• Le début du réalisme socialiste?

     

    Gustave Courbet 

    Gustave Courbet

     

    Courbet

    Le 14 septembre 1870, Gustave Cour­bet se fait remarquer en signant une pé­tition pour obtenir le déboulonnage de la colonne Vendôme, dénuée, selon lui, «de toute valeur artistique (et) tendant à per­pétuer... les idées de guerre et de con­quête». Huit mois plus tard, il assiste à la destruction du monument.

    C’est le début de graves ennuis: après la chute de la Commune, Courbet le socia­liste est traduit en conseil de guerre et condamné à six mois d’emprisonne­ment. Deux ans après, il voit refuser ses toiles au Salon de mai. La malchance le poursuit: toujours en 1873, rendu soli­daire des frais de reconstruction de la colonne, il doit s’expatrier en Suisse. La vente judiciaire de ses biens pour cou­vrir ses dettes le terrasse et il meurt en 1877.

     

    Voilà pour le révolutionnaire. Mais peut-on séparer chez Courbet l’artiste et l’homme politique? Non, si l’on songe que rien ne prédestinait ce fils de pro­priétaire terrien, étudiant en droit, à s’éprendre du romantisme, avant de devenir le chef de l’école réaliste. Oui, si l’on se souvient des influences conju­guées de sa mère, très républicaine, de Victor Hugo, puis de Baudelaire. Toujours est-il qu’après avoir abandon­né ses études pour copier les maîtres fla­mands, hollandais et espagnols, il se dé­tache du romantisme vers 1845. En 1848, dans Le Salut public, dirigé par Baudelaire, Champfleury et Toubin, il publie un dessin représentant un insur­gé. Le peintre et le révolutionnaire ne font déjà plus qu’un. C’est au nom de son idéal social qu’il refuse les thèmes «bourgeois», mythologiques ou patrioti­ques. L’Enterrement à Ornans fait scandale au Salon de 1850-1851, plus par le sujet (des villageois autour de leur fossoyeur) que par le style. La critique est dure: «gens affreux», «misanthropie», «igno­bles créatures», «laideur» sont quel­ques-unes des expressions qui revien­nent le plus souvent. Mais la plupart d’entre elles ne font que traduire l’in­compréhension du public: «Le titre de réaliste m’a été imposé... Traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon épo­que... en un mot faire de l’art vivant, tel est mon but.» Pourtant, les réactions favorables ne manquent pas: Bruyas, acheteur des Baigneuses, Proudhon, qui voit en Courbet un peintre socialiste... et le lui fait croire. Et puis, certaines œuvres sans prétentions sont fort bien accueillies, comme Combat des cerfs ou La Femme au perroquet. Courbet reçoit même la Légion d’honneur... qu’il refu­se. Quelques années avant sa mort, il est nommé président de la Commission de conservation des richesses artistiques (1870), ce qui sera à la source de tous ses déboires ultérieurs. Notons que l’influence de la photographie a eu sa part dans l’orientation réaliste de son art


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    Un disciple de Rousseau 

     

    au Havre, élève, à Caen, des jésuites, Jacques-Henri Bernardin de Saint- Pierre, grand lecteur de Robinson Cru- soé, s’embarque à 12 ans pour la Marti­nique sur un bateau commandé par son oncle; il traverse une crise mystique, puis étudie les mathématiques et entre, en 1757, à PEcole des ponts et chaus­sées. Officier-ingénieur surnuméraire, il participe à la guerre de Sept Ans, tient garnison à Forbach, mène la vie des camps. A partir de 1762, il fait son tour d’Europe: Hollande, Russie — où il ga­gne dans les armées de Catherine II ses galons de capitaine du génie —, Polo­gne, Allemagne, Autriche. Rentré en France en 1767, il est nommé capitaine- ingénieur du roi à l’île de France, aujourd’hui île Maurice, où il réside jus­qu’en 1771.

     

    A son retour en France, Bernardin de Saint-Pierre publie Le Voyage à l’île de France (1773); il fréquente les salons lit­téraires et se lie avec les encyclopédis­tes; mais son meilleur ami est le vieux Jean-Jacques Rousseau, avec lequel il herborise et dont il partage la philoso­phie sur la pureté de l’homme primitif et l’organisation providentielle du monde. Les Etudes de la nature (1784) lui apportent la célébrité, grâce surtout au récit du tome IV, Paul et Virginie. Le succès est extraordinaire: les femmes se coiffent «à la Virginie»; on grave, on peint, on cisèle les scènes les plus tou­chantes de cette pastorale enfantine. La Révolution ne fait qu’accroître cette gloire. L’auteur, qui a salué les temps nouveaux dans Les Vœux d’un solitaire (1789), est nommé intendant du Jardin des Plantes (1792); il est chargé de la chaire de morale à l’Ecole normale (1794), reçu à l’Académie où André Chénier lit l’éloge de Paul et Virginie. Napoléon, qui se souvient que Bernar­din de Saint-Pierre a été l’auteur préféré de sa jeunesse, le pensionne. Marié deux fois sur le tard, Bernardin de Saint- Pierre termine sa vie paisiblement sur les bords de l’Oise. En 1790, il a publié deux contes: Le Café de Surate et La Chaumière indienne.

