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    Le Duc de Richelieu

     Richelieu sur son lit de mort (source BNF) 

    Armand du Plessis de Richelieu naît en 1766. Il est l’arrière-petit-neveu du car­dinal et le petit-fils du maréchal de Richelieu qui se démet, à son profit, de la charge de premier gentilhomme à la cour de Louis XVI. Armand du Plessis émigre en 1789 et prend du service dans l’armée russe, participant à des campa­gnes contre-révolutionnaires dans les rangs autrichiens et servant contre les Turcs. L’amitié du tsar lui vaut d’être nommé gouverneur d’Odessa et des vas­tes territoires méridionaux conquis sur les Turcs. Il s’attache à l’œuvre d’admi­nistration et de mise en valeur qui lui est confiée et transforme la contrée en une province prospère.

     Revenu en France en 1814, il est nom­mé pair de France et premier gentilhom­me de la Chambre. Il devient homme d’Etat malgré lui: après l’intermède des Cent-Jours, Louis XVIII lui offre la pré­sidence du Conseil et le ministère des Affaires étrangères. Il n’accepte que sur la pression du tsar. D’une rare loyauté, ayant peu de goût pour les intrigues, Richelieu contraste singulièrement avec son prédécesseur, le roué Talleyrand. En outre, quoique la Révolution l’ait dé­pouillé de ses biens, il n’affiche pas les prétentions de la plupart des émigrés et montre un grand désintéressement. Fort respecté par les Alliés — «sa parole vaut un traité», dira Wellington —, entrete­nant des relations privilégiées avec le tsar, Richelieu réussit à obtenir des con­ditions de paix supportables. Hanté par la sévérité du second traité de Paris qu’il a dû signer le 20 novembre 1815, il œuvre sans relâche à la libération du territoire. Au congrès d’Aix-la-Chapelle (1818), il obtient le retrait des troupes étrangères et la France peut reprendre sa place dans le concert européen.

     A l’intérieur, Richelieu appuie Decazes. Il lutte contre l’outrance des ultra- royalistes; ceux-ci ne tardent point à le considérer comme un «déserteur» et à tourner leur vindicte contre lui. Cepen­dant, inquiet des progrès des libéraux aux élections de 1818 et convaincu qu’il ne peut écarter Decazes — favori du roi —, il démissionne le 26 décembre 1818. Au lendemain de l’assassinat du duc de Berry (février 1820), qui provoque la chute de Decazes, Richelieu apparaît le seul recours. Le comte d’Artois l’assure de son soutien et de celui de ses parti­sans. Le duc se résigne à reprendre la tête du gouvernement. Il fait promulguer les lois d’exception qui restreignent la liberté de la presse et la liberté indivi­duelle, ainsi qu’une loi électorale favo­rable aux conservateurs. Mais, entre gauche et droite, sa marge de manœuvre est étroite. Malgré leurs promesses, les conservateurs s’abstiennent de l’appuyer. Lassé, Richelieu se retire le 12 décembre 1821 et meurt peu après (mai 1822).

     


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  •  Un visage maigre, des lèvres minces, des paupières ourlées de rouge laissant fil­trer un regard froid, tel apparaissait à ses contemporains cet homme redou­table et redouté. Né au Pellerin, près de Nantes, le 29 mai 1759, cet ancien élève des oratoriens serait sans doute resté professeur dans son collège si la Révolu­tion n’avait éclaté. Elu député à la Con­vention, il vote la mort du roi «pour obéir aux vœux de mes électeurs», dira- t-il plus tard. Envoyé en mission en pro­vince, il signe des arrêtés violemment ré­volutionnaires et déclare la guerre au catholicisme; à Moulins, il fait brûler les objets du culte; à Lyon, avec Collot d'Herbois, il substitue le canon à la trop lente guillotine. Cependant, rappelé à Paris par Robespierre, il craint pour sa vie et participe au complot qui aboutit au 9-Thermidor.

