix de l’intégration à l’Europe de l’Ouest, qui passe par une réconciliation avec la France. Aux Français, surmonter leurs terribles appréhensions face à l’ennemi séculaire. À tous, un immense courage. Lorsqu’il revient au pouvoir, le géné­ral de Gaulle, bien qu’il ne partage pas les conceptions européennes des “Pères de l’Europe”, concède à son fidèle lieu­tenant, Alain Peyrefitte : « La réconci­liation est faite au niveau des élites, mais elle n'est pas faite au niveau des peuples. » C’est donc à réunir les peuples français et allemand que le général de Gaulle va désormais s’employer. Des gestes forts sont nécessaires : le Général prend l’initiative d’invi­ter le chancelier alle­mand, dès septembre 1958, à Colombey- les-deux-Eglises - fait unique -, puis à Paris, en juillet 1962, pour une visite officielle. Après un défilé de troupes françaises et allemandes à Mourmelon, les deux diri­geants, comme « transfigurés » (Alain Peyrefitte), célèbrent la réconciliation franco-allemande par une messe solen­nelle dans la solen­nelle dans la cathédrale de Reims. Si la ferveur populaire des Français n’est pas vraiment au rendez-vous, le voyage officiel que le général de Gaulle effectue à son tour en Allemagne, au mois de septembre 1962, soulève au contraire la frénésie des foules qu’il rencontre. En grand exorciste du passé, il sait trouver les mots justes : amitié, solidarité, confiance, complémentarité, coopération, etc. La nouvelle entente franco-allemande au sommet est fondée sur une perception semblable de la menace principale - l’URSS - et de l’évolution de la politique nucléaire américaine à l’égard de l’Europe. En effet, le passage de la doctrine des « représailles massives » (Dulles) à celle de la « riposte graduée » (McNamara) a été interprété par les Européens comme un nouveau recul de la garantie nucléaire américaine, après la crise de Berlin. La relation franco- allemande, plus que jamais, apparaît comme un indispensable rempart contre le communisme. Or, le processus de réconciliation franco-allemand, unique en son genre, trouve son aboutissement dans la signa­ture, le 22 janvier 1963, à l’Elysée, d’un traité qui ne prétend pas seulement consacrer la nouvelle amitié, mais fonder également un véritable pôle de puissance (Pierre Maillard) autour duquel doit se bâtir progressive­ment l’Europe politique. Désormais, en vertu du traité, les chefs d’État ou de gouvernement, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, ainsi que les chefs d’états-majors, se rencon­trent très régulièrement. L’objectif fixé est particu­lièrement ambitieux : il s’agit d’aboutir à une concertation sur les grands sujets d’intérêt commun en matière de poli­tique extérieure, ainsi qu’à une coopéra­tion dans le domaine économique, cul­turel et de la défense (échange de per­sonnels, travail en commun sur les arme­ments, recherche de conceptions straté­giques communes, création d’institutions franco-allemandes de recherche, etc.).

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les espoirs du général de Gaulle  comme du chancelier Adenauer sont à la mesure de l’événement historique, peut- être même excessifs. Car le paradoxe de ce rapprochement éclatant, c’est qu’à peine signé, le traité de l’Élysée ait vu sa portée singulièrement réduite par le Parlement allemand, qui, sous l’influence des “atlantistes”, impose l’insertion d’un préambule unilatéral rappelant, pour mieux en souligner l’importance, 1’« étroite association entre l’Europe et les États-Unis d’Amérique ; [la] défense commune dans le cadre de l’Alliance atlantique ; [et 1’] unification de l’Europe selon la voie tracée par la créa­tion de la Communauté en y admettant la Grande-Bretagne. » C’est donc l’ensemble des projets politiques du Général - profondément attristé par ce revirement - qui se trouve tout à coup remis en question par un véri­table tir de barrage politico-médiatique. Pour n’évoquer que le domaine de la défense, il faudra attendre vingt-cinq ans avant la création du Conseil franco-alle­mand de défense et de sécurité (CFADS, 1988) et de la Brigade franco-allemande (1989). Et c’est seulement en 1992, sous l’impulsion du président François Mitterrand et du chancelier Helmut Khol, qu’est créé un corps d’armée euro­péen, Eurocorps, qui compte plus de 61 000 hommes à l’heure actuelle. En définitive, le caprice du Bundestag était prévisible. Il résultait d’une diver­gence, qui allait durablement hypothé­quer l’approfondissement des relations franco-allemandes, sur le rôle des Etats- Unis et la place de la Grande-Bretagne dans l’Europe. Le général de Gaulle tra­vaillait à une France indépendante et à une “Europe européenne”, toutes deux soustraites à 1’“hégémonie” américaine, défense comprise. Le chancelier Adenauer, au contraire, accordait une importance vitale à la garantie militaire des Américains, et plus particulièrement nucléaire, pour assurer la sécurité de la République fédérale. Quant à la Grande- Bretagne, le Général avait annoncé dans une retentissante conférence de presse, huit jours seulement avant la signature du Traité, qu’il refusait son entrée dans la Communauté économique européenne (CEE), parce qu’il la jugeait encore trop inféodée aux Etats-Unis. Le préambule du Bundestag se contentait, tout simple­ment, de prendre acte de ces divergences. Au-delà de cette équivoque durable, il reste que Charles de Gaulle et Konrad Adenauer, tous deux habités par cet indé­niable « courage de la volonté » (Hermann Kusterer) seul propre à dominer l’esprit de vengeance, ont, en signant le traité de PÉlysée, contribué à panser les plaies et posé les bases d’une « véritable commu­nauté stratégique franco-allemande » (Georges-Henri Soutou). Que le traité de l’Elysée, prévu pour être un pont sur le Rhin, n’ait finalement été qu’une passe­relle, voilà qui ne surprendra guère ceux qui savent quel est le prix à payer pour sub­stituer l’amitié à la haine entre les peuples. Nombreuses sont les voix autorisées qui en appellent aujourd’hui à la réactiva­tion ou même à l’approfondissement (Henri Froment-Meurice) du traité de l’Elysée : la célébration de son 40e anniver­saire peut être justement l’occasion pour les deux pays de trouver ce nouveau souffle.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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