     

    Ses Harmonies de la nature (1796), suite et développement des Etudes de la nature, sont moins romanesques, mais c’est là qu’il développe les thèmes de son finalisme naïf.

     

    Idéaliste, utopique, croyant comme Rousseau à la bonté foncière de l’hom­me et à l’effet corrupteur de la société, rêvant au retour d’un «âge d’or» fait de pureté et de vertu, Bernardin de Saint- Pierre n’a pu que plaire aux amoureux de La Nouvelle Héloïse. Miroir de Rousseau, il reflète fidèlement son épo­que: son «naturisme», sa sensiblerie ver­beuse et moralisante se retrouvent chez les jeunes orateurs révolutionnaires. Mais ses descriptions colorées et son exubérance annoncent Chateaubriand et le romantisme; son art de dépayser a ouvert la voie au roman exotique.

     


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  • La pensée la plus élevée du Grand Siècle

     Né à Clermont-Ferrand, éduqué par son père Etienne Pascal, magistrat considéré et très cultivé, Biaise est un enfant «sur- doué». A 11 ans, il assimile seul les trente-deux propositions d’Euclide et compose un traité des sons; à 16 ans, il publie un Essai pour les coniques, qu’apprécient Descartes et Leibniz; à 17 ans, il conçoit sa machine arithmétique, ancêtre de notre machine à calculer; entre 20 et 23 ans, il renouvelle les expé­riences de Torricelli sur le vide et dé­couvre la pesanteur de l’air. Toute sa vie, il poursuit ses travaux scientifiques (calcul des probabilités, traité sur le vide, problème de la cycloïde).

     Les relations de son père l’initient très jeune à la littérature, au théâtre, à la vie intellectuelle parisienne. Au cours de sa «période mondaine», Pascal s’est lié avec les esprits «avancés» de son temps, les libertins, comme le chevalier de Méré, le duc de Roannez, des Barreaux...

     A partir de 1646, avec les siens, il entre en contact avec les jansénistes et se sent attiré par leur doctrine; sa sœur Jacque­line, la cadette de la famille, entre, en 1652, au couvent de Port-Royal. Pascal traverse alors une crise spirituelle; le monde qu’il continue à fréquenter lui inspire un dégoût grandissant. Dans la nuit du 23 au 24 novembre 1654, dans une illumination intérieure extatique, il décide que rien ne compte que l’apparte­nance à Dieu. Il fait retraite, en 1655 et en 1656, chez les «solitaires» des Gran­ges, à Port-Royal des Champs.

     Entre 1656 et 1657, au moment où les querelles religieuses s’enveniment, il prend la défense du jansénisme en rédi­geant Les Lettres provinciales. Signées «Louis de Montalte», ces dix-huit Let­tres ont un retentissement considérable. Elles sont mises à l’index par l’Assem- blée du clergé qui vient précisément, en 1657, d’imposer aux religieux la signa­ture du «formulaire» condamnant la doctrine de Jansénius.

     Dès 1659, la santé précaire de Pascal commence à s’altérer gravement; à force de volonté, il persévère néanmoins dans ses pratiques d’humilité et de cha­rité. Il vit presque dans le dénuement. Il meurt à Paris, chez sa sœur Gilberte Périer, à 39 ans. E avait en projet un important ouvrage de théologie, acte de foi et de raison dans le christianisme. A cet effet, il prenait quantité de notes; certaines parties du livre étaient déjà ré­digées. Ce sont ces notes et fragments qui, réunis après sa mort, constituent Les Pensées de Pascal. Tous les écrits de ce dernier, religieux ou pamphlétai­res, présentent la même perfection clas­sique qui en fait des modèles de prose française. Savant mathématicien, physi­cien génial, philosophe moraliste, Pas­cal, par la gravité pathétique de son ton et la profondeur de sa réflexion, se situe au premier rang des penseurs de son temps. Il a médité en «moderne» sur des thèmes toujours actuels.

     


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  • Une inspiration neuve

     François Rude voit le jour à Dijon le 4 janvier 1784. Il doit embrasser très jeune la profession de son père, un poêlier-fumiste, qu’il aide dans l’atelier familial. Vers l’âge de 16 ans, attiré par les arts, Rude obtient de suivre les cours de l’Ecole des beaux-arts de Dijon. Il est l’élève de Devosge qui lui fait découvrir l’art antique. D’évidentes dispositions pour la sculpture lui valent d’entrer, en 1807, dans l’atelier parisien du très aca­démique Cartellier. En 1809, il obtient le second grand prix et, trois ans plus tard, le premier grand prix de Rome. Les cir­constances politiques l’empêchent de rejoindre la Villa Médicis et l’artiste reste en France où son travail séduit le directeur des'musées impériaux qui lui confie quelques commandes.