     Mal vu de la Convention thermidorien­ne en dépit de ce retournement, il doit se cacher avec sa famille (août 1794). Bar­ras le fait rentrer en grâce; il va alors représenter la République à l'étranger, puis, en juillet 1799, est nommé ministre de la Police du Directoire. A cette date, l'étoile montante étant Bonaparte, l’ex- terroriste abandonne son protecteur pour aider de son mieux au coup d’Etat de Brumaire. En récompense, il retrouve son poste à la tête de la police et sait montrer sa compétence, après l'explosion de la machine infernale de la rue Saint-Nicaise (24 décembre 1800), en découvrant les auteurs de l’attentat, des royalistes. Fouché pousse alors l’art policier au plus haut degré de perfection avec son système de fiches et ses indicateurs. Inquiet de cette puissance, Bona­parte supprime le ministère (15 septem­bre 1802), mais Fouché reçoit la riche sénatorerie d'Aix.

     L'Empire proclamé. Napoléon lui rend pourtant ses anciennes fonctions. Le ministre est fait duc d’Otrante (1809), mais il complote avec Talleyrand et sur­tout, inquiet de la politique de conquête, il a l’audace d’entamer des pourparlers avec Londres par l'intermédiaire du banquier Ouvrard. Napoléon l’apprend et met à pied l'impudent personnage (juin 1810). Rentré en grâce en 1813, il est nommé gouverneur des Provinces illyriennes. Revenu à Paris à la chute de l’Empire, il échappe à la police du roi et retrouve pendant les Cent-Jours son ancien portefeuille. Mais il comprend vite que l’affaire tournera mal et il mène un double jeu qui lui permet, après Waterloo, de se faire imposer comme ministre à Louis XVIII (juillet 1815). Devenu veuf, il épouse une jeune fille de vieille noblesse provençale, Mlle de Castellane-Majastre, de vingt ans sa cadette: c’est l’apothéose. Mais les ultras qui le haïssent travaillent à sa per­te. Envoyé à Dresde pour y représenter le roi, le duc d'Otrante est ensuite exilé comme régicide (1816). Il meurt à Tries- te le 26 décembre 1820.

     


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  • Jean-Paul Marat

     

     Adulé par les sans-culottes, craint et haï par les modérés, porté aux nues après sa mort, puis voué aux gémonies lors de la réaction thermidorienne, ce polémiste, né le 24 mai 1743 à Boudry (Suisse) d’un père sarde et d’une mère genevoise, étudia la médecine en France et en Grande-Bretagne avant de s’établir à Paris comme médecin des gardes du corps du comte d’Artois. Il avait déjà publié quelques mémoires sur des sujets scientifiques, ainsi que diverses brochu­res dans lesquelles il développait ses théories favorites sur l’insolence des riches et le despotisme de l’Etat.

     La Révolution survenue, il se jeta dans la mêlée et fonda un journal, L’Ami du peuple (ami du peuple taché du sang de marat), afin de démasquer les fripons et les traîtres. Mais ses attaques contre certaines personnalités, en particulier Necker et La Fayette, lui valurent des poursuites judiciaires; il dut se cacher et même s’exiler en Angleterre.