     Ses opinions bonapartistes obligent Rude à s’exiler à Bruxelles après les Cent-Jours. Commencent des années difficiles pendant lesquelles il doit par­fois sacrifier son art à des besognes ali­mentaires. Toutefois, grâce à l’appui de David, exilé également, il obtient quel­ques commandes officielles parmi les­quelles un buste du roi Guillaume et des bas-reliefs pour le château de Tervuren. Le sculpteur rentre en France en 1827. Son Mercure rattachant sa talonnière (1828) éveille l’intérêt du public. La manière de l’artiste évolue et il se dé­tache peu à peu de l’académisme. En 1833, il expose un Petit Pêcheur napoli­tain jouant avec une tortue qui rompt avec la tradition par la grâce d’une pose inhabituelle Le gouvernement confie bientôt à Rude la réalisation du haut-relief de la façade orientale de l’Arc de triomphe. Pour ce Départ des volontaires de 1792, l’artiste trouve une veine nouvelle, d’une fougue toute romantique. «Toutes les lois tradi­tionnelles de la plastique et de l’art du relief éclatent devant cette hardiesse; c’est l’esprit de la Révolution devenu forme, un chant de combat, comparable à La Marseillaise», écrira G. Pauli à propos de cette œuvre.

     S’il pratique tous les genres, Rude excel­le dans le monumental. La statue de Monge à Beaune, le tombeau de Cavai- gnac au cimetière Montmartre, le Napo­léon s’éveillant à l’immortalité à Fixin, la statue de Ney du carrefour de l’Observatoire comptent parmi ses œuvres les plus remarquables. A la dif­férence de ses contemporains, Rude sculpte d’après des modèles vivants en s’appuyant sur une réelle connaissance de l’anatomie et trouve volontiers l’ins­piration dans les événements de son siè­cle. Dans les dernières années de sa vie — il s’éteindra en 1855 —, il revient toutefois au style académique. Peut-être se souvient-il que La Marseillaise de l’Arc de triomphe a été, malgré sa beau­té, vivement critiquée par les tenants du goût officiel.


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    Jean-Honoré Fragonard

    Un certain "esprit français"

     

    Né à Grasse dans une famille de com­merçants aisés installés à Paris vers 1738, Jean-Honoré Fragonard est d’abord saute-ruisseau chez un notaire. Sans goût pour la basoche, il entre en apprentissage dans l’atelier de Chardin (1746), puis dans celui de Boucher où il demeure jusqu’en 1752. Ensuite, élève de Van Loo, le jeune Fragonard, d’une grande virtuosité, s’essaie à tous les gen­res. Il a copié et étudié Rembrandt et Rubens au Luxembourg; il découvre les Vénitiens et Tiepolo lorsqu’il est, de 1756 à 1761, pensionnaire de l’Acadé- mie de France à Rome. Parcourant l’Italie de Bologne à Parme, de Gênes à Naples, visitant la campagne romaine, il s’initie au paysage: Les Cascatelles- Tivoli (1760) sont typiques de cette pé­riode au cours de laquelle il se lie avec Hubert Robert et Greuze. Rentré à Paris où, depuis son grand prix de Rome, il n’est pas un inconnu, il assoit sa réputation définitive en entrant à l’Académie (1765). Recherché des ama­teurs, introduit dans la vie mondaine, Fragonard commence à se spécialiser dans les scènes de genre «piquantes», qui plaisent à sa clientèle d’actrices et de riches fermiers généraux. L’Escarpolet­te, L’Heure du berger, Le Verrou, La Chemise enlevée, Le Boudoir, La Gimblette, entre autres motifs «risqués», ont fait la réputation de libertinage de Fra­gonard et l’ont assimilé à une image du XVIIIe siècle, qui correspond à celle d’un certain «esprit français» vif, gra­cieux, élégant, un peu frivole, délicieuse­ment moqueur. Encensé par ses contem­porains, Fragonard travaille pour la Guimard (la célèbre danseuse de l’Opéra), pour Mme du Barry (panneaux des­tinés au château de Louveciennes), pour le duc de Penthièvre (La Fête de Saint- Cloud).Après 1773, à la suite d’un second voyage en Italie, Fragonard abandonne les sujets légers pour les portraits (de l’abbé de Saint-Non, de Diderot, etc.) et pour des scènes familiales et rustiques d’inspiration rousseauiste (Les Baisers maternels, Visite à la nourrice). Le marivaudage fait place aux sentiments (Le Vœu à l’amour, Le Sacrifice à la rose). A mesure qu’on avance vers la période révolutionnaire, la vertu devient à la mode. En 1793, protégé par David, devenu le «père Frago», le peintre de L’Escarpolette est nommé directeur du futur Conservatoire des Arts et, en 1798, membre du jury du musée central des Arts. Sous l’Empire, il est logé au Palais-Royal et on l’oublie. Bien que ses œuvres aient été largement vulgarisées par la gravure et le chromo, la vraie gloire de Fragonard ne date que du milieu du XIXe siècle. C’est alors qu’on reconnaît son extraordinaire mé­tier, le merveilleux trait de ses dessins et de ses sépias, la discrétion harmonieuse de ses couleurs, sa spontanéité, son allé­gresse. Il est un des grands maîtres de la peinture française de Louis XV à Napoléon Ier 

     


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