     Inscrit aux Cordeliers, sa passion répu­blicaine se déchaîna après la fuite de Varennes et la fusillade du Champ-de- Mars. Il continua à vaticiner contre les nobles et les prêtres, mais sa pitié pour les déshérités lui attira la reconnaissance populaire. La chute des Tuileries (10 août 1792), à laquelle il avait travaillé, l’exalta. Ses furieuses diatribes contri­buèrent alors à créer le climat de haine dans lequel baignait la capitale lors des massacres de Septembre. Elu député de Paris à la Convention, il soutint la Com­mune et la Montagne contre les Girondins. Mais sa violence verbale comme son apparence débraillée déplaisaient même ceux qui partageaient ses idées. Les grands Montagnards le tenaient à l’écart. L’Ami du peuple avait alors fait place au Journal de la République fran­çaise, qui allait devenir lui-même Le Publiciste de la République française. Après la condamnation du roi, la lutte de Marat contre les Girondins continua avec plus de violence. A la suite d’un de ses appels à l’insurrection, ses adversai­res le firent décréter d’accusation, mais l’immense popularité dont il jouissait à Paris lui permit d’être acquitté par le Tribunal révolutionnaire et il fut ramené en triomphe à la Convention. Il s’achar­na alors contre ses adversaires. La pros­cription des Girondins incita une de leurs admiratrices, Charlotte Corday (1768- 1793), à venir à Paris assassiner celui qu’elle jugeait responsable de toutes les atrocités de la Révolution (13 juillet 1793). Elle fut décapitée. Les restes du tribun furent transférés au Panthéon. Ils y restèrent jusqu’au 26 fé­vrier 1795, date à laquelle ils furent jetés à la fosse commune


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  • Enguerrand de Marigny

     

     Enguerrand-de-Marigny est, avec Guil­laume de Nogaret, le plus célèbre des conseillers de Philippe le Bel.

     Il naît vers 1260 en Normandie, près de Gournay, dans une famille de moyenne noblesse, déjà au service du roi. Con­trairement à Guillaume de Nogaret par exemple, il n’est pas juriste ou, comme on disait, «légiste». Son instruction est rudimentaire; il ne connaît pas bien, semble-t-il, le latin. Mais il est intelli­gent, aimable, prudent et bon orateur.

     Il entre dans l’administration royale en 1295 et devient panetier de la reine Jeanne. En 1302, il remplit une première mission diplomatique en Flandre; en 1304, il est chambellan du roi. Sa fonc­tion est modeste, mais elle lui permet d’approcher Philippe le Bel; celui-ci le distingue et le fait entrer au Conseil royal en 1308.

     Comme chambellan, Enguerrand de Marigny participe à l’administration de l’hôtel du roi, c’est-à-dire au bon fonc­tionnement de la cour royale; à ce titre, il est chargé de l’achèvement du palais de la Cité. Comme conseiller, son activi­té est très diverse. Il s’occupe des reve­nus et des dépenses du domaine royal et, peu à peu, étend son action à l’ensemble des affaires financières, même s’il n’est pour rien dans les célè­bres mutations monétaires qui sont antérieures à son entrée au Conseil. Aussi, en 1313, apparaît-il comme le directeur des Finances royales et il doit assurer la levée, toujours impopulaire, de nouveaux impôts. Il s’occupe aussi, et surtout après 1312, des Affaires étrangères, négociant avec la comtesse d’Artois, avec le roi d’Angleterre, au couronnement duquel on assiste en 1308, et avec la Flandre, où il obtient, en 1312, la condamnation du comte Louis de Nevers. Bien entendu, il est mêlé aussi au conflit avec le Saint-Siège qui débute en 1308; il y joue, semble-t-il, un rôle modérateur face à l’intransigeance de Guillaume de Nogaret. Il y gagne la faveur de Clément V, mais, en 1312, il s’active au concile de Vienne qui accor­de au roi la suppression de l’ordre du Temple. Au cours des deux dernières années du règne, il étend son influence à tous les domaines, au point d’être consi­déré comme une sorte de Premier minis­tre.

     Mais Philippe le Bel meurt en novembre 1314. La chute d’Enguerrand de Mari­gny est alors rapide. Les fils du roi et les princes, jaloux de son pouvoir et lui reprochant sa fortune aussi rapide que considérable, profitent de l’impopularité qui s’attache à ses fonctions financières; ils le font accuser de malversations, puis de sorcellerie. Le 26 avril 1315, la cour royale le condamne à mort et décrète la confiscation de ses biens. Quatre jours plus tard, sous les huées de la foule, Enguerrand de Marigny est conduit au gibet de Montfaucon et pendu.

     


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